17
L’ascenseur montait à vive allure vers les étages supérieurs alors que ses passagers gardaient le silence, et lorsque ses portes s’ouvrirent, Harold s’en alla d’un pas énervé vers sa chambre, suivi de peu par Michelle. Quand ils furent tous deux dans le logement, il se rendit dans la salle de bain pour nettoyer les fines blessures de sa main tandis que Michelle brisait le silence.
— Je crois que tu en fais trop…
— Je te demande pardon ?
— Je crois que tu en fais trop… Moi aussi, tout ça me chamboule, mais ne te laisse pas aller comme ça… En plus, ils nous ont dit que le sérum amplifiait chaque trait de caractère, alors il faut que tu te contrôles si tu ne veux pas perdre pied… S’il te plaît…
Harold sortit de la salle de bain, une serviette autour de la main et le regard triste.
— Je suis désolé, mais je trouve tout ça tellement dégueulasse… Et profondément injuste… Ils jouent au petit chimiste, et après ils balayent la poussière sous le tapis… Ça me répugne…
Elle se blottit dans ses bras avant de répondre.
— Imagine ce qu’il se passera quand le Colonel ne supportera plus ton comportement… S’ils ont réussi à mettre Ahmed en cellule, crois-tu que tu pourras y échapper ?
Une rage sans fin envahit immédiatement Harold, avant de se dissiper à la même vitesse quand il réalisa qu’il n’avait plus de contrôle sur celle-ci. Effrayé par lui-même, il serra les dents puis en fit de même avec la jeune femme qui se tenait contre lui avant de lui embrasser les cheveux, tandis qu’elle reprenait.
— Je n’ai pas envie qu’ils te mettent en cage toi aussi…
Harold soupira. Il aimerait répondre qu’ils peuvent toujours essayer, mais il se sentait obligé vis-à-vis de lui-même de refréner ses pulsions guerrières.
— Je vais faire un effort…
— Tu me le promets ?
— Oui…
Michelle redressa la tête, révélant un visage couvert de larmes.
— Alors, présente-leur des excuses s’il te plaît…
Harold se crispa quelques secondes avant de demander.
— Même à Allit ?
La jeune femme afficha un sourire triste.
— Ce serait un gage de bonne volonté envers moi comme envers eux, tu ne crois pas ?
— Tu es super exigeante…
— Je ne veux pas te perdre…
Un sourire tout aussi triste apparut sur le visage d’Harold.
— OK, tu as gagné… Je présenterais des excuses à tout le monde… Mais elles ne seront pas toutes sincères, je te préviens.
— Merci…
Sans un mot de plus, Michelle prit le visage du militaire à deux mains pour guider ses lèvres vers les siennes et l’embrasser à pleine bouche. D’abord surpris, Harold la serra ensuite fort contre lui avant de laisser ses mains descendre le long de son dos jusqu’à se saisir de ses fesses. La jeune femme le lâcha alors pour le repousser, et Harold perdit l’équilibre contre son lit sur lequel il atterrit sur les fesses, dubitatif.
— Mais tu viens de…
— Silence.
Michelle retira son pull et son débardeur dans le même mouvement, dévoilant une magnifique lingerie en dentelle soutenant sa poitrine arrogante, et commença à s’approcher de lui en détachant son jean.
— Je te préviens, si tu me fais le coup de garder tes chaussettes, ça va chier.
Ébahit, Harold manqua de répartit, et son amie vint se coller à lui pour lui retirer son tee-shirt de sport avant de l’embrasser de nouveau tout en laissant ses mains glisser le long de son torse jusqu’à ses cuisses avant de rire.
— C’est moi ou ton cycliste est serré ?
Harold l’attrapa pour la faire basculer sur le lit avant de s’allonger sur elle.
— Peut-être que c’est parce que tu es là avec moi…
Ils recommencèrent à s’embrasser avec passion quand quelqu’un frappa à la porte. Séparant sa bouche de celle de Michelle, Harold cria.
— Y a personne !
Les coups recommencèrent.
— Mais bordel, je vous dis qu’il n’y a personne !
Michelle gloussa alors que la porte s’ouvrait, dévoilant le Colonel, arrachant un profond soupire à Harold.
— Ça s’appelle un mauvais timing…
L’Officier supérieur ne tint pas compte de la situation comme de la remarque et entra dans la chambre, suivi des professeurs Dupont, Allit et N’Guyen, et Harold soupira de plus belle tandis que Michelle cachait sa poitrine avec un oreiller. Se redressant pour leur faire face, le Sous-Officier se racla la gorge avant de parler de son ton le plus humble possible.
— Vous tombez mal, mais je pense qu’il était nécessaire que je vous voie tous…
Il regarda Michelle quelques secondes et celle-ci lui offrit un sourire encourageant, aussi se tourna-t-il de nouveau vers ses invités surprises et reprit.
— Je dois vous présenter des excuses pour mon comportement de tout à l’heure… J’étais en colère et je me suis montré extrêmement irrespectueux et insultant. Il existait d’autres façon de signifier mon mécontentement que la colère, les injures et les menaces. Bien que je n’approuve pas les propos de la professeure Allit, par exemple, il me faut essayer de trouver un terrain d’entente avec celle-ci pour que les examens se passent au mieux et qu’on puisse prévenir tout problème avec moi. Pour vous, professeur Dupont, il semblerait que vous soyez à l’écoute de vos patients, et je devrais plutôt me montrer reconnaissant envers vous. Professeur N’Guyen, je pense quant à vous que vous n’êtes au courant de l’entière réalité de tout ceci que depuis peu de temps, et vous n’êtes donc pas coupable de ce qui s’est joué. Vous Mon Colonel… Vous avez dû vous adapter à quelque chose de totalement inattendu et avez fait au plus rapide et au plus simple… je ne sais pas ce que j’aurais fait à votre place à tous, et je ne devrais donc pas juger. Que je puisse approuver ou non ce qui a été fait, je ne peux rien changer au passé et devrais plutôt me focaliser sur l’avenir, et tâcher de construire une relation profitable à tous avec vous. Aussi, Mon Colonel, si vous jugez qu’en tant que militaire, je dois être sanctionné, je le serais.
Le gradé croisa les bras sur son torse avant de demander.
— Donc vous ne me casserez pas la gueule ?
Harold secoua négativement la tête et Allit murmura.
— De la gueule, mais pas de couilles.
N’Guyen la poussa du coude tandis que Dupont la fusillait du regard, mais ni Harold ni le Colonel n’y firent attention, et celui-ci reprit.
— Je vous remercie pour vos excuses. Néanmoins, votre comportement ne peut être passé sous silence. Fort heureusement pour vous, le professeur Dupont pense que c’est l’effet du sérum, que c’est pour ça que vos réactions sont aussi excessives. C’est pourquoi vous aurez maintenant une heure d’entretien avec lui et un psychiatre chaque jour. Est-ce clair ?
Harold se mit instinctivement en position de repos réglementaire, bras croisés à hauteur des hanches dans le dos et jambes écartées à la même largeur que ses épaules, torse bombé et menton redressé et fier, avant de répondre.
— Oui Mon Colonel.
— Bien. Ensuite vous serez effectivement sanctionné.
— Reçu Mon Colonel. Combien de jours d’arrêt, et à compter de quelle date ?
Un sourire satisfait sur le visage, l’intéressé répondit.
— Vous redevenez raisonnable, c’est bien. Le professeur Allit voulait vous coller au niveau zéro pour notre sécurité à tous, mais le professeur Dupont pense que ça fausserait les examens et votre évolution. Donc j’ai choisi une alternative satisfaisante pour tout le monde à mon avis.
Harold commença à craindre le pire, mais le Colonel ne laissa pas durer le suspense trop longtemps.
— Vous passerez dans mon bureau demain à neuf heures en treillis de défiler pour prendre trente jours de consigne* que vous occuperez à suivre les examens et tests. En dehors des heures de service ainsi que pendant vos jours de récupérations, vous serez affecté à la rénovation du niveau trente-deux pour en faire le nouveau lieu de vie des patients du programme C-SET. Nous avons un PSO dans nos locaux, souhaitez-vous qu’il vous représente ?
— Non, Mon Colonel.
— Bien. Souhaitez-vous faire appel de votre sanction ?
— Non, Mon Colonel.
— Parfait. Vous avez donc quartier libre* pour aujourd’hui, afin de pouvoir préparer votre tenue et faire vos approvisionnements* en prévision de cette période. Ceci vous semble-t-il équitable ?
Harold afficha un petit sourire avant de répondre.
— Oui Mon Colonel. Merci pour votre indulgence.
— Arrête de me cirer les pompes. C’est uniquement parce que tu représentes beaucoup pour le programme que tu as autant de chance. Si ça ne tenait qu’à moi, tu serais traité comme Zéro. Ai-je été clair ?
Harold ravala son sourire.
— Limpide, Mon Colonel.
— Parfait. Je peux donc espérer que ceci ne se reproduise plus ? Parce que l’excuse du sérum ne passera plus.
— Je ferais tout pour que cela ne se reproduise plus, Mon Colonel.
— Parfait, alors j’en ai fini avec toi. Vous, infirmière Allit, vous êtes intégrée au programme, nous allons reprendre les examens vous concernant, comme l’article huit alinéa trois de votre contrat de travail nous le permet. Vous recevrez une pension équivalente à votre salaire actuel, et je vous ferais parvenir demain votre nouvelle carte de paiement. D’ici la fin de semaine prochaine, vous rendrez votre logement pour une chambre de patient meublée. Est-ce clair ?
— Oui monsieur.
— Y voyez-vous un problème ?
— Non monsieur. Si je peux être plus utile en tant que patiente, ça me va très bien.
— Bien. Dernière question, indiscrète cette fois-ci. Qu’en est-il de votre relation avec le Sergent, et souhaitez-vous emménager dans sa chambre ?
Harold regarda Michelle pour la découvrir aussi surprise que lui, et elle bafouilla.
— Je ne sais pas si on peut dire qu’on en est quelque part… Est-ce que l’envie de s’envoyer en l’air suffit à dire qu’on est un couple ?
Le Colonel fronça les sourcils.
— Alors vous aurez votre propre logement. Mais je vous saurais gré de me prévenir si un jour elle ne sert plus qu’à stocker vos affaires.
— Oui monsieur.
— Merci.
Faisant demi-tour, il s’adressa au professeur Dupont.
— Avez-vous quelque chose à ajouter.
— Non monsieur. Notre premier entretien aura lieu demain à onze heures, c’est tout.
— Parfait, alors allons-y. Bonne soirée Mademoiselle. À demain Sergent.
Harold se mit au garde-à-vous jusqu’à ce que la porte soit refermée, avant de s’asseoir sur le lit en soupirant. Michelle vint immédiatement se blottir contre son dos en passant ses bras autour de son cou.
— Ça aurait pu être pire, pas vrai ?
Un sourire triste aux lèvres, Harold répondit.
— Ça réduira le temps que nous pourrons passer ensemble.
Il réfléchit quelques secondes avant d’ajouter, sarcastique.
— Enfin, sans vouloir donner l’impression d’être en couple…
— Harold, je…
L’intéressé se releva en lui coupant la parole.
— Non, t’inquiètes, il n’y a pas de malaise. Tu m’avais prévenu, je n’avais qu’à refréner mes ardeurs et ne rien m’imaginer.
La tête baissée, Michelle murmura.
— T’es vraiment trop con.
Toujours dos à elle, Harold grogna.
— Oui, c’est ce que je me dis aussi.
Elle lui jeta le coussin qu’il reçut à l’arrière du crâne puis elle reprit en s’énervant.
— Si j’avais dit quoi que ce soit d’autre devant Allit, cette nazie aurait été capable de nous forcer à nous reproduire juste pour étudier nos enfants ! Donc à moins que tu puisses me garantir qu’elle n’aura aucun droit d’intervenir sur nous, je préfère pratiquer l’adage qui dit que pour vivre heureux, vivons cachés !
Harold se retourna vers elle, dubitatif.
— Je n’ai pas envie d’imaginer des choses qui n’ont pas lieu d’être, alors sois plus explicite quant à ce que tu sous-entends s’il te plaît…
Michelle se releva du canapé-lit pour venir se coller contre Harold.
— Disons que tant qu’on ne peut pas vivre ouvertement, tu seras mon sex-friend et que je serais secrètement sous ton charme, ça te va ?
Harold fit semblant de réfléchir avant de répondre.
— Je crois que je devrais réussir à m’en contenter.
Michelle lui saisit alors les mains avant de le tirer vers le lit.
— Alors, finissons ce qu’on a commencé, et après on ira faire tes courses.
— Oui ma belle.
Au niveau zéro, la porte de la cellule d’Ahmed s’ouvrit, et une caisse en plastique glissa sur le sol jusqu’à moins d’un mètre du résident.
— Tiens, le monstre, ton animal de compagnie. Ça te fait plaisir ?
Un sourire sadique aux lèvres, Ahmed répondit.
— Vous n’avez pas idée… C’est comme me retrouver subitement libre.
Il y eut un bruit de crachat, puis la porte se referma en claquant, avant que les verrous soient tous enclenchés.
Jours de consigne : Sanction militaire qui interdit aux sanctionnés de quitter le régiment, voir sa chambre, sauf pour se rendre à l’ordinaire, à l’infirmerie et à son poste de travail.
Quartier-Libre : Autorisation de sortie libre en dehors des heures de service et hors permissions (Soirs et week-ends donc)
Approvisionnements : Faire les courses
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