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                Tout à leur progression dans les escaliers de service, le Colonel, Allit, Big Mama et Michelle échangeaient entre eux.

                — Donc, si je comprends bien, tu souhaites aller à la salle des serveurs pour pirater la session du professeur Dupont, afin de savoir à quoi t’attendre concernant ton évolution.

— Et celle d’Ahmed, Mon Colonel. Si Dupont a tout consigné, il y aura aussi ses hypothèses, et elles pourront être utiles.

— Ça se tient. Ensuite, on fait un détour par la zone d’expérimentation de l’armement et ensuite l’armurerie centralisée, de façon à être aussi armés que possible pour se rendre à la plateforme.

— Voilà.

— Et on fait quoi du reste du personnel ?

                Harold ne répondit pas, aussi le Colonel reprit.

— C’est bien ce que je craignais…

                Allit le coupa.

— On a déjà fait le choix de noyer des sujets. À situation désespérée…

                Michelle la coupa à son tour.

— Mais vous n’avez pas de cœur !

                Harold mit fin au débat.

— Non, elle a simplement raison. Être pragmatique ne veut pas dire être dépourvu de sentiments… Merde, je suis en train de mal évoluer, je deviens sympa avec vous, doc…

                Juan siffla.

— Taisez-vous, j’ai cru entendre quelque chose…

                Le groupe s’immobilisa tandis que l’homme-animal se redressait de toute sa hauteur, les oreilles pivotant en tous sens et sa truffe frémissant. Harold et Geol échangèrent un regard, et la femme murmura.

— Quatre étages et nous sommes à la salle du serveur central…

— Alors, courez !

                Tous se tournèrent vers Juan dont le poil s’était hérissé tandis qu’il criait de nouveau.

— Courez !

                Il se mit à pousser des grognements de bête fauve alors que de quelques étages en dessous s’élevaient des bruits de pas accompagnés de gémissements divers, et le groupe reprit son attention au pas de course, talonné par Juan qui courait à quatre pattes, et Alliza dont l’armure d’os gênait sa progression à une telle vitesse. Quand elle atteignit la porte blindée, Big Mama passa sa carte dans le lecteur, et les deux pans d’acier commencèrent à s’écarter lentement. Dès que l’espace entre eux le permit, les survivants commencèrent à se glisser dans l’ouverture, et Big Mama réactiva la fermeture dès qu’ils furent tous passés. L’écart entre les deux blocs métalliques n’était plus que de quelques centimètres quand apparut son adjoint, le Commandant Jean Lier dit Little Papa, la démarche boiteuse, le teint livide, et surtout la mâchoire inférieure arrachée laissant sortir un énorme appendice qui devait être autrefois sa langue, mais qui maintenant semblait animé d’une vie propre et possédait à son extrémité une bouche en trois mâchoires triangulaires et garnies de petits crocs acérés.

— Oh mon dieu…

                La créature tendit le bras en même temps que sa langue fouettait l’air alors que Geol armait son fusil à pompe en l’épaulant.

— Je t’en supplie, ne fais pas un pas de plus…

                La créature ne l’écouta pas et continua sa progression, aussi Big Mama hurla.

— Je t’en supplie mon chéri, arrête-toi ! Ne m’oblige pas à faire feu…

                La langue se propulsa en avant et Camille Geol ouvrit le feu sur son compagnon, déchirant l’appendice sous une grêle de plombs, quand la porte termina de se fermer, et immédiatement la femme explosa en sanglots. Harold s’approcha d’elle lentement et la força à baisser son arme en appuyant doucement sur le canon avant d’enlacer tout aussi doucement l’Officier supérieur.

— Ça va aller… Ça va aller…

— Non ça ne va pas aller… L’homme dont je porte l’enfant est devenu un monstre et je viens d’ouvrir le feu dessus…

                La femme se mit à pleurer de plus belle et Harold lança un regard perdu à Michelle qui vint prendre le relais. Quand la jeune femme prit place aux côtés de la géante, Harold s’écarta en silence avant d’aller trouver Allit.

— Bon… Je pense qu’il faut vraiment qu’on s’active…

                Le binôme suivit un garde jusqu’à un terminal informatique et la scientifique se mit immédiatement au travail alors que le Colonel les rejoignait.

— Du coup, on a perdu une sortie…

— Oui… Il en reste combien ?

                Le garde qui les avait guidés répondit.

— Ce niveau est le seul à n’avoir que deux accès aux escaliers de service, contre quatre pour les autres étages. De plus, il n’a pas d’accès aux ascenseurs. En revanche, il a accès au monte-charge, qui lui ne s’arrête qu’aux hangars, à l’armurerie centralisée et à la plateforme.

                Le Colonel et Harold échangèrent un regard avant que l’Officier prenne la parole.

— Sergent, je te laisse décider de l’issue et monter un plan de défense tant qu’on est là.

                Se tournant vers les gardes, il ajouta.

— Vous avez entendu ? Vous dépendez de cet homme tant que la Lieutenante-Colonelle n’est pas en état de tenir son poste.

                Posant une main sur l’épaule d’Harold, il ajouta à voix basse.

— Je compte sur toi pour nous tirer de là. Et si possible, en un seul morceau…

                Harold acquiesça avant de lancer ses directives.

— Deux hommes par porte blindée, et deux autres au monte-charge. Appelez-le à nous, sait-on jamais…

                Faisant face aux patients, il reprit.

— Vous, vous ne quittez pas le professeur Allit d’une semelle. Elle peut avoir besoin de vos bras. Et, Milo, mets ton intellect supérieur à son service, tu veux bien ?

                Les patients du programme C-SET acquiescèrent tous et Harold les accompagna jusqu’à la scientifique.

— Alors ?

                À l’écran s’affichait une pléthore de diagrammes et de notes manuscrites scannées que Joséphine étudiait avec attention.

— Alors, doc, ça dit quoi ?

                Les sourcils froncés, Allit marmonna.

— Ça donne que je n’aime vraiment pas quand vous m’appelez doc, mais je présume que vous allez répondre que comme j’ai un doctorat, ce surnom est adéquat, je me trompe ?

                Souriant, Harold opina du chef, aussi reprit-elle.

— Sinon, pour ce qui nous préoccupe, il y a un antécédent de rétroévolution.

                Harold jubila.

— Enfin une bonne nouvelle !

— Non, je ne crois pas. Édouard a écrit ici que le patient zéro a développé un système de respiration en milieu aquatique ainsi que des nageoires quand il restait immergé un certain temps, puis que ceux-ci disparaissaient une à deux heures après être sortis de l’eau…

                Fronçant les sourcils à son tour, Harold demanda.

— Je ne vois pas en quoi c’est un problème…

                Joséphine tourna la tête vers lui en levant les yeux au ciel alors que Milo intervenait.

— Si le but d’Ahmed est réellement de s’échapper pour contaminer toute la planète, ça signifie que quand il constatera qu’il ne peut pas prendre un hélicoptère ou un bateau, il n’aura qu’à percer n’importe quelle paroi extérieure de la plateforme pour s’enfuir par la nage.

                Le Sergent ouvrit de grands yeux effrayés tandis qu’il absorbait l’importance de l’information, puis il se mit à hurler.

— Mon Colonel ! Mon Colonel !

                Le gradé arriva en courant.

— Que se passe-t-il ?

                Le regard paniqué, Harold lança la seule idée qu’il avait, le seul plan qui lui semblait envisageable aux vues des dernières révélations.

— Dites-moi que le complexe possède un système d’autodestruction !

                Perdu, le Colonel répondit en essayant de comprendre pourquoi cette question lui était posée.

— Oui, une charge nucléaire d’une puissance de vingt-trois kilotonnes, comme à Nagasaki, mais sans les retombées radioactives.

— Bien, et comment on l’active ?

— Par le générateur de la station, mais pourquoi ?

                Allit intervint.

— Parce qu’Ahmed peut s’échapper par voie maritime sans utiliser de moyen de transport. Il peut devenir totalement amphibien au besoin. Alors après s’être fait refouler à la plateforme, on pense qu’il essayera de s’échapper comme ça.

— Merde ! Mais… Et tous les membres du personnel ?

                Le Colonel et Harold échangèrent un regard lourd de sens puis le gradé baissa les yeux en soupirant.

— On se rend au générateur. C’est notre priorité absolue maintenant, et tant pis pour le personnel restant… Le prix est élevé, mais nous ne pouvons pas nous permettre qu’il s’échappe…

                Harold voulut exprimer sa compassion, mais un bruit sourd résonna avant qu’il ait pu ouvrir la bouche, suivi d’un cri d’un des gardes.

— On nous attaque !

                Un second bruit s’éleva, à l’opposé du premier, suivi du même appel, puis il y eut un long gémissement métallique suivi d’un troisième compte-rendu.

— le monte-charge ! Il vient de tomber ! Ils ont sectionné les câbles !

                Allit paniqua.

— On est piégés !

— Mon cul !

                Alliza frappa ses deux poings renforcés l’un contre l’autre en beuglant.

— On a évolué, il est temps de prouver que ce n’est pas une malédiction ! Juan, tu en es ?

                L’intéressé grogna en montrant les crocs.

— Plutôt deux fois qu’une.

                Allit les coupa.

— Super, mais nous, par où on sort ?

                Harold sourit avant de crier.

— Repli au monte-charge !

                Lançant un regard confiant à la scientifique, il reprit.

— On va voir ce que vous, vous valez en grimper de corde raide !

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