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                L’homme typé méditerranéen sortit une fois de plus des ténèbres, toujours souriant.

                — Alors ça y est ? Ça a commencé ? Comment tu te sens ? Tu ne morfles pas trop ? Non, visiblement ils t’ont sédaté…

                S’approchant un peu plus, il reprit en penchant légèrement la tête sur le côté.

— La résonnance entre nous deux est forte, tu le sens ? Depuis le premier jour, la première injection, quand tu es arrivé ici… C’est prometteur… J’aurais tant à t’apprendre, je suis là depuis tellement longtemps, je connais tant de choses, et ton nouveau potentiel va t’offrir tant de possibilités… Je m’en réjouis par avance, mon frère. Allez, réveille-toi maintenant, il est tant de te redécouvrir.

                Une nouvelle fois, il disparut dans les ténèbres.

                Dans la salle de garde, les relais des moniteurs appliqués au patient soixante-dix-sept se mirent tous à sonner en même temps, signifiant le décès de celui-ci. Les quatre infirmiers échangèrent un regard terrifié, avant de se lever pour courir jusqu’à la chambre d’où provenaient les alarmes et en ouvrir la porte à la volée et s’arrêter, abasourdis. Alors qu’ils s’attendaient à devoir utiliser le matériel médical stocké dans la chambre au cas où, ils découvrirent le patient soixante-dix-sept debout devant son lit, visiblement aussi perdu qu’eux. Il redressa la tête, révélant un visage en larmes, avant de parler d’une voix tremblante.

— J’avais simplement envie d’aller pisser, alors je me suis levé…

                L’un des infirmiers sortit son téléphone portable et composa un numéro avant de porter l’appareil à son oreille.

— Professeur Allit ? Il y a eu une évolution surprenante… Je crois que vous devriez venir voir en fait… Oui, on vous attend… Faites vite s’il vous plaît…

                Tous échangeaient des regards incrédules, alors qu’Harold observait son corps sous toutes les coutures, faisait jouer ses doigts sous ses yeux ébahis, remuait les orteils et savourait le contact du sol froid sous ses pieds.

— C’est… Un miracle…

                L’un des infirmiers se dirigea lentement vers lui en lui tendant une blouse, et Harold l’observa quelques secondes avant de sourire quand il réalisa qu’il était entièrement nu, avant de s’en saisir et de l’enfiler. Quand il fut habillé, toujours souriant et ému aux larmes, il reprit.

— Sérieux, je suis désolé de vous avoir fait peur… Mais la sonde urinaire me dérangeait trop, et il faut vraiment que je me rende aux chiottes…

                L’infirmier devant la porte des cabinets se décala et Harold acquiesça, avant de se rendre dans la salle d’eau d’un pas alerte et déterminé tout en fredonnant.

— Sans aucun lien, je me tiens bien. Je n’suis pas une marionnette.*

                Il s’écoula quelques secondes pendant lesquelles tous purent l’entendre uriner avant qu’il pousse un râle de soulagement et reprenne.

— Putain, les petits plaisirs de la vie, vous n’avez pas idée…

                Les infirmiers rigolèrent pendant qu’il se lavait les mains, puis il ressortit de la pièce, toujours aussi souriant.

— J’ai envie de courir, de sauter, j’ai une énergie du tonnerre !

                À ce moment précis, la porte de la chambre s’ouvrit pour laisser entrer une furie en pyjama rose qui porta immédiatement son regard prédateur sur Harold, et alors que celui-ci reconnaissait la scientifique, il ravala son sourire en murmurant.

— Oui, j’ai subitement très envie de courir, mais plus pour les mêmes raisons…

                La femme s’avança dans sa direction jusqu’à n’être qu’à quelques centimètres de lui avant de prendre la parole.

— Donc vous marchez.

                Harold haussa un sourcil dubitatif.

— Visiblement.

— Et vos sensations ?

— J’ai été soulagé de pisser…

                Une gifle phénoménale lui fouetta le visage en lui arrachant un cri de stupeur et de douleur mélangées sous les regards choqués des infirmiers, et alors qu’Harold massait sa joue rougie, le professeur Allit sourit.

— J’attendais cette occasion depuis que vous avez ouvert la bouche pour la première fois, mais je ne me voyais pas frapper un handicapé. Là, j’ai joint l’utile à l’agréable. On sait maintenant que vous pouvez ressentir la douleur.

— Oui, bah j’aurais préféré un truc moins choquant… Psychopathe !

                Un sourire sadique au visage, la femme répondit.

— Vous n’avez pas idée. Bien, je présume que vous n’aurez plus envie de dormir, mais je serais vous, je me reposerais. Demain, nous commencerons les tests et les examens.

                Se redressant après sa gifle tout en fusillant la scientifique du regard, Harold ironisa.

— J’ai passé suffisamment de temps cloué au lit, je vous remercie. Je vais prendre une douche et me raser, et après je voudrais manger.

                Allit haussa un sourcil dubitatif.

— Si c’est vraiment ce que vous voulez, nous ferons en sorte que vous l’ayez. Autre chose ?

                Un nouveau sourire étira le visage du patient.

— Ouais. Je voudrais voir Huit.

                Le visage de la scientifique fut subitement recouvert d’un masque haineux tandis qu’elle grognait entre ses dents.

— Puis-je savoir pourquoi ?

                Toujours souriant, Harold répondit d’un ton sarcastique.

— Vous puis-jez. Elle était là quand j’ai fait ma crise, et je voudrais la rassurer sur mon état.

— Bien.

                Elle fit demi-tour et s’apprêtait à quitter la chambre quand elle reprit.

— Sinon, vous n’avez pas posé la question, mais votre réparation a duré une semaine.

— Une semaine ? Merde… Ça troue le cul !

                Allit fronça les sourcils.

— Si à l’avenir vous pouviez ne plus jurer comme un charretier, je vous en serais reconnaissante.

                Elle sortit de la chambre, et Harold se tourna vers les infirmiers ?

— Vous me trouvez vulgaire ?

                Ceux-ci haussèrent les épaules et Harold reprit.

— Mes couilles, la vulgarité, je l’encule !

                Cette fois-ci, les infirmiers se laissèrent aller à rire franchement.

*Musique chantée par Pinocchio chez Walt Disney

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