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— Tout ça ne me dit rien qui vaille…
Harold avançait en tête du dispositif aux côtés de Big Mama et celle-ci le regarda avec étonnement.
— Pourquoi ? On ne rencontre personne pour nous ralentir, c’est une bonne chose, non ?
— Je ne pense pas… On ne croise réellement personne, ennemis comme survivants… À croire que subitement il n’y a plus que nous ici… Alors soit tout le monde est super bien planqué, soit Ahmed les a tous eus et regroupe ses forces pour un assaut frontal contre vos Russes gardant la sortie, mais dans tous les cas, je trouve la situation trop calme pour que ce soit normal…
La femme fronça les sourcils, subitement moins rassurée, et le groupe reprit son ascension des escaliers de service, quand l’un des gardes s’écroula.
— Billy, ça va ?
Un de ses collègues s’était élancé jusqu’à lui pour lui soutenir la tête alors que ce dernier gémissait quand Harold arriva enfin à leur niveau.
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
Le garde au sol hurla soudainement de douleur en se tenant le bras, et Harold comprit. Il s’agissait de l’homme qui avait été attrapé par la langue vivante de Little Papa, et le membre blessé était tout à la fois boursouflé et violet, alors que des traces de morsures et du dard s’écoulait un épais liquide noirâtre.
— Ça fait mal ! Comme si quelque chose me déchirait de l’intérieur !
Harold se redressa en criant.
— Reprenez la progression, vite !
Le garde qui soutenait son collègue le dévisagea avec effroi.
— On ne va pas abandonner Billy ici quand même ?
Retirant la sûreté de son fusil à pompe, Harold grogna.
— Je crois qu’il est déjà mort. Allez, grimpez !
Le groupe échangea quelques regards perplexes avant de reprendre sa progression. Ils avaient gravi deux étages de plus quand Billy hurla une fois de plus en convulsant tandis que son bras se tordait en tous sens dans d’effroyables bruits de craquements osseux avant de retomber mollement sur le sol. Harold braqua alors le canon de son arme vers le visage de l’homme en sueur au sol avant de s’adresser à son camarade.
— Au cas où tu ne l’aurais pas compris, il est infecté. Pars vite rejoindre les autres, je vais abréger ses souffrances.
— Non !
Harold fusilla l’homme du regard, mais celui-ci reprit.
— C’est à moi de le faire…
Il se releva lentement en ramassant son fusil à pompe dont il retira la sûreté à son tour avant de prendre la place d’Harold et de fixer son ami.
— Je suis désolé, vieux…
Il épaula son arme alors que Billy ouvrait la bouche pour lui répondre quand ses yeux se révulsèrent et que son bras s’agitait de nouveaux spasmes.
— Tires !
La paume de la main du blessé se déchira en deux avant de se replier vers le coude, puis le reste de la peau du bras suivie alors qu’un petit scarabée à long cou enroulé autour des os émettait de petits cris en agitant ses mandibules et que le garde valide murmurait.
— Oh, mon dieu, oh mon dieu…
N’y tenant plus, Harold braqua son fusil vers la créature et fit feu, répandant de la chitine et du liquide noirâtre sur le mur tandis que le blessé criait plus fort encore. De son bras valide, il retira sa chemise de son pantalon et dévoila la peau de son ventre se tordant en tous sens, puis ses côtes se soulevèrent dans un craquement osseux étouffé par la peau qui se déchira lentement jusqu’au bas-ventre, laissant ses viscères tomber lourdement au sol.
— Bordel de merde…
Le garde armé se recula en pleurs tandis que la mâchoire inférieure de Billy s’arrachait pour laisser sortir une seconde créature, et dans la foulée Harold l’explosa d’une cartouche de chevrotine. Il activait la pompe de son fusil quand l’attaque survint. Des intestins répandus au sol surgit un troisième monstre qui lui sauta au visage, et malgré ses réflexes, Harold se fit lacérer la joue tandis que la chose prenait appui sur le mur pour bondir sur sa seconde cible et la mordre au cou, puis de se laisser tomber au sol et s’enfuir vers les étages inférieurs.
— C’était quoi, ça ?
— Je n’en sais rien, mais cette saloperie m’a mordu…
Une main plaquée contre la plaie à sa gorge, le garde dévisagea Harold avec effroi.
— Quoi ? Je sais qu’il m’a blessé à la joue, ça va…
— Non, c’est… Permettez ?
Le garde tendit la main vers le visage du Sergent et tira sur quelque chose qu’il lui tendit ensuite, et Harold se figea.
— C’est… C’est ce que je crois ?
Dans les mains du garde pendait un lambeau de peau que les deux hommes observaient en silence, jusqu’à ce qu’Harold demande.
— Comment ? Comment c’est en dessous ? À quoi ressemble mon visage ?
Le garde sortit son téléphone et prit une photo avant de lui tendre l’appareil et Harold observa l’écran en tremblant. D’en dessous de l’œil gauche jusqu’au bas de la mâchoire, sa peau avait été retirée pour laisser place à une chitine à l’aspect rigide et à la couleur métallique. Harold se retint de pleurer en rendant l’appareil à son propriétaire, avant de lui lever la main de la plaie qu’il avait à la gorge.
— Laisse-moi regarder…
Une entaille de quelques centimètres de longueur, mais peu profonde déchirait la peau en une plaie nette dont les contours viraient déjà au rouge caractéristique d’une infection.
— C’est comment ?
— Pas beau à voir…
La peau eut un frémissement et Harold fronça les sourcils.
— Ne bouge pas… Et excuse-moi par avance si ça fait un peu mal…
Il se pencha vers la plaie tout en y portant les mains et entreprit de l’écarter délicatement, quand un fin tentacule vint lui fouetter le visage, frappant à l’œil gauche en le forçant à reculer.
— Putain, c’est quoi ça ?
Le garde gesticulait, prit de panique, alors qu’Harold le regardait, terrifié.
— Tu es contaminé…
— Hein ? Et pourquoi pas vous alors ? Il vous a blessé avant moi !
Harold pointa sa joue chitineuse du doigt.
— Ça m’a protégé…
— OK, mais on va faire quoi alors ? Comment on me retire ça ?
Le militaire pinça les lèvres avant de répondre.
— Désolé…
Il braqua son arme sur le visage du garde qui eut à peine le temps de hurler de peur avant que sa tête soit arrachée par une cartouche de chevrotine et que son corps tombe au sol en répandant du sang et du liquide noirâtre sous le regard malheureux d’Harold.
— Sincèrement désolé…
Il réarma son fusil, compléta le stock de cartouches dans l’arme et entreprit de rejoindre ses acolytes qu’il retrouva six étages plus haut. Lorsqu’ils le virent arriver tête baissée, un silence pesant s’abattit avant que Michelle ose parler.
— Où sont les deux gardes ?
— Ils étaient infectés… Et ça nous a attaqués…
— Et toi, ça va ? Regarde-moi…
Harold leva la tête, révélant sa nouvelle peau, et Michelle s’immobilisa.
— Mon dieu…
— Je sais…
— Ton œil…
Le Sergent fronça les sourcils.
— Quoi, mon œil ?
— Tu vois quelque chose ?
— Oui, pourquoi ?
Il passa sa main sous la paupière inférieure et sentiment une matière gélatineuse avant que quelque chose glisse sur sa peau et s’écrase mollement au sol. Michelle et lui baissèrent la tête pour voir son œil crevé gisant entre leurs pieds avant de se regarder mutuellement.
— Je vois bien, donc j’ai un autre œil en dessous… À quoi ça ressemble ?
Michelle se recula d’un pas.
— Doc ! Vous devriez venir voir…
Allit se glissa entre eux pour observer l’orbite vide en murmurant.
— Fascinant…
— Hey, je me transforme en monstre par votre faute, alors modérez votre ardeur, OK ?
Sans un regard pour lui, la scientifique murmura.
— Désolé, mais c’est si… inattendu… Et en même temps une telle preuve d’adaptabilité… Permettez ?
Harold n’eut pas le temps de répondre qu’elle se saisit de la peau de la paupière supérieure pour tirer dessus.
— Hey, mais vous faites quoi ?
— Je dégage le champ de votre nouvel œil…
À mesure qu’elle retirait la peau, Harold pouvait effectivement constater l’élargissement de son champ de vision, et quand enfin elle eut fini, elle se recula, un large sourire aux lèvres.
— Stupéfiant…
Harold passa la main sur son visage, traçant le contour de son nouvel œil du bout des doigts, décrivant un triangle partant de l’arête du nez jusqu’à l’arrière de la pommette gauche pour remonter de six centimètres avant de redescendre au nez. Quand il eut terminé, sa main tremblante vint se plaquer sur la crosse de son fusil tandis que son œil droit fusillait la scientifique.
— Et vous voulez toujours me faire croire qu’un retour à la normale est possible ? Vous mériteriez que je vous abatte, vous ne valez pas mieux qu’Ahmed !
Michelle se jeta en travers de l’arme en hurlant.
— Arrête ! Harold, arrête, je t’en prie… Ce n’est pas toi, ça… Ce n’est pas toi…
Tremblant de rage, le militaire ne baissa pas son arme.
— Pousse-toi s’il te plaît, Michelle.
— Non ! Ce n’est pas toi, tu n’es pas un meurtrier… C’est l’effet de leur sérum à la con… Je t’en prie… Contrôle-toi…
Le regard noir du Sergent alla de la scientifique à l’infirmière avant de retourner à la scientifique plusieurs fois de suite, avant que lentement son pouce remette la sûreté sur son arme, arrachant un soupir de soulagement à sa compagne. S’approchant lentement de la scientifique, il pointa vers elle son index muté en s’adressant à elle avec autant de calme que possible.
— Je peux vous jurer que vous ne vous en tirerez pas comme ça !
Reprenant sa progression, il cria.
— Allez, on a une plateforme à faire exploser !
Alors que le groupe se remettait en route, Michelle attrapa Allit par le bras.
— Doc, on peut parler ?
La scientifique la dévisagea avant de répondre.
— Que se passe-t-il ?
La jeune femme lui décocha un puissant coup de poing qui la fit trébucher avant de répondre.
— Vous n’êtes qu’une pute ! J’espère qu’Ahmed vous chopera !
Tandis que la scientifique passait sa main sur ses lèvres fendues, Michelle partit en courant rattraper le groupe.
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