2

6 minutes de lecture

                — Alors c’est toi le nouveau ?

                Un homme typé méditerranéen de presque deux mètres de haut et d’allure athlétique s’approcha en souriant.

— Bienvenu parmi nous, mon pote. En tout cas, je suis content de te rencontrer, ça confirme ce que je pensais, ils ont commencé avant même ton accord, comme pour tous les autres. Alors, fais attention à ce qu’ils te diront, et à ce qu’ils te feront.

                Il tendit le bras devant lui et reprit.

— Allez, il est temps pour toi de commencer ta nouvelle vie. Réveille-toi !

                Il fit une chiquenaude avant de disparaître.

                Harold ouvrit les yeux lentement pour fixer les dalles d’un faux plafond blanc faiblement éclairé, avant de soupirer d’une voix rauque de s’être trop longtemps tue.

— Je suis vivant…

                Il voulut se gratter, mais rien ne se passa, et subitement la peur s’empara de lui tandis qu’il ne voyait pas son bras droit se lever. Il essaya ensuite de lever le bras gauche, en vain, avant de se concentrer sur ses jambes qu’il ne vit pas bouger non plus. Terrifier, il essaya de se redresser, mais une fois encore, son corps ne réagit pas, et cette fois-ci la peur laissa place à la panique tandis que les pires choses lui venaient à l’esprit. Il s’imagina subitement amputé de tous ses membres, réduit à l’état d’homme-tronc et abandonné seul dans cette pièce lugubre et vide.

                Les larmes lui montèrent lentement aux yeux tandis que la panique s’emparait de lui, et il ne put retenir un puissant cri de rage qui résonna dans la chambre tandis que sur sa droite s’élevaient de nombreux bips sonores ajoutant leurs sons stridents à sa terreur. Une minute plus tard, alors qu’il reprenait son souffle en essayant de contenir ses pleurs, il entendit la porte de la pièce s’ouvrir à la volée tandis que des voix s’élevaient, celle d’une femme dominant les autres.

— Vite, coupez-moi cette putain de sonnerie ! Calmez-vous, monsieur, nous sommes là !

— Mais là qui, bordel !

                Une tête se pencha par-dessus Harold, et il découvrit une femme brune aux yeux pers et aux lèvres fines qui lui sourit chaleureusement.

— Nous, le personnel médical. Calmez-vous.

                Harold craqua.

— Me calmer ? Je n’ai plus de corps, et vous voulez que je me calme ?

                La femme attrapa quelque chose et l’amena devant les yeux de l’homme alité qui resta sans voix tandis qu’une autre femme prenait la parole.

— Son pouls se calme !

                La femme au-dessus d’Harold reprit.

— Votre bras droit. Vous voulez voir le reste de votre corps ? Ne bougez pas.

                Elle fit un signe et le reste du personnel lui présenta son autre bras et ses jambes en les soulevant. Harold balbutia alors.

— Mais… Pourquoi je ne peux pas bouger ? Et pourquoi je ne vous sens pas me toucher ?

                Le sourire de la femme s’effaça immédiatement.

— De quoi vous souvenez-vous ?

                Harold fronça les sourcils pour se souvenir avant de répondre.

— J’étais en patrouille au Mali, quand mon véhicule a explosé… Comment va mon équipe ?

                La femme pinça les lèvres.

— Vous êtes le seul survivant…

                Harold pinça les lèvres à son tour alors qu’une larme coulait le long de sa joue, et la femme eut la décence de ne pas reprendre la parole et de lui laisser le temps de pleinement digérer l’information, et ce fut lui qui rompit le silence.

— Je suis dans quel hôpital ? Bégin ? Percy ?

                La femme fit non de la tête avant de répondre.

— Nous ne sommes pas dans un hôpital militaire. Nous ne sommes même pas en France en fait… Vous êtes dans les installations du groupe pharmaceutique ENLIA, dans les eaux internationales, et spécialisées dans les cas désespérés pour notamment travailler dans la régénération du corps humain.

— Attendez… Cas désespérés ? Qu’est-ce que j’ai ? C’est pour ça que je ne sens plus mon corps, ou que j’ai du mal à respirer ?

                La femme opina lentement du chef avant de répondre.

— Votre colonne vertébrale est brisée… Vous êtes… Paralysé…

— Bien…

                La femme haussa les sourcils, étonnée de la réaction extrêmement calme de son patient, jusqu’à ce que celui-ci pousse un hurlement de désespoir. Une fois le hurlement fini, Harold renifla avant de reprendre.

— Donc vous pensez pouvoir me guérir ?

— Vous réparer serait plus exact.

                Les yeux d’Harold se tournèrent vers la femme avant qu’il demande.

— Et comment ?

— Les cellules souches, ça vous parle ?

— Non.

— Pour faire simple, elles permettent de reconstruire des organes. Alors nous comptons sur elles pour régénérer votre moelle épinière. Êtes-vous intéressé ?

— Parce que vous croyez que j’ai le choix ?

                La femme rigola.

— Bien sûr ! Vous pouvez décliner notre offre, et vous retrouver dans un hôpital militaire, avec une pension de notre part vous permettant de payer tous les frais médicaux qui seront les vôtres en échange de votre silence. Mais rassurez-vous, vous n’êtes pas obligé de répondre immédiatement.

                Harold la fusilla du regard.

— Ça pue, votre truc. Si je refuse, vous achetez mon silence en fait. D’ailleurs, je suppose que si on est dans les eaux internationales, c’est pour ne pas être emmerdé par les lois, non ?

                La femme sourit alors qu’Harold reprenait.

— Et puis, si vous voulez que je vous fasse confiance, faudrait peut-être au moins que je connaisse votre nom, non ?

— Oui, en effet. Je suis la docteur Joséphine Allit, responsable de la division C-SET, enchantée.

                Harold répondit sèchement.

— Désolé, je ne peux pas vous serrer la main. J’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur.

                Joséphine sourit avant de répondre.

— Au moins, vous avez gardé votre humour, c’est bien.

— Ça s’appelle du sarcasme.

— C’est bien ce que je disais. Bien, notre protocole implique que nous vous laissions quarante-huit heures de réflexion avant de recevoir votre réponse, aussi je vais vous laisser, j’ai d’autres patients à voir. D’ici une à deux heures, un personnel viendra vous apporter vos soins quotidiens.

— Soins ? Vous voulez faire quoi ? Me donner un doliprane ?

                Joséphine sourit de plus belle avant de répondre.

— Non, dans un cas comme le vôtre, il est important de masser au maximum les membres infirmes pour aider le sang à circuler afin d’éviter les nécroses, et donc les amputations.

— Cool… Si on doit me masser pour faire circuler le sang, je voudrais une femme au moment de la branlette, si possible…

                Joséphine le fusilla du regard avant de répondre en sortant de la chambre.

— Je vous rappelle que vous ne le sentiriez pas, alors je vais faire comme si je n’avais rien entendu.

                Une fois qu’elle eut quitté la salle, une voix masculine s’éleva.

— Désolé, la cheffe déteste la vulgarité. Je vous mets la télé ?

                Un homme noir se pencha au-dessus d’Harold en approchant un écran qu’il alluma.

— Il y a une commande vocale. Demandez un film, et vous l’aurez.

— Je vous remercie.

— De rien. Je vous laisse avec Huit, elle va vous lire le menu et reviendra pour vous aider à vous nourrir et vous apporter vos soins.

                Harold haussa un sourcil.

— Huit ?

                Une femme blonde se pencha aux côtés de l’autre infirmier.

— Bonjour ! Je suis Michelle Palia, infirmière moi aussi. Merci Mick.

— De rien, au revoir monsieur, à plus Huit.

                L’homme quitta la chambre à son tour, et le regard d’Harold revint sur la jeune femme.

— Huit ?

                Elle sourit avant de répondre.

— Je suis la huitième patiente du projet C-SET.

                Harold haussa un sourcil.

— Qu’est-ce qu’il vous est arrivé ?

— J’ai chuté dans les escaliers, sur trois étages… J’étais comme vous, clouée dans un lit, à porter une couche et recevoir à manger de la part de mes collègues sans pouvoir bouger, alors j’ai accepté d’être incluse au programme. Et maintenant, je suis valide et heureuse.

                Harold l’observa, suspicieux, tandis qu’elle continuait.

— Bon, je ne vais pas vous mentir, ce n’est pas immédiat, et c’est très douloureux, mais bon, je trouve que c’est un faible prix à payer contre le plaisir de contrôler mon corps.

— Ça se défend… Donc au menu, il y a quoi ?

                Huit sourit avant d’énoncer les choix potentiels et Harold se décida, puis elle quitta la chambre en lui donnant rendez-vous pour le dîner. Quand elle eut refermé la porte, Joséphine l’interrogea.

— Tu as fait ton numéro ?

— Oui madame.

— Tu crois qu’il y a cru ?

                Huit pinça les lèvres.

— À l’inverse des autres, il n’a posé aucune question… Alors je lui ai quand même donné toutes les informations habituelles, donc on verra bien…

                Joséphine hocha la tête.

— Nous verrons bien dans deux jours. Allez, au travail.

— Oui madame.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sebastien CARRÉ ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0