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— On est encore loin ?
Harold continuait d’ouvrit la marche aux côtés de la Lieutenante-Colonelle Geol et trouvait le temps long, aussi celle-ci le rassura-t-elle.
— Dans dix niveaux, nous arriverons au self. Là, nous passerons par les cuisines et leur espace de stockage qui sont directement reliés à la plateforme de sortie pour des raisons évidentes de faciliter de manutention des aliments. L’héliport se situe cinquante mètres plus loin.
— Cool… Parce que je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ça commence à avoir du mal à suivre, derrière.
La géante tourna la tête pour constater que la professeur Allit, le Colonel et Michelle commençaient à avoir le souffle court et le front ruisselant de sueur. Regardant de nouveau Harold, elle murmura.
— Une pause ?
— Non, trop risqué. Tant que ne sait pas où se trouve l’armée d’Ahmed, notre meilleure chance de survie reste le mouvement.
— Alors quoi ?
— On ralentit la cadence, c’est un bon compromis. Et au self, on fera en sorte que tout le monde puisse souffler, boire, et manger un bout.
Geol acquiesça avant de donner de la voix.
— Ralentissons un peu.
Quelques murmures d’approbation s’élevèrent avant qu’Harold ajoute.
— Tenez-vous quand même prêt à fuir ventre à terre si on nous attaque.
Reprenant à voix basse pour n’être entendu que de son binôme, il reprit.
— Et si l’attaque vient d’en haut, on est littéralement baisés…
Elle opina avant d’ajouter.
— D’autant plus qu’on n’a croisé aucun signe de nos ennemis depuis longtemps… S’ils se sont regroupés, nous ferons vraiment face à un mur de monstres.
Harold enchaîna.
— Sans parler de cette… Fusion qu’ils ont effectuée quand Alliza les a déchirés avec le canon… Est-ce que ça signifie qu’ils sont indestructibles ?
— Alors il faut espérer que l’explosion du complexe n’en laissera pas une miette, sinon, nous aurons fait tout ça pour rien. Mais ce n’est pas ce qui me perturbe le plus.
Le Sergent la dévisagea en fronçant son unique sourcil.
— Alors c’est quoi, dans ce cas ?
— La résistance de vos carapaces…
— Comment ça ?
Geol pinça les lèvres avant de reprendre.
— Toi, tu as survécu à une tentative d’éventrement lors de laquelle l’os s’est brisé en te frappant, ce qui n’est pas rien, à la base, mais ce que tu n’as peut-être pas vu parce que tu étais à côté d’Alliza pendant qu’elle tirait, alors que moi j’étais légèrement en oblique aux côtés de la serrure électronique de la porte, c’est que les cartouches ne perçaient pas forcément les corps de nos adversaires…
— Comment ça ?
— Il semblerait que les seules à avoir été efficaces aient été celles frappant au visage et aux articulations… Alliza les a démembrés, avec beaucoup de chance d’ailleurs puisqu’elle balayait la zone, mais un soldat professionnel qui se serait acharné à viser le corps comme on nous l’enseigne depuis des années n’aurait pratiquement aucun résultat…
— Ça craint…
Tournant la tête vers l’arrière, il clama.
— Si ces saloperies nous attaquent encore, visez la tête ou les articulations. C’est apparemment là que leur carapace est la plus faible.
Refaisant face aux escaliers, il reprit.
— Il ne me reste que trois cartouches dans le fusil à pompe, à ce sujet. Après, je passe au G36 ou à la M4A1, et la perte de puissance et de force d’arrêt me fait craindre le pire…
— Tu veux qu’on parle de la petite Vector de ta copine ? Je ne suis pas même sûre qu’elle parvienne à les blesser si elle les atteignait au visage. D’autant que tu as pu constater qu’après leurs fusions, les corps deviennent de telles aberrations que toucher le visage devient compliqué.
Harold acquiesça.
— Ne m’en parlez pas… J’en ai repéré un dont la tête était au milieu du torse et protégée par une cage thoracique ne laissant entrevoir que ses yeux… L’atteindre relève du tir de précision.
Subitement, un bruit de métal enfoncé venant des étages inférieurs les fit s’immobiliser et se retourner lentement pour voir le même masque effrayé sur le visage de leurs coéquipiers. Déglutissant difficilement, Michelle murmura.
— Donc vous aussi, vous l’avez entendu ?
Le binôme de tête acquiesça, puis Harold leur fit signe d’un mouvement de tête de passer devant eux pour qu’ils continuent leur ascension tandis qu’ils couvraient leurs arrières. Quand Michelle arriva à leur niveau, elle déposa un baiser sur la joue chitineuse de son compagnon en murmurant.
— Fais attention, d’accord ?
— Promis.
Elle lui sourit avant de se remettre en route, et quand elle fut suffisamment éloignée, Geol intervint.
— Tu ne devrais pas lui mentir.
Sans relâcher sa visée, Harold demanda.
— Pourquoi vous dites ça ?
— Je t’ai entendu avec Allit tout à l’heure. Tu n’as plus l’intention de t’échapper d’ici. Elle s’en rendra bien compte à un moment.
— Et bien j’aviserais justement à ce moment-là.
Le bruit de métal se fit de nouveau entendre, mettant fin à la discussion tandis que les deux combattants reculaient dans les escaliers avec parcimonie. Ils avaient fait trois pas de plus quand le bruit revint, et Geol murmura.
— L’intervalle entre chaque coup se fait plus court…
— J’ai constaté aussi…
Il y eut un quatrième bruit ressemblant clairement au son du métal se faisant enfoncer, puis un cinquième suivi de près d’un autre, et subitement les coups s’enchaînèrent.
— Ça court vers nous ?
— On dirait…
Lâchant son fusil de la main maintenant la pompe, il utilisa celle-ci pour attraper une de ses grenades incendiaires dont il mordit la goupille pour la retirer tout en maintenant la cuillère* de l’engin explosif bien enfoncée tout en armant le bras.
— Tu fais quoi ?
— On va voir s’ils craignent le feu.
— Tu ne te dis pas que leur chitine les protégera ?
— Alors ils cuiront en dessous. Une bonne cuisson à l’étouffée.
Le bruit continuait tout en se rapprochant avant qu’une créature gargantuesque arrive sur le palier inférieur au leur et que son allure les fasse se figer quelques secondes. Ils avaient face à eux une créature faite de chairs entremêlées et d’os mal répartis et dépassant du corps, se déplaçant en prenant appuie sur des membres antérieurs hypertrophiés dont les fibres musculaires se déchiraient pour se rattacher après chaque mouvement, tandis que les membres postérieurs passaient par-dessus les épaules du monstre à l’aide de multiples articulations pour se terminer par une série de griffes osseuses lacérant l’air devant elles. Mais son visage surtout fut ce qui effraya le plus les combattants. Il était fait d’un rassemblement de cranes, aux yeux fous se braquant dans leur direction, et dont la disposition sur le torse de la chose prenait une allure d’immense tête difforme, et lorsque le monstre rugit, la masse inférieure de ces crane s’abaissa en parodie de mâchoire inférieure alors que de ce simulacre de bouche s’échappait différents fluides corporels et une longue masse charnue terminée par un dard.
Prise de panique, Geol ouvrit le feu, ses cartouches s’enfonçant mollement dans la chair du monstre dépourvu de plaque de chitine tandis qu’Harold faisait rouler sa grenade incendiaire dans les escaliers jusqu’à ce que celle-ci s’immobilise sous la créature tout en criant.
— Fuyez !
Geol et lui firent demi-tour pour s’enfuir en courant et la chose leva un membre pour les poursuivre quand la grenade explosa, l’embrasant instantanément. Leur adversaire, se tordant de douleur en émettant une plainte stridente, perdit l’équilibre pour chuter contre une paroi en métal et se débattit contre le feu pendant quelques secondes avant de se relever tant bien que mal et bondir à la poursuite de ses proies, sa langue fouettant l’air tandis qu’il prenait appui contre les murs pour se propulser plus vite.
Tournant la tête pour regarder derrière lui, Harold jura.
— Merde, ça nous suit !
Geol observa la créature dont des lambeaux entiers de chair enflammée se détachaient de son corps et vit que le monstre perdait en force et en vitesse.
— Accélère !
Tout en donnant son ordre, elle dégoupilla une de ses propres grenades qu’elle laissa tomber au sol sans la lancer, et celle-ci explosa devant leur poursuivant qui traversa le rideau de flamme en s’écroulant, le feu ravageant son corps ayant redoublé d’intensité. La créature bougea ses membres, essayant de vainement de se relever tout en poussant des cris d’agonie quand Michelle et Allit descendirent les rejoindre et s’immobilisèrent en découvrant leur adversaire.
— Mais qu’est-ce que c’est que cette horreur ?
Harold tourna la tête vers la scientifique en soupirant.
— Enfin un truc que vous ne trouvez pas fantastique ou merveilleux… Il était tant…
Observant la créature, il vit dans ses nombreux yeux ce qu’il prit pour de la détresse et baissa la tête avant de sortir une grenade de son M4A1 de sa ceinture d’explosif.
— Ce qu’il reste d’humain là-dedans souffre, et je… Je ne peux pas laisser faire ça… Montez, je vais jeter la grenade dessus, et on aura quelques secondes avant que la chaleur la fasse exploser, alors essayons de franchir les escaliers avant qu’ils soient arrachés par l’explosion…
Les trois femmes le fixèrent avant d’obéir tandis qu’Harold observait la créature convulsant devant lui.
— Ça va aller, ne t’en fais pas. Tout ça va bientôt finir…
Il lança la grenade devant lui, et celle-ci atterrit sur le monstre tandis qu’Harold s’enfuyait en courant. Il avait franchi le palier supérieur depuis quelques secondes seulement quand celui-ci fut arraché par l’explosion de l’engin explosif un étage en dessous. S’arrêtant pour regarder les dégâts, Harold murmura.
— Ça fera un obstacle de plus pour ces choses. En espérant qu’on n’ait pas à battre en retraite…
Il repartit en courant et rejoignit les autres qui acquiescèrent, le remerciant silencieusement d’avoir veillé sur eux, puis il reprit la tête du dispositif pour que tous reprennent leur progression vers leur unique planche de salut.
Cuillère : Pour utiliser une grenade, le soldat doit la serrer fermement dans la main, assurant ainsi que le levier sera maintenu en place par les doigts. L’anneau de la goupille de sécurité est alors saisi par l’index ou le majeur de l’autre main, et est retiré avec un mouvement de traction. La grenade peut alors être lancée contre la cible ; un lancer au-dessus de l’épaule est recommandé, mais peut ne pas être adapté à toutes les situations de combat.
Une fois la grenade lancée, le levier n’est plus maintenu en place. Le percuteur est bloqué par un verrou comprimant un ressort, ce verrou éjecte le levier et libère le percuteur, qui vient frapper l’amorce. L’amorce enflamme la composition retard, qui vient activer le détonateur pour faire exploser la charge principale. Tant que la cuillère est maintenue, la grenade peut être à tout moment regoupillée pour une utilisation ultérieure.
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