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Dans la salle de garde, le professeur Allit se tenait face à un tableau blanc, le dos tourné à l’équipe médicale.
— Donc, si je résume, on a eu une réactivité extrême à l’agent C-7, et en une heure de temps ses fonctions motrices ont été restaurées… Ce qui en fait notre sujet le plus prometteur depuis le Patient Zéro. Nous avons donc installé une caméra dans sa chambre pour être certains de ne rien manquer de son évolution, et une équipe restera exclusivement dédiée à lui jusqu’à ce que son état se soit stabilisé. Nous vous ferons un compte-rendu complet à l’issue.
D’un boîtier noir au centre de la table s’éleva une voix masculine emplie d’autorité.
— Bien. Il va de soi que ce sujet revêt une importance capitale pour nous, et il va falloir l’étudier sous toutes les coutures afin d’anticiper un nouveau Patient Zéro, ou à l’inverse comprendre ce qui lui aura permis d’évoluer à l’opposé. J’attends donc votre compte-rendu dès que possible.
— Oui Mon Colonel.
— Bien. Bonne nuit malgré tout.
Un léger déclic se fit entendre puis la pièce resta silencieuse quelques secondes avant qu’une autre voix d’homme s’élève du boîtier.
— Professeur Allit, je souhaiterais vous parler seul à seul s’il vous plaît.
La scientifique se tourna vers l’équipe médicale qui quitta silencieusement la salle. Quand la porte fut fermée, la femme reprit la parole.
— Je vous écoute professeur Dupont.
— Vous avez conscience de ce qui se joue actuellement, j’espère.
— Oui professeur. Nous sommes à l’instant charnière ou tout peut basculer du succès à l’échec.
— Exactement. Et si vous veniez à échouer une fois encore, il y a fort à parier que l’ONU coupera ses subventions à ENLIA, ce qui entraînera la fin de vos travaux et notre renvoi à tous les deux. Nos carrières vont se jouer sur un coup de dés, c’est littéralement le hasard qui va décider pour nous, aussi vous devez vraiment capture le moment où tout basculera, si tant est qu’il bascule, afin de pouvoir à minima expliquer ce nouvel échec et trouver des mesures pour y palier. C’est la seule chance qu’il nous restera pour sauver nos têtes.
Le professeur Allit fronça les sourcils.
— Vous en parlez comme s’il avait déjà mal tourné.
— Vu comme tout est allé vite avec le Patient Zéro, je préfère simplement m’attendre au pire. Puisse l’avenir me donner tort. Bonne soirée Joséphine.
— Bonne soirée professeur.
Un second déclic s’entendit, et la femme soupira.
— Connard…
Quelqu’un frappa alors à la porte, et elle cria sans relever la tête.
— Entrez !
Huit passa la tête par la porte avant de dévisagea sa supérieure.
— C’est moi… Je me suis dit que vous voudriez que je vous parle de ce qu’il s’est passé…
Se redressant pour observer la jeune femme, la scientifique croisa les bras.
— En effet. Entrez et dites-moi tout.
La jeune femme se plaça de l’autre côté de la table avant de se lancer.
— J’avais proposé à Harold…
— Sujet soixante-dix-sept. Il n’a pas d’identité pour nous, il n’est qu’un sujet d’expériences, un cobaye de laboratoire, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?
Huit baissa la tête.
— Oui madame. J’avais proposé au sujet soixante-dix-sept de lui tenir un peu compagnie à l’issue de mon service, parce qu’il m’a signifié plusieurs fois pendant ses soins qu’il trouvait le temps long et souffrait d’insomnies… Mais quand je suis rentré, il était ruisselant de sueur et visiblement en souffrances, mais il a refusé la morphine pour ne pas ralentir le processus de réparation. Je lui ai parlé pour lui changer les idées, et ça semble avoir fonctionné un temps, puis je lui ai mis une cryopoche sous la nuque parce qu’il se plaignait que la zone était trop chaude. Il m’a ensuite demandé de lui gratter la cheville…
Allit haussa un sourcil.
— Impossible, il ne peut pas la sentir.
— C’est ce que j’ai dit aussi, mais visiblement les connexions nerveuses étaient déjà rétablies. C’est à ce moment-là qu’il a commencé à… Je dirais bien se tordre de douleur, mais c’était plutôt l’inverse… Un de ses mouvements de bras a été assez puissant pour projeter Dimitri contre un mur et le mettre KO.
La scientifique porta une main à sa bouche en réfléchissant avant de parler.
— Donc on a eu un temps de réaction supérieur au Patient Zéro… Et des effets immédiats tels que l’accroissement de puissance musculaire… Intéressant. Puis-je vous poser une dernière question ?
— Oui madame.
— Vous vous habillez souvent comme une pute pour aller tenir compagnie aux patients en dehors de vos heures de services.
Huit manqua de s’étrangler, mais répondit avec tout le calme et le contrôle dont elle était capable.
— Madame, j’ignorais qu’il y avait également un code vestimentaire qui s’appliquait quand nous ne travaillons pas.
— Non, il n’y en a pas, mais vous pourriez faire preuve d’un peu de décence.
Huit haussa un sourcil.
— Ma tenue est décente, même si elle ne correspond pas à vos critères vestimentaires dignes d’une dame patronnes. Mais peut-être que le fond du problème se résume en deux mots : Édouard Dupont… Peut-être qu’avec quelques jupes dans votre garde-robe, les choses auraient été différentes…
Allit la fusilla du regard avant de répondre, les mâchoires crispées.
— Tirez-vous vite d’ici, ou je jure que je vous fais virer, et vous pourriez même coucher avec le Colonel que ça n’y changerait rien. Et je vous interdis de revoir soixante-dix-sept.
Huit afficha un regard en coin.
— Il a le droit de choisir son personnel soignant, c’est dans le contrat qu’il a validé, donc c’est lui qui décidera, pas vous.
Perdant toute retenue, Joséphine hurla.
— Dehors !
— Oui madame. Bonne soirée à vous aussi.
La jeune femme quitta la salle avec sérénité tandis que la scientifique se retournait en croisant les bras avant de taper du pied en cadence. Cette foutue garce avait le don de la mettre hors d’elle, et elle détestait ça.
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