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                Harold avait pris le temps de se changer et de boire un café en compagnie de Michelle avant de se rendre au bureau du professeur Dupont. La pièce était grande et décorée avec goût. Dans un coin de celle-ci se trouvait un bureau avec un ordinateur et derrière le meuble un meuble à tiroirs dans lequel le scientifique classait apparemment ses données. Mais ce fut le centre de la salle qui retint l’attention du militaire. Une table basse avec une cafetière bien remplie s’y trouvait encadrée de quatre fauteuils en cuir semblant très confortables, le tout peinant à dissimuler un magnifique tapis coloré. Enfin, à l’exact opposé du bureau, un fauteuil et un canapé dignes d’un cabinet de psychiatre. Harold sourit à la vue du mobilier tandis qu’il répondait à la main tendue par le professeur, et celui pris la parole.

                — Nous pouvons nous installer comme bon vous semble. Le canapé, ou un fauteuil.

— Je suis donc en thérapie ?

                Le professeur Dupont haussa les épaules.

— Tout dépend de comment vous souhaitez que ça se passe. Pensez-vous que votre passé peut avoir une incidence sur votre comportement actuel ?

                Harold se laissa tomber sur un des fauteuils avant de répondre.

— Bien entendu. Notre passé nous façonne, et de fait justifie nos comportements présents.

                S’asseyant face à son patient, Dupont répondit.

— Vous avez très bien compris ma question, votre pirouette en est la preuve. Mais soit, visiblement vous préférez vous concentrer sur le présent, alors focalisons-nous dessus. Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? Je vois que vous avez un bandage à la main droite.

                Portant sa main à son visage, Harold répondit.

— Oh, ça ? Je me suis écorché en cognant l’autre face de bite.

                Le responsable du projet C-SET haussa un sourcil.

— Tête de bite ? Terme technique suite à une analyse médico-psychiatrique poussée ?

                Harold commença à se servir un café avant de répondre.

— Sincèrement, je sais que « son physique n’est qu’une expression de son moi intérieure liée aux effets du sérum », mais avouez qu’il a vraiment une tronche à faire peur à la Mort elle-même. Une laideur à étudier en laboratoire.

                L’homme en blouse blanche rigola.

— J’aime vos expressions imagées. À plus forte raison quand elles ne sont pas bardées d’injures.

— Je fais ce que je peux pour satisfaire mon public. Sauf votre ex. Elle, si je peux la faire chier, ça me fait plaisir. Cherchez pas la raison, délit de sale gueule, je ne peux pas la sentir.

— Je le note. Comment va votre main ?

                Harold haussa les épaules.

— Ça va. Ça ne me fait pas mal, et ça ne semble pas infecté. Je suis sûr que vous craignez qu’il puisse me contaminer comme il peut le faire par son sang transfusé, mais là ça va.

— Vous permettrez quand même que e regarde et que je vous prenne un peu de sang pour analyse ?

— SI ça peut servir le lobby des vampires…

                Le professeur pencha légèrement la tête sur le côté.

— Pourquoi être toujours sarcastique ? Qu’est-ce que ça cache ?

                Harold haussa de nouveau les épaules.

— Rien de spécial. Je préfère juste prendre la vie avec humour.

— Parce que vous appelez ça de l’humour ?

— Ouais… Tant que je me trouve drôle, c’est le principal, non ?

— Si vous le dites.

 — Bah, je le dis. Et puis ça aide à tenir le cap.

                Le professeur Dupont joignit les mains avant de poser son menton dessus tout en souriant intérieurement en sentant son patient commencer à s’ouvrir.

— Comment ça, tenir le cap ?

                Harold haussa les épaules.

— Face aux coups durs, vous savez… Après le décès de mes parents, ce n’était pas facile tous les jours à l’orphelinat. Douze ans, face à des gars qui en avaient presque dix-huit et qui étaient littéralement les caïds du centre, ce n’était pas simple… Ensuite, à dix-huit ans, vous êtes lâchés, à la rue, comme une merde, alors il ne vous reste pas des masses de solutions… L’armée en fait partie… Et là aussi, ce n’est pas simple… Alors on se cache derrière ce qu’on peut… Pour certains, c’est la drogue et l’alcool, pour d’autres la violence, ou encore les filles faciles, moi, c’est l’humour… Ça permet de prendre les choses avec le sourire au lieu de…

                Subitement, Harold dévisagea le professeur Dupont.

— Hey ! Mais vous m’avez piégé !

                L’intéressé rigola.

— Admettez que c’était de bonne guerre, non ?

                Le patient croisa les bras sur son torse, boudeur.

— Ce n’est pas cool ce que vous venez de me faire… Franchement pas cool…

                Souriant, le professeur Dupont se leva de son fauteuil pour se rendre à son bureau et y ouvrir un tiroir d’où il sortit une trousse de soins ainsi qu’une seringue et un garrot.

— Allez, passons à autre chose. Montrez-moi votre main.

                Harold grogna, mais défit son bandage pour révéler des croûtes à hauteur des articulations entre les doigts et le dos de la main. Le professeur prit le membre et commença à l’observer.

— La cicatrisation semble bonne, les croûtes sont belles et la peau autour n’est ni rouge ni gonflée, ce qui me permet de supposer qu’il n’y a pas d’infection, c’est bon signe.

                Relevant la tête pour fixer son patient, il demanda.

— Des douleurs ? Une perte de mobilité ? Des engourdissements ?

— Rien de tout ça, je vous remercie de vous en soucier.

— Bien. Tendez le bras et serrez le poing, que je fasse une prise de sang.

                Harold s’exécuta, et le professeur enfonça son aiguille dans le creux du coude avant de tirer du sang. Quand la seringue fut pleine, il la retira avant de poser du coton sur le petit trou d’où perlait une goutte de sang.

— Appuyez, je vous prie.

                Harold obéit avant de dévisager le scientifique.

— Vous en aurez assez ?

— Normalement oui.

— Vous n’allez pas vous amuser à l’injecter à une créature innocente.

                Dupont haussa un sourcil.

— Non. Je vais me contenter de l’analyser, pour voir comment se porte votre organisme, et s’il y a une infection.

— Vous avez besoin d’autre chose ?

                Le professeur Dupont fit non de la tête avant d’ajouter en lui tendant un pansement.

— Vous pouvez disposer. Je pense que vous n’avez pas besoin de vous rendre immédiatement à vos travaux d’intérêts généraux, prenez le temps de déjeuner.

                Harold inclina la tête.

— Merci Prof.

                Se levant pour quitter la pièce, il ajouta.

— Merci de me traiter en être humain.

— C’est bien normal, c’est ce que vous êtes…

                Harold acquiesça avant de quitter la pièce. Quand la porte fut fermée, le professeur Dupont murmura en observant la fiole au contenu anormalement foncé.

— Du moins, pour l’instant…

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