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                Quatre jours plus tard, les travaux du niveau dédié aux patients finissaient officiellement, et les patients purent célébrer leur installation en compagnie du Colonel et de l’équipe scientifique et médicale du projet C-SET et des deux chefs de la sécurité.

                Le Commandant Lier, une gaze collée à la joue gauche, avait le regard fiévreux et semblait absent, quand le docteur Dupont vint le voir, l’air inquiet et les sourcils froncés.

                — Mon Commandant, comment vous sentez-vous ?

                L’intéressé hésita quelques secondes avant de répondre.

— Je me sens fatigué… Le centre médical me dit que je ne présente aucune infection, mais je ne me sens pas dans mon état normal…

— M’autoriseriez-vous à vous prélever un peu de sang ? Juste au cas où…

                Lier tourna vers lui son regard malade et Dupont dû se retenir de sourciller devant ses yeux jaunis et injectés de sang.

— Vous craigniez quoi ? Que le Patient Zéro m’ait infecté ?

                Le scientifique hésita quelques secondes avant de répondre.

— Non. Mais parfois, une cicatrisation lente est un signe d’anémie, voire de diabète. La santé d’un élément aussi efficace que vous me tient forcément à cœur.

                Lier fixa ses pieds, soucieux.

— Vous avez peut-être raison.

— Bien entendu que j’ai raison. Mais là, vous devriez surtout aller vous reposer.

                Lier releva les yeux vers son interlocuteur.

— Vous avez raison… Mais commençons donc par la prise de sang, qu’en dites-vous ?

                Le professeur Dupont acquiesça avant de demander au commandant de le suivre, sans voir que dans son dos, celui-ci souriait de toutes ses dents jaunies. Quand ils arrivèrent enfin devant le bureau, Dupont en ouvrit la porte avant de se figer.

— Mais qu’est-ce que vous faites là, vous ? Et comment êtes-vous entr…

                Il n’eut pas le temps de finir sa question, Lier venait de le bâillonner de la main en le forçant à entrer dans la salle où le personnel médical l’attendait déjà, les yeux jaunes et le teint blafard comme le Commandant Lier, pour le saisir et le porter sur son bureau tandis qu’il se débattait de toutes ses forces. La main droite toujours sur la bouche de son prisonnier, Lier se pencha vers lui en souriant, une lueur de démence dans les yeux.

— Donc, vous vouliez mon sang… Je vais vous en donner, ne vous en faites pas…

                Deux infirmiers arrachèrent sa chemise au professeur Dupont tandis que Jean Lier retirait la gaze sur sa joue, dévoilant les petites lacérations causées par la souris infectée du Patient Zéro, et le scientifique se sentit gagné par l’effroi. Des petites plaies purulentes s’échappaient de minuscules tentacules gesticulants en tous sens. Lier se pencha lentement en avant vers sa victime en souriant à s’en déchirer les joues, libérant ainsi sa mâchoire de toute contrainte avant de l’ouvrir en grand, laissant ainsi la place à une langue bifide qui vint caresser la joue de sa proie. De sa main libre, Lier pressa les plaies sur sa joue, forçant sang et pu à s’en écouler, jusqu’à ce qu’une épaisse goutte poisseuse vienne s’écraser sur le torse du professeur avant de s’infiltrer dans son corps par les ports de sa peau, et alors que le liquide s’immisçait en lui, le professeur Édouard Dupont sentit son corps brûler tandis que son esprit affûté se faisait broyer par une présence oppressante qui annihilait irrémédiablement sa volonté, son libre arbitre et son instinct de survie. Quand il ne fut plus qu’un corps brisé à l’esprit broyé et faiblement conscient de sa personne, une puissance présence psychique s’ouvrit à lui, fusionnant se qu’il restait de sa personnalité à elle, et subitement il se sentit appartenir à un tout, percevant le monde à travers lui et les autres êtes infectés.

— Bonjour Professeur. Comment vous sentez-vous ? Oh, oui, je sais, vous ne pouvez plus répondre. Vous n’êtes plus une individualité, vous êtes maintenant lié à l’Esprit Unique, et vous n’en êtes plus qu’une extension… Je sens dans ce qu’il reste de votre esprit que vous vous demandez comment j’ai fait pour qu’aucun autre patient ne s’en rende compte… Même si votre esprit va bientôt totalement s’éteindre, je vais vous le dire. Je suis l’Esprit Unique. Et les autres n’y ont eu accès que parce que je l’ai bien voulu. J’ai laissé un semblant de lien se maintenir pour qu’ils pensent le contrôler. Mais maintenant… Maintenant, je vais me libérer, et me propager… Ceci étant dit, je dois vous remercier, professeur. Sans vous, je n’aurais jamais eu un tel pouvoir. Je vous en serai éternellement reconnaissant.

                À la fête, Harold fronça les sourcils en penchant la tête sur le côté comme s’il écoutait un bruit lointain, quand Michelle posa une main sur son épaule.

— Quelque chose ne va pas ?

                Perturbé, celui-ci hésita avant de répondre tout en regardant autour de lui.

— Je ne sais pas… C’est… Il y a eu quelque chose avec l’Esprit Unique… Je crois…

                Il vit les autres patients se tourner vers lui, tous semblablement perplexes, puis se tourna vers le Colonel et le professeur Allit.

— Où est le professeur Dupont ?

                L’ex-compagne de celui-ci répondit.

— Il est parti en compagnie du Commandant Lier.

                Se tournant vers la Lieutenante-Colonelle Geol, Harold vit celle-ci perplexe.

— Quelque chose ne va pas ?

                Elle hésita quelques instants.

— Jean n’était pas bien depuis quelques jours. Depuis que la souris du Patient Zéro l’a blessé à la joue en fait… Je l’ai envoyé consulter, mais le rapport médical disait qu’il allait bien. Ceci dit…

                Le Colonel l’invectiva.

— Parlez !

                Geol se mordit la lèvre avant de reprendre.

— Je suis allé voir le médecin hier, pour comprendre pourquoi l’état de santé de Jean ne s’améliorait pas, mais il m’a dit que tout était normal. Néanmoins… Le personnel médical avait l’air malade lui aussi…

                Allit l’observait avec attention.

— Malade comment ?

— Ils étaient aussi pâles que Jean… Et ils dégageaient une odeur nauséabonde… Je croyais que c’était celle des produits médicaux, mais la chambre de Jean avait la même…

                Harold se dirigea vers les ascenseurs et lui lança en la dépassant.

— Vous ne vous êtes pas dit que ça pouvait être une information capitale ?

                La Lieutenante-Colonelle, les larmes aux yeux, le regarda avec peur.

— Vous allez le tuer ?

                L’air sévère, le militaire rétorqua.

— Non, je vais voir Ahmed. Quelque chose me dit qu’il est la clé de ceci.

                Alors que les portes s’ouvraient, il reprit.

— Restez ici, et verrouillez les badges de sécurité. Ne laissez que le mien d’actif.

                Michelle s’avança, mais il tendit la main devant lui pour la stopper.

— Ici, vous serez plus en sécurité qu’avec moi.

                Le Colonel le héla.

— Que penses-tu qu’il se passe ?

                Entrant dans l’ascenseur, Harold répondit.

— Il se multiplie. Et à sa place, j’en profiterais pour me libérer.

                Les portes se refermèrent sur lui alors que les patients s’approchaient de Michelle et du personnel quand Alliza prit la parole.

— Nous… Nous venons d’être rejetés de l’Esprit Unique…

                Le Colonel pinça les lèvres avant de murmurer.

— Donc en plus, nous sommes aveugles…

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