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                Harold sortait de sa douche quand quelqu’un frappa à la porte.

— Putain, j’espère que ce n’est pas encore l’autre emmerdeuse…

                Nuant sa serviette autour de ses hanches, il alla ouvrir pour se retrouver face à face avec Michelle vêtue d’un jean et d’un sweat à capuche. Marquant un temps d’arrêt, il se reprit vite.

— Désolé, j’ai cru que c’était Allit…

                L’infirmière sourit tout en entrant en passant sous le bras de son hôte.

— Et tu espérais un meilleur traitement en l’accueillant à moitié nu ?

                Refermant la porte, Harold se retourna en rigolant.

— Plutôt crever que d’essayer de m’entendre avec cette chieuse. Non, je sortais simplement de la douche. Que puis-je faire pour toi ?

                Se tournant vers son interlocuteur en souriant, Michelle répondit.

— Je me suis dit que tu n’avais pas encore pu faire de courses au magasin du centre, alors je suis venue te proposer de manger au self avec moi.

— C’est sympa, merci. Attends, il y a un magasin ici ?

                Michelle rigola.

— Bien sûr ! Ne serait-ce que pour les produits d’hygiène ou les cigarettes.

                Harold acquiesça lentement avant de répondre.

— Ouais, enfin, moi, je n’ai pas de revenus, et si je passe réellement pour mort, mon compte courant est fermé, donc je suis sans le sou…

                Michelle rigola de nouveau avant de se rendre dans le coin cuisine.

— Et ça, c’est quoi ?

                Elle pointa une enveloppe de couleur marron du doigt et s’en saisit avant de la lancer telle un frisbee au concerné qui la manqua. Se penchant pour la ramasser après avoir provoqué l’hilarité de la jeune femme, Harold questionna.

— C’est quoi ?

— Une carte de paiement, valable uniquement ici. Le centre a besoin de s’assurer que tu vives normalement pour ne pas fausser les résultats. Ils veulent savoir ce que ça donnera dans la vraie vie, pas en milieu stérile.

— Logique…

                Il ouvrit l’enveloppe et en sortit une carte à puce comparable à n’importe quelle carte de paiement, ainsi que deux feuilles qu’il entreprit de lire à voix haute.

— Sergent, veuillez trouver ci-joint une carte de paiement valable pour la durée de votre séjour parmi nous. Une somme de mille crédits vous sera versée mensuellement pour vos dépenses quotidiennes afin de vous assurer un confort maximum, et si celle-ci n’est pas consommée à la fin du mois, elle reste disponible le mois suivant, de la même manière qu’un compte bancaire normal. C’est aussi pour cela que je dois vous avertir que le découvert n’est pas autorisé et que votre carte se verrouillera automatiquement dès que votre solde atteindra le zéro. Je vous prie d’agréer, Sergent, mes couilles sur la commode. Signé le Colonel Vespal.

                Michelle haussa un sourcil.

— Mes couilles sur la commode, vraiment ? Je doute que le Colonel ait signé comme ça…

— Oui, non, j’ai pris quelques libertés.

                Regardant la seconde feuille, Harold grogna.

— Putain, j’ai déjà un relevé bancaire… Et mon loyer me coûte cent crédits…

                Se tournant vers la jeune femme, il ajouta.

— D’ailleurs, c’est quoi le taux de change de cette monnaie virtuelle ?

                Haussant les épaules, elle répondit.

— Grosso modo un dollar, donc environ un euro et vingt centimes.

                Harold réfléchit quelques secondes avant de hurler.

— Mille deux cents euros par mois ? Putain, mais je crois que même le SMIC est plus élevé ! Ça va qu’ils ont réparé mon dos, sinon je ferais grève !

                Michelle rigola de nouveau avant de reprendre.

— Prends le post-it avec ton code et habille-toi qu’on aille manger.

— Oui madame.

                Il se saisit de quelques affaires et se rendit dans la salle de bain pour en ressortir dix minutes plus tard vêtu d’un jean et d’un polo, une paire de baskets aux pieds.

— Ça te va mieux que la blouse ouverte à l’arrière.

— Merci. On y va ?

— Oui, suis-moi.

                Ils se rendirent à l’ascenseur et montèrent au dernier étage. De là, ils avancèrent dans un long couloir débouchant sur une immense salle dont les trois quarts des murs étaient en réalité d’immenses baies vitrées donnant sur l’océan sans fin tandis que le quatrième mur contenait la queue du self et dissimulait la cuisine. S’immobilisant, Harold observa le paysage, la bouche entrouverte.

— Merde… C’est beau…

— N’est-ce pas. En revanche, ça signifie qu’on est perdus au milieu de nulle part…

                Harold haussa les épaules.

— C’était pareil au Mali, je m’y habituerais.

                Regardant autour de lui, il ajouta en murmurant.

— Pourquoi tout le monde me regarde comme ça ? C’est parce que je suis un sujet de votre centre ?

                Michelle rigola avant de répondre sur le même ton.

— Il y a une rumeur qui dit qu’on est ensemble.

— Quoi ?

                Harold venait de crier en dévisageant la jeune femme sans se préoccuper des regards se tournant vers lui, avant de continuer.

— Mais pourquoi ? Et comment ?

                Souriante, la jeune femme répondit.

— Je crois que c’est parce que je suis venu te tenir compagnie le soir de ta crise puis parce que tu as tenu à me prévenir quand tu allais mieux. C’est peut-être la source de tout en fait. Ça te gêne ?

                Harold ouvrit grand les yeux.

— Bah, dans la mesure où tu as été plus claire sur le type de rapport que nous pouvions avoir, je trouve surtout que c’est hors de propos ! Et puis je trouve ça dégradant pour toi, ça te définit comme une fille facile, ce que je trouve abject !

                Michelle haussa les épaules tandis que son sourire s’effaçait.

— Ce n’est dégradant et abject que si on y prête attention.

                Se reprenant, elle ajouta, de nouveau souriante.

— On y va ? J’ai faim !

                Pinçant les lèvres de contrariété, Harold grogna.

— Ouais… Voyons si c’est meilleur qu’en régiment.

                Dans l’immense queue du self, il commença à se rendre compte de la diversité des nations qui devaient travailler dans le centre quand il découvrit des plats de toutes les origines, mais se contenta de valeurs sûres, et quand il arriva à la caisse, son repas se composait de charcuteries en entrée, d’un hamburger agrémenté de frites en plat principal, d’une assiette de fromages, d’une pomme bien verte, d’un petit pain et d’une cannette de coca. Il tendit sa carte au caissier après l’avoir salué et demanda.

— J’en ai pour combien ?

                L’homme visiblement d’origine indienne répondit avec un fort accent confirmant ses origines.

— Repas gratuit pour patients.

— Comment vous savez ?

— Carte spéciale patients.

— Oh…

                Michelle gloussa tandis qu’il reprenait son plateau pour la suivre à travers les tables puis s’asseoir aux côtés d’une baie vitrée, et Michelle lui vola sa pomme.

— Bon appétit !

                La fusillant du regard, Harold lui arracha la pomme des mains.

— Joey pas partager son manger !

                La jeune femme le dévisagea quelques secondes avant de se mettre à rire.

— Mon Dieu ! il y a encore des gens sur terre qui citent la série Friends ?

                Jetant sa pomme à la jeune femme, il lui répondit.

— Garde tes sarcasmes pour Allit ! Et demande, la prochaine fois.

— Oui papa !

                Harold haussa un sourcil.

— Papa ?

— C’est la seule personne sur terre que je connaisse qui cite cette série !

                Mordant dans une tranche de saucisson, le militaire argua.

— Ça prouve que c’est un homme de goût !

                Finissant de répandre de la sauce sur sa salade, Michelle haussa les épaules avant de piquer dans son entrée.

— Possible. En tout cas il a eu assez de goûts pour épouser ma mère, ce n’est déjà pas mal.

                Ils continuèrent leur repas en parlant de tout et de rien, puis débarrassèrent leurs plateaux avant de quitter le self. Arrivée à son étage, Michelle retint la porte et se tourna vers Harold.

— Tu veux un café ?

                Un large sourire aux lèvres, celui-ci acquiesça.

— Avec grand plaisir.

                Elle lui tendit le bras qu’il saisit sans se soucier de l’avis des gens et ils partirent ainsi vers l’appartement de la jeune femme qu’Harold observa avec un certain étonnement.

— Des meubles en métal ?

                Lui tendant une tasse, Michelle répondit.

— Oui, les employés sont moins choyés que les patients. Par exemple, ma télé et mon ordinateur, j’ai dû les acheter, tout comme mon frigo et ma machine à laver d’ailleurs…

— Et les posters de licornes à intervalle régulier.

                L’infirmière rougit quelques secondes avant de murmurer.

— J’ai peut-être gardé mon âme d’enfant…

— Oh putain, je n’avais pas vu !

— Quoi ?

                Posant sa tasse sur l’évier de la cuisine, Harold se dirigea vers le lit pour se saisir de quelque chose qu’il brandit vers Michelle en se retournant.

— Tu as un doudou licorne ! C’est trop mignon !

— Ne te moque pas, ce n’est pas gentil !

                Se retenant de rire, Harold répondit.

— Non, je ne me moque pas, je suis même très sérieux ! C’est trop mignon ! Ton pyjama aussi, c’est une licorne ?

                Michelle fronça les sourcils, un sourire en coin.

— Pourquoi je porterais quoi que ce soit pour dormir ?

                Son interlocuteur ouvrit la bouche quelques secondes avant de reposer la licorne en peluche.

— OK, non, je préfère ne pas savoir… C’est mieux comme ça…

— T’es pas joueur…

— Ouais, on a qu’à dire ça…

                Et alors que Michelle riait aux éclats, il retourna prendre sa tasse pour boire un peu de café.

— Y a pas à dire, c’est meilleur que la merde soluble des rations…

                Ils restèrent ainsi à boire leur café, Michelle observant Harold du coin de l’œil tandis que celui-ci avait le regard perdu dans le vide, quand le téléphone portable de la jeune femme bipa. Observant l’écran, elle indiqua à son hôte.

— Il va falloir que je t’emmène à la salle d’examens.

                Haussant un sourcil, celui-ci demanda.

— Tu bosses cet après-midi ?

— Non, mais vu que tout le monde nous a vu manger ensemble, ils ont dû se dire que nous serions toujours ensemble et que ce serait plus simple de te joindre ainsi. Allez, en route soldat !

— Cheffe, oui Cheffe.

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