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                Michelle et Harold traversèrent de nombreux couloirs et empruntèrent quelques ascenseurs jusqu’à une porte sur laquelle était écrit IRM, et la jeune femme s’arrêta.

                — Te voilà arrivé.

                Harold lui sourit.

— Merci madame la guide. Tu vas faire quoi, pendant ce temps-là ?

                Michelle fit semblant de réfléchir avant de répondre.

— Enfiler mon pyjama licorne et regarder Friends pour essayer de comprendre ton humour.

                Le patient ne put s’empêcher de rire.

— Alors bonne séance ! On dîne ensemble ?

— Pourquoi pas ?

                Elle s’éloigna à reculons en lui faisait un petit signe de la main.

— À ce soir alors !

— À ce soir.

                Quand elle eut enfin tourné à l’angle du couloir, Harold fit face à la porte et l’ouvrit pour se retrouver face à Allit et N’Guyen en clamant.

— Voilà le patient que vous adorez détester !

                La scientifique le fusilla du regard tandis que son adjoint souriait.

— Vous aimez tendre le bâton pour vous faire battre, vous.

                Se tournant vers l’homme typé asiatique, Harold répondit.

— C’est ce qui fait le sel de la vie ! Que dois-je faire ?

                Allit expliqua sèchement en indiquant la table du scanner.

— Déshabillez-vous et allongez-vous là. Et si vous faites la moindre blague ou le moindre sous-entendu graveleux, ça va barder pour votre matricule, soldat.

                Une moue désappointée sur le visage, celui-ci répondit.

— Moi qui croyais que vous me faisiez des avances… Tant pis…

                Pour toute réponse, la femme lui jeta son bloc-notes au visage, mais Harold l’attrapa d’un mouvement rapide, et Allit fronça les sourcils.

— Vous aviez déjà de tels réflexes avant ?

                Les yeux grands ouverts de surprise, le militaire murmura.

— Tout à l’heure, Mich… L’infirmière Palia m’a jeté une enveloppe et je l’ai raté…

                Toujours concentrée, Allit reprit.

— Il y avait-il quelque chose de différent par rapport à maintenant ?

                Plantant son regard dans celui-ci de son interlocutrice, l’intéressé répondit, sarcastique.

— Je ne me sentais pas attaqué.

— Très bien, je le note.

                Elle lui arracha le bloc-notes avant d’écrire dessus et reprit.

— Allez, en place.

                Soupirant, le patient marmonna.

— Oui M’dame.

                Il retira ses vêtements, ne gardant que son caleçon, puis s’allongea sur la table.

— Merde, c’est froid…

                Allit grinça.

— Bien fait.

                N’Guyen vint lui apporter un casque audio.

— C’est pour couvrir le son des machines et nous permettre de communiquer avec vous. Avez-vous une préférence quant à la musique ?

                L’homme allongé réfléchit quelques secondes.

— Vous avez du Metal ?

— Bien entendu.

— Alors je voudrais de la musique classique s’il vous plaît.

                Le scientifique haussa un sourcil avant de demander.

— Est-ce que vous faites exprès d’être chiant ?

                Tout sourire, le patient répondit.

— C’est ce qui fait mon charme, pas vrai ?

— Ça, c’est votre point de vue. La commande que voici vous permet de nous alerter si quelque chose ne va pas pour que nous puissions couper la machine et venir vous voir.

                Hilare, Harold enfila le casque et les deux scientifiques quittèrent la pièce pour réapparaître derrière une vitre leur permettant de voir l’appareil et le patient qui leur tendit un pouce victorieux. N’Guyen se pencha alors vers le microphone.

— Vous m’entendez bien ?

— Oui M’sieur.

                L’homme en blouse blanche sembla désappointé.

— Vous n’avez pas de micro de votre côté. Contentez-vous de lever le pouce de nouveau si ça va.

                Souriant, Harold fit le signer OK avec ses doigts, et N’Guyen soupira en se tournant vers Allit.

— Un emmerdeur, je ne sais pas, mais un gamin, c’est certain.

                Rallumant le micro, il s’adressa à son patient.

— Bien, nous lançons la procédure, scanner et IRM en même temps. C’est parti.

                La cinquième symphonie de Beethoven s’éleva dans le casque tandis que la table pénétrait l’anneau de la machine, et le sourire d’Harold disparut pour faire place à un visage soucieux. C’était la première fois qu’il passait dans un tel engin, et après les soins que lui avait apporté Allit, Dieu seul pouvait savoir ce qu’il en ressortirait. Il ferma donc les yeux en respirant calmement pour essayer de contenir son inquiétude tandis que dans la salle des commandes les deux scientifiques observaient les écrans avec minutie.

— Tu as vu ça, Joséphine ? Sa structure osseuse s’est renforcée, et pas seulement sur les zones fracturées. C’est tout son squelette qui s’est développé. Quelle masse peut-il avoir gagnée ainsi ?

— Je l’ignore, mais son organisme a su compenser. Regardes ses fibres musculaires, elles aussi ont gagné en masse, et son cœur… J’en ai rarement vu d’aussi musclés…

— Si on ajoute à ça ses performances physiques de ce matin, je crois qu’on peut légitimement supposer que ses poumons ont réagi aussi… Tiens, c’est quoi ça ?

                Il pointa du doigt une zone du cerveau qui reliait le cerveau reptilien, le cerveau limbique et le néocortex avant de reprendre.

— Tu sais chez qui on a déjà vu ça ?

                Le poing fermé porté à ses lèvres, Allit répondit.

— Chez tout le monde sauf chez Huit, chez qui une tumeur cérébrale a empêché le développement de la liaison, en détruisant la tumeur au passage. Mais j’ai compris ta question. Et le seul patient chez qui ça a été aussi développé, c’est le Patient Zéro…

— Tu crois que c’est mauvais signe ?

                Toujours perplexe, la scientifique répondit comme si elle se parlait à elle-même.

— Il y a une différence fondamentale entre ces deux patients… Si Soixante-Dix-Sept est un sal con, ce n’est pas une mauvaise personne pour autant. Son dossier militaire parle d’un homme bon, humain et compréhensif. Alors que le Patient Zéro était un repris de justice accusé de multiples homicides et d’attentats terroristes… La théorie du professeur Dupont selon laquelle la guérison et son évolution sont directement liées au patient, à ses convictions et à son état d’esprit va pouvoir se préciser en comparant ces deux sujets.

                N’Guyen l’observa quelques secondes avant de demander.

— Tu ne tiens pas compte des autres sujets ? À part Huit dont le cerveau avait un problème, les autres présentaient aussi ce nouvel organe cérébral, et ont tous évolué dans des directions en rapport avec leurs pathologies initiales.

— Non, je ne les oublie pas, mais peut-être que notre erreur était là, et qu’il faut prendre des problèmes physiologiques et physiques qui ne sont pas liés à des déficiences du patrimoine génétique, mais bel et bien à des accidents. Regardes Deux, sa maladie des os de verre a été guérie, mais il s’est mis à développer une hyper calcification qui a même atteint son épiderme… Pour Quatre et Six, c’était pire. Quatre a vu son hypertrichose* s’accroître tandis que son organisme régressait au stade animal, quant à Six, son xeroderman pigmentosum* s’est surdéveloppé pour lui donner une peau translucide le rendant encore plus sensible à la lumière, qu’importe qu’il s’agisse d’UV A, B ou C… Et des cas d’échecs comme ça, il nous en reste beaucoup…

— Sans parler du Patient Zéro…

                Allit se tourna lentement vers N’Guyen pour lui offrir un regard assassin.

— Ce n’est pas un échec, Hoang, bien au contraire. Même si ses mauvais aspects se sont exacerbés, il nous a montré le palier ultime de l’évolution humaine.

— Si tu le dis…

                Dans la salle de l’IRM, la machine commença à ralentir tandis que la table revenait à sa position initiale, et N’Guyen activa le micro.

— Attendez quelques secondes, on arrive.

                Se tourna vers Allit, il s’enquit.

— Prise de sang ?

— Pas nécessaire… Si mutation il doit y avoir, ce ne sera pas encore détectable. Allons-y.

                Les deux scientifiques vinrent le rejoindre tandis qu’Harold se redressait pour s’asseoir, et il les apostropha.

— Alors, qu’est-ce que ça dit ?

                N’Guyen lança un regard furtif à sa supérieure qui répondit en mentant.

— Vous êtes guéris et ne présentez aucun effet secondaire notable, félicitations.

— Cool ! Je peux me rhabiller, où vous voulez profiter du spectacle encore un peu.

                Allit fronça les sourcils avant de répondre d’un ton acerbe.

— Rhabillez-vous et dégagez de là, on en a fini pour aujourd’hui.

— Chouette !

                Harold sauta de la table et commença à enfiler ses vêtements avant de reprendre.

— Le planning de demain ?

— Identique.

— OK, je tâcherais de vous dégager un peu de temps dans mon agenda.

                La scientifique le fusilla du regard avant de quitter la salle d’un pas dynamique et déterminé signifiant sa colère sous le regard amusé du militaire.

— Elle est toujours aussi susceptible ?

                N’Guyen lui lança son regard le plus noir possible avant de répondre.

— La professeur Joséphine Allit est l’esprit le plus brillant que je connaisse !

                Harold ouvrit de grands yeux surpris avant de lancer.

— Oh ! Il est amoureux !

                La seule réponse qu’il reçut fut un coup de genou dans l’entrejambe, et alors que le professeur N’Guyen quittait la pièce en claquant la porte derrière lui, Harold gémit.

— Ça, c’est pas cool…

Hypertrichose : Maladie de l’homme loup-garou, symptôme d’un dérèglement hormonal qui se manifeste, chez l’homme ou la femme, par une pilosité envahissante sur une partie du corps ou sa totalité. Le terme est issu du grec hyper : « avec excès », et thrix, trikhos : « poils ».

Xeroderman Pigmentosum : Maladie de l’enfant de la lune, maladie héréditaire d’origine génétique très rare (1/1 000 000). Elle se caractérise par une sensibilité excessive de la peau aux rayons ultraviolets, des troubles oculaires et un risque fortement accru de développer un cancer de la peau ou des yeux.

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