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                Lorsque Huit revint dans la chambre d’Harold, elle le vit le visage crispé et ruisselant de sur, et s’approcha de lui avec inquiétude.

                — Tout va bien ?

                Harold répondit en grognant.

— Ça me brûle…

— Vous voulez de la morphine ?

— Surtout pas !

                L’infirmière haussa les sourcils de surprise.

— Mais pourquoi ? Je veux dire, vous êtes en souffrance…

— La Doc a dit que ça ralentirait le processus… C’est comme un sparadrap, vaut mieux le retirer d’un coup sec, ça fait moins mal…

— Oui, enfin là, ça fait un coup sec qui va durer très longtemps… Ou alors vous êtes masochiste et vous vous êtes bien gardé de nous prévenir.

                Harold laissa échapper un petit rire.

— Le sarcasme, c’est mon truc à moi, non ?

                Huit sourit.

— Vous n’en avez pas l’exclusivité.

                Pour la première fois de leur discussion, l’infirme tourna les yeux vers elle.

— Vous êtes plus jolie comme ça qu’en blouse.

                Huit sourit un peu plus.

— Vous trouvez ?

— Y a pas photo.

                La jeune femme s’éloigna du lit pour qu’il puisse mieux la voir, avant de tourner sur elle-même tandis qu’Harold savourait le spectacle. Elle était vêtue d’une jupe en jeans lui arrivant à mi-cuisse et ses jambes étaient recouvertes d’un collant noir opaque tandis que des bottes à talons plats lui remontant sous les genoux lui faisaient gagner quelques centimètres. Elle portait aussi un petit haut laissant voir son nombril et ayant un décolleté profond, le tout recouvert d’une veste en jeans assortie à la jupe.

— Votre petit ami doit être ravi.

                Huit rigola.

— Qui vous dit que j’ai fait ça pour un homme ?

                Harold fit une moue dubitative avant de reprendre.

— Votre petite copine alors. Je m’en fous, je suis plutôt ouvert d’esprit.

                Huit rigola de plus belle avant de reprendre.

— Non, je n’ai personne dans ma vie. On sort très peu du complexe, et je n’ai pas envie d’avoir une relation avec un collègue. Ça pose trop de problèmes pendant et après…

— Ça sent le vécu…

                Pour toute réponse, la jeune femme haussa les épaules.

— Vous voulez que je vous apporte une poche de glace à poser sur votre nuque ?

— J’avoue ne pas être contre…

— Bien, je reviens tout de suite alors.

                La jeune femme quitta la chambre prestement pour revenir une petite minute plus tard, une poche bleue dans les mains. Se dirigeant vers l’oreiller, elle souleva délicatement la tête de son patient pour placer le dispositif sous sa nuque avant de réinstaller Harold aussi confortablement que possible tandis que celui-ci poussait un soupir de soulagement.

— Ça fait du bien ?

— Vous n’avez pas idée… Si vous pouviez aussi me gratter la cheville droite, ce serait super…

                Huit sourit et commença à s’exécuter avant de s’arrêter.

— Vous m’avez bien eu… Votre cheville ne peut pas vous gratter.

                Elle se retourna vers lui et le découvrit préoccupé.

— Justement si… Très légèrement, mais si…

                L’infirmière ouvrit de grands yeux quand soudainement Harold se mit à hurler de douleur.

— Vous êtes sûr que vous ne voulez pas de morphine ?

                Son corps tout entier se tendit subitement, puis son dos se cambra avec tant de force que l’infirme ne toucha plus son matelas, tenant sur son lit par les pieds et les poings, tandis qu’un cri effroyable s’élevait de sa gorge. Paniquée, huit se releva pour courir jusqu’à la porte qu’elle ouvrit à la volée.

— Vite, une urgence en chambre soixante-dix-sept ! Prévenez Allit !

                Elle retourna au chevet de son patient et lui attrapa le visage à deux mains pour le tourner vers elle.

— Harold ! Ouvrez les yeux ! Parlez-moi !

                Le patient lui lança un regard empli de terreur, puis ses yeux se révulsèrent alors qu’il hurlait de nouveau tandis que son corps se détendait pour retomber lourdement sur le matelas. Tentant de reprendre son souffle, il supplia.

— Je vous en supplie, je souffre trop ! De la morphine ! Vite !

— Elle arrive !

                Les infirmiers entrèrent dans la chambre avec un chariot sur lequel étaient placées une seringue et une fiole au liquide transparent, pour s’approcher du lit tandis que Huit se saisissait du matériel médical.

— Je vais vous shooter, je vous préviens. Vous allez planer.

— M’en fous ! Allez !

                Son corps se tendit brusquement une nouvelle fois, son bras balayant le chariot et un des infirmiers qui atterrit lourdement contre le mur, sonné tandis que Huit hurlait.

— Maintenez-le, bordel !

                L’infirmier le plus costaud s’allongea sur lui tandis que les deux autres lui saisissaient le bras, et Huit profita de ce bref instant de contrôle pour planter la seringue dans le membre et en vider le contenu. Quelques secondes plus tard, le corps se détendit alors que les yeux d’Harold reprenaient une position normale. D’une voix épuisée, il murmura.

— Merci…

                Huit se pencha à ses côtés pour répondre sur le même ton.

— C’était le premier rencard le plus surprenant que j’ai jamais eu.

                Il ne l’entendit pas, déjà emporté par le sommeil chimique.

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