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                Après sa soirée film en compagnie de Michelle, Harold fut emmené par un infirmier deux étages plus bas jusqu’à son nouveau logement. Après en avoir reçu les clés, il y pénétra pour y trouver ses sacs et différents cartons. Il entreprit de les ouvrir, retrouvant ses vêtements comme son matériel militaire et ses biens matériels, et commença à tout ranger et installer quand quelqu’un frappa à la porte.

                — Entrez !

                La porte s’ouvrit pour dévoiler le professeur Allit, et Harold ne put s’empêcher de murmurer.

— Et merde, ils vous ont filé mon adresse…

                La scientifique ne releva pas et s’avança vers son patient.

— Votre logement vous plaît ?

— Oui, merci.

— Bien. Avez-vous retrouvé vos affaires de sport ?

— Oui M’dame.

— Parfait, alors arrêtez ce que vous faites et changez-vous, ensuite vous me suivrez pour les premiers examens.

                Harold la regarda quelques secondes avant de demander.

— Je peux avoir un peu d’intimité ?

                La femme en blouse blanche haussa un sourcil.

— Vous avez une salle de bain, je vous signale.

                Attrapant ses affaires, Harold s’y rendit en maugréant.

— Putain, même dans mon logement je ne suis pas chez moi…

                Il venait à peine de refermer la porte qu’elle répondit en haussant le ton pour être sûre d’être entendue.

— Mais vous n’êtes pas chez vous ! Vous êtes dans un complexe scientifique et industriel appartenant à la société ENLIA.

— M’en tape ! Dans ces vingt-cinq mètres carrés, vous n’êtes personne, et vous devriez vite l’intégrer !

                Quand enfin il sortit vêtu d’un short et d’un tee-shirt, Allit l’attendait bras croisés et visiblement énervée, avant de l’apostropher.

— Vous vous prenez pour qui au juste ?

                Harold haussa un sourcil avant de répondre.

— Le mec qui peut visiblement faire capoter vos recherches et vous faire perdre votre emploi, et si j’en ai conscience, vous devriez vous aussi. Comme dirait l’autre, je vous tiens par les couilles. Enfin, les ovaires…

                Allit ouvrit la bouche de surprise quelques secondes, cherchant quoi répondre, avant de se reprendre.

— Bien, puisque vous le prenez comme ça… Pouvons-nous reprendre nos activités et nous rendre à la salle de sport ?

                Harold rigola avant d’inviter le professeur Allit à se mettre en route d’un mouvement de la main puis de lui emboîter le pas. Ils parcoururent quelques couloirs avant de rentrer dans un ascenseur et de descendre trois étages puis de repartir à travers les couloirs pour entrer dans une salle où Harold s’immobilisa, bouche bée. La scientifique se retourna vers lui, un sourire mesquin aux lèvres.

— Vous ne vous attendiez pas à ça, n’est-ce pas ?

                Face à Harold se trouvait un stade agrémenté d’autres agrès sportifs. Le militaire dévisagea la scientifique avec étonnement.

— Mais quelle est la superficie de votre complexe au juste ?

                Allit sourit.

— Est-ce que c’est important ? Êtes-vous prêt pour la suite ?

                Harold soupira avant d’acquiescer.

— Qu’est-ce que je dois faire ?

                La scientifique sortit un chronomètre et un stylo, puis un autre scientifique lui apporta un bloc-notes.

— Merci Hoang. Bien, Soixante-Dix-Sept…

— Sergent Harold Pointrance, pas Soixante-Dix-Sept. Je vous l’ai déjà dit.

                Allit haussa un sourcil avant de reprendre.

— Vous allez courir, tout simplement. Vous aurez vingt minutes pour faire un maximum de tours de stade. Vous en sentez-vous capable ?

                Harold pencha légèrement la tête sur le côté en fronçant les sourcils.

— Vous êtes sérieuse ? Vous voulez que je coure ?

— Pour commencer. Le saut en hauteur et en longueur, les tractions, les pompes, les abdominaux et les grimpés de corde se feront après.

— Putain, j’ai l’impression de revivre mon engagement… Bien, je vais m’installer…

                Harold se plaça sur la piste de course qui entourait le stade avant de se préparer. Allit lui donna le top départ tout en activant le chronomètre, et Harold commença sa course à allure modérée, se disant qu’il devait s’économiser pour tenir pendant vingt-minutes. Pourtant, au bout de deux tours, il dut se rendre compte qu’il n’éprouvait pas la moindre forme de fatigue et entreprit d’accélérer la cadence jusqu’au sprint, et Allit se mit à sourire tandis qu’elle notait tour après tour le temps qu’il mettait à parcourir les quatre cents mètres, ne constatant une baisse de rythme qu’à partir de dix minutes de course à pleine vitesse. Quand enfin elle se saisit de son sifflet et souffla dedans pour signaler la fin de l’exercice, Harold revint vers elle en trottinant avant de s’immobiliser à ses côtés, transpirant et essoufflé.

— Alors Doc, ça dit quoi ?

                Observant son bloc-notes, Allit répondit.

— Pas mal. Votre meilleur temps au tour est de quarante-deux secondes, soit près de dix secondes pour cent mètres. Comment vous sentez-vous ?

— Étonnamment bien. Essoufflé, certes, mais je pense que dans quelques minutes, je serais prêt à recommencer.

— Parfait. Voulez-vous vous hydrater ?

— Avec plaisir…

                Le scientifique qui avait apporté le bloc-notes ouvrit une glacière et tendit une bouteille d’eau fraîche au militaire qui s’en saisit pour boire par petites gorgées avant de s’essuyer le front d’un revers du bras, puis Allit lui indiqua un énorme matelas derrière deux piquets en métal.

— Prochaine épreuve, saut en hauteur. Les capteurs des poteaux nous indiqueront vos performances. Vous avez dix tentatives, à vous de choisir comment vous sauterez. Allez-y à votre rythme, rien ne presse, ce qui compte, c’est que vous le fassiez sérieusement.

                Harold la dévisagea quelques secondes.

— Ça coule de source… Vous me prenez pour un demeuré pour me le signaler ? Non, ne répondez pas… Je préfère ne pas savoir…

— Comme vous voulez. Maintenant, au boulot.

                Harold se dirigea calmement vers le matelas tandis qu’Allit et son adjoint se rendaient à une table à côté sur laquelle reposait un ordinateur portable relié par des câbles aux piquets. Quand il fut en place, le sujet cria.

— Vous êtes prêts ?

                Les deux scientifiques opinèrent du chef avant d’activer un faisceau laser remplaçant la barre à une hauteur d’un mètre et demi, et Harold s’élança, attaquant le matelas par le côté pour effectuer un saut Fosbury puis de retomber sur le matelas. Relevant la tête, il observa les scientifiques avant de demander.

— J’ai fait combien ?

                Le professeur Hoang N’Guyen leva la tête de l’écran pour répondre.

— Plus d’un mètre cinquante. Je vais monter la barre, allez vous préparer.

                Harold acquiesça et partit reprendre sa position de départ avant de s’élancer une fois de plus, et une sonnerie s’éleva des poteaux. Se tournant vers les scientifiques, il demanda.

— C’était quoi, ça ?

— Vous avez touché le faisceau. Voulez-vous que je le descende ?

— Surtout pas. Je recommence.

                Il s’élança de nouveau et aucune sonnerie ne retentit.

— Montez-le encore un peu. Je sens que je peux faire mieux.

                À l’issue de son dixième saut, il observa les deux scientifiques, et une fois encore l’adjoint d’Allit prit la parole.

— Deux mètres douze. Félicitation, digne d’un athlète professionnel.

— Merci.

                Allit intervint.

— Ne vous emballez pas. On passe au saut en longueur. Dix tentatives.

                Harold acquiesça, résigné à servir de cobaye, et se rendit sur la piste de saut tandis que le professeur N’Guyen faisait pivoter l’écran vers le nouvel agrès, et le sportif s’élança avant de sauter de toute sa puissance pour atterrir dans le bac de sable.

— Cinq mètres.

                S’époussetant les fesses, Harold retourna au départ de la piste pour s’élancer de nouveau jusqu’à avoir épuisé toutes ses tentatives, puis N’Guyen lui annonça le résultat final.

— Sept mètres et deux centimètres, sur votre septième tentative. Vous commencez à éprouver de la fatigue ?

                Harold opina.

— Ça commence à venir, oui, mais j’en ai encore sous le pied. Laissez-moi juste quelques secondes pour souffler et boire un coup, et on est repartis.

                Se saisissant d’une seconde bouteille, il la vida à moitié avant de se verser le reste sur la tête.

— OK, la suite ?

— Cinquante pompes le plus vite possible, puis autant d’abdominaux, et juste après vous filez à la barre de tractions pour le même nombre. Vous aurez ensuite un peu de temps pour souffler avant d’attaquer les cordes raides.

                Harold avisa les barres de tractions à cinq mètres de lui et soupira avant de se mettre en position tandis qu’Allit sortait son chronomètre.

— C’est parti.

                Il commença à monter et descendre tout en expirant par la bouche, ne commençant à ressentir le manque de souffle à partir de la trentième pompe, et sentir ses bras se raidir à la quarante-cinquième. Quand il eut fini, il roula sur lui-même pour commencer sa série d’abdominaux, grognant au trente-cinquième et finissant les dix derniers en apnée, incapable de respirer, pour se redresser douloureusement avant de trotter jusqu’aux barres de traction qu’il observa avec lassitude.

— Doc, je vous déteste…

— Et c’est réciproque.

— Pétasse…

                Bien qu’il ait murmuré, il était certain qu’elle l’avait entendu, mais s’en moquait totalement. Il sauta pour se saisir des barres et commença ses tractions, peinant à partir de la vingtième, la fatigue cumulée des épreuves précédentes commençant à peser lourd sur son corps, mais il ne céda pas, refusant de s’avouer vaincu devant la garce de scientifique, et termina sa série laborieusement, mais fièrement. Quand il se laissa tomber, il était épuisé et ses bras lui faisaient mal, mais il se retourna en souriant.

— Bien, vous m’avez parlé d’une pause. Combien de temps ?

                Un sourire sadique aux lèvres, Allit répondit.

— Une minute.

                Elle put lire une colère mal contenue dans les yeux de son interlocuteur et la savoura pleinement tandis que celui-ci s’avançait jusqu’à la glacière pour boire une bouteille entière et s’en vider une seconde sur la tête pour ensuite se rendre aux cordes. Il frotta ses mains sur le sol pour en essuyer la sueur et s’offrir une meilleure accroche avant de se mettre en place.

— Combien je dois en faire ?

— Deux. Non, trois, pardon.

— Trois ?

                Son sourire sadique toujours bien visible, Allit répondit.

— Nouvelle consigne de la pétasse.

                Harold eut subitement envie de l’étrangler avec la corde, mais il affermit son maintien sur celle-ci et entreprit de grimper à la seule force de ses bras, avant de redescendre en se laissant glisser puis de recommencer. Pourtant, à sa seconde ascension, il dut s’aider de ses jambes, et lutta péniblement pour le troisième grimper. Quand il put enfin toucher le sol une ultime fois, les bras tétanisés et tremblants, il se tourna vers le duo de scientifique en souriant, tâchant de masquer sa douleur, et lança d’un ton enjoué.

— D’autres conneries ou on en a fini ?

                Arborant un masque de vexation, Allit grogna.

— Vous êtes tranquille jusqu’à cet après-midi.

                Harold haussa un sourcil.

— Je vais devoir faire quoi, cet après-midi ? Piscine ? Aquaponey ?

                Allit répondit froidement.

— Prise de sang, scanner et IRM. Je tâcherais de ne pas vous louper quand je vous piquerais.

— Oui, ce ne serait pas de veine, comme on dit.

                Elle le fusilla du regard tandis qu’il rigolait, et N’Guyen jugea utile d’intervenir.

— Vous pouvez disposer, Double-Sept.

                Harold grogna.

— Je vous ai dit de ne pas m’appeler comme ça.

                Sans un mot de plus, il quitta les lieux, demandant à un infirmier de le guider jusqu’à son logement, tandis que N’Guyen se tournait vers sa supérieure.

— Je peux savoir ce qui te prend ?

                Toujours énervée, Allit rétorqua.

— Hormis le fait que ce soit un sal con ?

— C’est un sujet capital, notre carrière à tous est en jeu, alors tu vas tout de suite reprendre une attitude plus professionnelle. Moi aussi j’ai entendu dire qu’il fricotait avec Huit, et je me doute de l’état dans lequel ça te met vu ce qu’elle t’a fait, mais lui n’y est pour rien. Et si tu arrêtais de le chercher, tu arrêterais aussi de le trouver. Si ton attitude vis-à-vis de lui ne change pas vite, j’en référerais à Dupont et à Vespal, et tant pis s’ils te retirent le dossier, c’est clair ? Je n’ai pas envie de me retrouver au chômage pour une affaire d’ego.

                Allit ne répondit pas, se contentant de sortir un paquet de cigarettes de sa poche, et N’Guyen la dévisagea quelques secondes avant de soupirer en s’éloignant d’un pas rapide et déterminé. Quand elle fut seule, Allit recracha sa fumée par le nez avant de murmurer.

— Bande de pauvres types.

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