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L’escorte avançait sous le soleil malien depuis trois heures sans rencontrer le moindre incident, et Harold prit une courte gorgée d’eau. La chaleur écrasante à laquelle s’ajoutaient le gilet pare-balles, le casque en kevlar et la chaleur dégagée par le moteur du VBCI* lui faisaient tourner la tête, et le peu de vent qui parcourait le désert ne suffisait pas à rafraîchir l’homme posté en tourelle. Il avait hâte de rentrer au camp pour s’offrir une bonne douche bien fraîche puis retrouver la climatisation de son logement et dévorer une ration de combat. Tout à ses réflexions sur le confort à venir, il ne vit pas la ligne de terre fraîchement retournée sur lequel son véhicule allait rouler. La dernière chose dont il se souviendrait serait l’explosion déchirant son blindé en deux et le propulsant dans les airs.
L’hélicoptère se posa sur sa zone d’atterrissage où l’attendait une équipe médicale, et immédiatement sa cargaison fut déchargée et transférée dans un lit mobile entraîné par le personnel hospitalier jusqu’à une double porte blindée se refermant derrière eux. Un monte-charge se mit alors en marche pour les faire descendre pendant qu’un homme lisait un dossier.
— Sergent Harold Pointrance, vingt-huit ans, célibataire, sans famille. L’explosion d’un EEI* a déchiré son engin blindé et tué tous ses occupants sauf lui qui s’est fait éjecter sur plusieurs mètres, le corps coincé dans le tourelleau, avant de retomber lourdement sur le dos. Bilan, colonne vertébrale brisée en de nombreuses zones. Diagnostique anticipé, paralysie complète. Il a eu de la chance de ne pas se faire arracher les jambes par l’explosion.
Une femme lui prit le dossier et l’examina avant d’ajouter.
— Pour ce que ça changerait pour nous… On l’emmène au secteur C-7, c’est un sujet parfait.
L’homme la regarda avec un sourire dans les yeux.
— Je pourrais assister à ton numéro de vendeur de voitures d’occasion ?
— Encore faudrait-il qu’il se réveille… On verra si la morphine fait effet une fois qu’il sera branché au système.
Le monte-charge s’immobilisa et ses portes s’ouvrirent, libérant le passage à l’équipe médicale qui reprit la route à travers des couloirs de béton nu jusqu’à arriver à une porte pneumatique donnant accès à un sas de stérilisation menant à une grande installation médicale, ils arrêtèrent le lit dans une grande chambre avant de raccorder son occupant à différents moniteurs ainsi qu’à un respirateur artificiel, puis la femme prit une seringue qu’elle planta dans le bras de l’homme inconscient pour lui en injecter le contenu. L’autre scientifique la regarda alors en rigolant.
— Allez, quand est-ce que tu me diras ce qu’il y a dedans, à part de la morphine.
Le fusillant du regard, elle répondit.
— Quand tu auras pris du galon et que tu auras le droit de savoir, pas avant. Allez, on sort, on a d’autres chats à fouetter.
L’équipe sortit lentement en éteignant la lumière, laissant le survivant seul avec son coma.
*VBCI = Véhicule Blindé de Combat d’Infanterie
*EEI/IED = Engin Explosif Improvisé/Improvised Explosive Device
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