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               Le groupe prit le temps de reprendre son souffle, persuadé que les escaliers détruits par la grenade leur offraient un répit tout en bloquant leurs poursuivants. Allit se tenait pliée en deux, les mains sur les cuisses, tandis que Michelle s’appuyait à un mur en vomissant et qu’Harold lui tenait les cheveux en lui massant le dos.

                — Comment ça se fait que je vomisse ?

                Harold sourit en se rappelant ses entraînements militaires éprouvants.

— Le manque d’exercices et d’endurance, ma belle.

— Alors pourquoi toi, tu ne transpires même pas ?

                Harold se redressa, surpris par la remarque, et regarda autour de lui en fronçant son ultime sourcil, pour constater que la Lieutenante-Colonelle Geol et les gardes survivants, pourtant entraînés quotidiennement, étaient eux aussi fatigués par l’accumulation de stress, de combats et d’efforts physiques. Il se tourna ensuite vers Allit qui le dévisageait également et demanda.

— Évolution ?

— Hautement probable, oui…

                Elle se redressa et s’épongea le front d’un mouvement du bras avant de reprendre.

— Sincèrement, et tant pis si vous le prenez mal, j’aimerais réellement avoir accès aux labos pour vous étudiez sous toutes les coutures. Même le Patient Zéro ne semblait pas aussi avancé dans son évolution que vous.

                Le Colonel intervint.

— Mais il a eu plus de temps pour se faire à son état et en gère donc théoriquement mieux les particularités. Ce qui fait que, théoriquement, il est plus efficace que toi, Harold. Enfin, sans vouloir ruiner l’ambiance.

                Harold acquiesça lentement, réfléchissant à tout ce que ceci pouvait impliquer s’il devait affronter Ahmed en combat singulier et sur ses chances de l’emporter, jusqu’à ce que la radio de Geol crépite et qu’une voix masculine au fort accent russe s’élève en le tirant de ses réflexions.

— Ici Plateforme. Vous recevoir ?

                L’Officier Supérieure se saisit de son talkie-walkie et répondit.

— Nous vous recevons. Au rapport ?

— Être vous qui activez porte principale ?

                Geol releva la tête pour échanger un regard anxieux avec le Colonel Vespal et Harold avant de répondre.

— Non. Permission d’ouvrir le feu de toutes vos armes, y compris les armes antiaériennes, les lance-roquettes et les explosifs.

                Le Colonel opina tandis qu’un léger silence s’installait, puis la radio reprit.

— Vous sûre ? Le Colonel pouvoir confirmer ?

                Camille tendit le communicateur au chef du complexe qui s’en saisit.

— Ici le Colonel Archibald Vespal. Je confirme l’ordre de la Lieutenante-Colonelle Camille Geol. Ne laissez pas passer ces monstres.

— Monstres ?

— Vous comprendrez quand vous les verrez. Ils ne doivent en aucun cas s’échapper d’ici. S’il le faut, détruisez les moteurs de la porte pour qu’elle se referme définitivement, mais stoppez leur progression quoiqu’il arrive, ai-je été bien clair ?

— Affirmatif. Nous allons les détruire.

— Merci. Nous vous recontacterons quand nous arriverons. Colonel Vespal, terminé.

                Il rendit ensuite le talkie-walkie à sa propriétaire en ajoutant.

— Maintenant, c’est quitte ou double. Soit on l’arrête et on parvient à se sauver, soit on saute avec eux. Alors, reprenons notre route et cessons de perdre du temps.

                Tout le monde acquiesça et le groupe reprit l’ascension des escaliers pour gravir les cinq étages restants, Harold et Geol toujours en tête du dispositif. Quand ils atteignirent enfin l’étage du self, le groupe s’immobilisa tandis qu’Harold appuyait sur la poignée de la porte du bout de son canon pour l’entrouvrir et regarder par l’embrasure avant de murmurer.

— Et merde…

                Michelle, les mains crispées sur son arme, murmura à son tour.

— Ils sont là ?

— Oui.

— Combien ?

— J’en compte douze, mais tant que nous ne serons pas dans la pièce je ne pourrais pas faire un décompte exact.

— Et de toute façon, à ce moment-là, il ne nous servira plus à rien.

                Le Sergent laissa la porte se refermer tout en se tourner vers sa compagne en lui souriant.

— Je vois que malgré le contexte, tu n’as pas perdu ton sens de l’humour, c’est bien.

                Le Colonel les coupa.

— Vous roucoulerez dans l’hélicoptère. Camille, un plan ?

                La femme à la carrure colossale se tourna vers les gardes restants.

— On est d’accord qu’il faut traverser le self, atteindre les cuisines puis les stocks si nous voulons atteindre la porte principale ?

                Les hommes opinèrent du chef et elle reprit.

— Voilà, donc vous connaissez notre plan. Harold, gardons nos grenades incendiaires pour quand nous arriverons à l’entrée de la plateforme. Nous pourrons essayer de créer un rideau de feu pour nous sécuriser un passage, d’accord.

— Ça me va.

— Bien. Alors à trois, tu enfonces la porte et on charge.

                Se retournant vers ses acolytes, elle continua son explication, pleinement dans son élément.

— On avance aussi vite que possible en restant groupés. Et que quelqu’un donne une arme au professeur Allit, elle est la seule à ne pas en avoir.

                Harold lui tendit son G36 avec son énorme chargeur à double tambour que la scientifique prit délicatement en lui disant.

— Je ne sais pas m’en servir…

                Harold retira la sûreté de l’arme avant de répondre.

— Le doigt sur la détente face aux méchants et vous appuyez. C’est réglé pour tirer des rafales courtes, vous devriez avoir assez de balles pour qu’on passe.

— D’accord, mais je dois faire quoi quand la rafale a fini ?

                Harold resta bouche bée suite à la question tandis que Michelle lui répondait.

— Bah vous appuyez à nouveau, logique, non ? Putain, et ça, ça a des doctorats... Je vous jure…

                Allit la fusilla du regard tandis qu’Harold rigolait en reprenant son fusil à pompe en mains pour se tourner vers la porte.

— C’est bon, vous lancer le décompte.

                Geol lui sourit.

— Un. Deux. Trois !

                Harold appuya sur la poignée de sa main gauche avant d’enfoncer la porte d’un coup de pied pour sortir en braquant son arme devant lui et arriver dans le self quand il put réaliser l’ampleur de la tâche qui les attendait. Une trentaine de contaminés se tournèrent vers eux en vociférant avant de se diriger dans leur direction avec plus ou moins de facilité selon les mutations qui étaient les leurs, et Harold dut faire un réel effort de volonté pour reprendre sa course, suivi de près par le reste de son groupe.

                Un premier muté arriva à son niveau, une créature boursouflée semblant pleine de gaz et sur le point d’exploser, Harold lui fit exploser le crâne avec précision tandis qu’à sa gauche Geol s’agenouillait pour tirer en doublette* sur un monstre recouvert de pustules qui s’écrasa au sol, percé en pleine poitrine par deux ogives. À sa droite, le Colonel Vespal et un garde ouvraient le feu par intermittence pour maintenir les créatures à distance quand deux cris s’élevèrent de derrière eux. Se retournant en réarmant son fusil, Harold vit un être insectoïde accroché au plafond de la bouche duquel sortaient deux immenses langues tenaient Michelle et le dernier garde par une cheville. Sans réfléchir, Harold revint sur ses pas en visant la créature qu’il cribla de ses deux dernières cartouches de chevrotines avant de jeter son fusil à pompe sur le côté pour épauler son M4 A1 et ouvrir de nouveau le feu en hurlant.

— Lâche-la, fils de pute !

                Une série de cartouches frappèrent la chose au visage qui explosa dans une gerbe de sang noirâtre épais tandis que les langues relâchaient leurs proies qui chutèrent lourdement au sol alors que leur propriétaire se détachait du plafond pour aller s’écraser dans un bruit écœurant. Arrivé aux côtés de Michelle, il l’aida à se relever en même temps que le garde se remettait debout et Harold demanda.

— Vous allez bien.

— Super ! J’ai failli me faire bouffer vivante, c’est l’éclate.

                Sans relever, Harold se tourna vers le garde.

— Et vous ?

— Plus de peur que de ma…

                Sa phrase resta en suspens après qu’une créature aux bras terminés par deux longues cisailles de chitine l’ait tranché en deux à hauteur des hanches, et alors que Michelle hurlait, Harold fit immédiatement feu pour abattre l’assaillant pour ensuite attraper sa compagne par la main et se mettre à courir. Ils avaient à peine rejoint Geol que deux autres cris s’élevèrent. Sur leur droite, un contaminé colossal écrasait le dernier garde entre ses énormes mains pendant qu’un second, sans mâchoires, avalait lentement le Colonel dont seules les jambes dépassaient encore de son gosier.

                Hurlant de terreur et de douleur devant la perte du Colonel, Harold pressa la queue de détente du lance-grenades M204 accroché sous son fusil d’assaut et l’engin explosif fila jusqu’au monstre goulu pour le frapper en plein ventre avant d’exploser en éparpillant les monstres alentour en morceaux de viande plus ou moins conséquents. Rechargeant le lanceur de projectile, il cria.

— Geol, on fait tout péter !

— Oui, le feu semble efficace !

                Une seconde explosion eut lieu alors qu’un incendie débutait en déclenchait l’alarme tandis que Michelle et Allit tiraient sans discontinuer devant elles pour ouvrir un passage aux quatre survivants et qu’Harold et Geol lançaient leurs explosifs à tout bout de champ, jusqu’à ce qu’ils atteignent la porte des cuisines. À peine l’eurent-ils franchie qu’Harold commençait à pousser une armoire en travers, et quand la Lieutenante-Colonelle et sa carrure hors-norme vint le rejoindre, le meuble de métal obstrua l’issue en se couchant au sol et en travers de la porte tandis que Michelle et Allit tiraient à travers les deux fines fenêtres de celle-ci en arrachant quelques couinements de douleurs à leurs assaillants. Regardant autour de lui pour trouver quelque chose qui pourrait leur être utile, Harold posa sa main sur l’épaule de Geol en criant.

— Attrapez des tabliers et venez, j’ai trouvé des lance-flammes.

                La femme l’observa avec étonnement pendant une poignée de secondes avant de lui obéir dès qu’elle le vit s’affairer devant des bombonnes de gaz, et lorsqu’elle l’eut rejoint elle s’enquit.

— Tu fais quoi ?

                Harold dévissait les tuyaux reliant les bombonnes aux plaques de cuisson tout en expliquant.

— Le gaz est à l’état liquide dans les centenaires. L’idée, c’est de les tenir à l’envers pour que son propre poids le propulse alors que vous tenez le tuyau en en pinçant le bout pour régler le débit. Et les tabliers, c’est pour faire des sangles de maintien qu’on va passer dans les fentes sous les bombonnes et autour de notre cou pour que ça pende sur nos flancs.*

— Mais ça ne risque pas de nous sauter à la tronche ?

                Le Sergent sourit.

— Les valves des bombonnes sont antiretour, vous ne risquez rien, si ce n’est de vous brûler les doigts. Vous avez un briquet ?

                Geol fouilla dans sa poche avant d’en sortir deux en répondant.

— J’en ai toujours plus. Un bon soldat se doit d’avoir des munitions.

                Se saisissant de l’un d’entre eux, Harold acquiesça.

— Vous avez bien raison.

                Il passa les tabliers pour en faire des sangles et enfila le sien avant de se redresser, sa bombonne maintenue à l’envers, puis brandit le tuyau vers la porte en criant.

— Mesdames, quelle cuisson ?

                Suant à grosses gouttes, Michelle hurla sa réponse.

— Crame ces enculés.

                Souriant, Harold alluma son briquet, mit la flamme devant la bouche du tuyau tandis que Geol ouvrait la sortie de gaz de la bombonne, puis desserra légèrement la pression de ses doigts sur le caoutchouc, libérant un jet de liquide inflammable qui se jeta sur la flamme du briquet en prenant feu avant d’asperger la porte. Relevant le tuyau pour corriger sa visée, Harold fit passer le jet par une des fines fenêtres de la porte, et immédiatement des cris et gémissements s’élevèrent alors que les créatures s’éloignaient aussi vite que possible des flammes. Quand enfin il n’en distingua plus, il pinça le tuyau avant de le plier en deux pour en bloquer le débit et regarda les trois femmes qui s’étaient rassemblées et clamer en souriant.

— Bien, vous savez ce qu’il vous reste à faire ?

                À peine avait-il fini sa phrase que le système anti-incendie ouvrait les extincteurs automatiques* et que l’eau tombait en pluie fine depuis le plafond dans les cuisines. Se voûtant légèrement, le Sergent grogna, arrachant un sourire à sa compagne.

— Tu as même le pouvoir d’invoquer la pluie ? Bravo…

Doublette : Les armées ont constaté que tirer deux cartouches au coup par coup obtenait le même résultat qu’en tirant une rafale courte de trois cartouches en termes de recul. En rafale par trois en visant le ventre de l’ennemi, la première cartouche touchait le plexus, la seconde sous la gorge et la troisième la tête. En doublette, la première touchait le plexus et la seconde la tête, tout en économisant une cartouche. Dans la logique d’économie budgétaire, cette solution a donc été massivement adoptée au sein des armées.

Lance-flammes improvisé : véritable méthode. Attention, cette cascade a été réalisée par des professionnels. Ne la reproduisez pas chez vous.

Extincteur automatique à eau : Une installation fixe d’extinction automatique à eau (IFEA ou IEA) nommée aussi sprinkleur (parfois francisé en sprinkleur ou gicleur) est un appareil d’extinction fonctionnant seul en cas de chaleur excessive dans un local ou un site à protéger lors d’un incendie. Ce système est mis en réseau au-dessus de la zone à protéger et comporte trois éléments constitutionnels : des têtes extinctrices (buses) vissées sur des canalisations, le tout relié à un poste de contrôle qui régule l’arrivée de l’eau.

Une augmentation anormale de la température entraîne la rupture de l’ampoule ou la fonte du fusible qui maintient la tête fermée. La canalisation d’eau sous pression permanente, connectée à la tête, en alimente la tête pour arroser par brumisation la zone enflammée. Son déclenchement ne nécessite aucune intervention humaine. La circulation d’eau dans les canalisations actionne une cloche hydraulique donnant l’alarme au niveau du poste de contrôle (et renvoie une alarme vers le poste de sécurité grâce au pressostat).

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