Choisir ou renoncer
— Je suis contente que tu m’invites chez toi.
— Avec plaisir, ça fait longtemps et puis je préfère discuter ici, en privé que dans un lieu public.
— Tu veux me parler de Marta ?
— Oui.
— Hum, un vaste sujet.
– Alors installe-toi dans le salon, tu connais le chemin. Une préférence pour l’apéritif ?
— Du vin, si tu en as.
— Toujours au cas où.
Je sors mon paquet pour m’en griller assise, une après avoir retiré ma veste. La santé de ma sœur me fais fumer à nouveau au moins, quatre cigarettes…heureusement, la danse me permet de me maintenir.
En ce moment, je dors chez mes parents en attendant de trouver un logement qui me convienne, étant aussi exigeante qu’en classe. Je me doute que ce soir, Marta veuille dormir avec moi. Parfois, pendant les fêtes, elle s’incruster dans mon lit, en silence pour quémander un câlin.
Je n’arrive plus à croire qu’elle va se soigner, elle se persuade que tout va bien…Mon air battu ne change pas le sourire confiant de Carmen. C’est quoi son secret ?
— Elle est entre de bonnes mains Adela.
— Oui, je ne dis pas le contraire sauf qu’on ne sait toujours pas ce qu’elle a ! Mes parents m’ont tout dévoiler sur son passé, son mode fonctionnement et ce que vous m’avez raconter, dépasse tout ce qu’on peut imaginer !
— Cependant, entendre des voix et y répondre, c’est plus associé à des formes de schizophrénie.
— Elle refuse de consulter, de plus, elle a peu de crises, le reste du temps, elle est silencieuse, en phase dépressive. Elle refuse de nous dire qu’elle entend ! Mais, au-delà des maladies mentales, je dois admettre, qu’elle peut être médium.
— Comment ça ?
— Ma grand-mère en été une. Ma mère et moi aussi, l’avait déjà vu en séances. Une forme de médium, de don qui saute une génération.
— Vous en avez discutez de ce don avec elle, ces derniers jours ?
— Non, cependant, je pense qu’elle le sait bien. Ma mère se souvient, qu’enfant, elle répétait à notre grand-mère, qu’elle refuse de voir les morts.
— Hum, c’est compliqué quand la croyance et la folie, y sont mêlés. Marta est une personne fragile au vu de tout ce que vous m’avez raconter, ce que j’ai vu. Elle est forte, têtu aussi. Ça se sent qu’elle lutte pour accepter ce don autant qu’elle refuse de paraitre comme quelqu’un de malade.
— Alors on fait quoi ?
— Pour qu’elle prenne une décision sans briser sa santé, il n’y a qu’une seule manière. Et tu l’as connais.
Je nous sert et bois la moitié avant de réfléchir à ses propos. Son regard et son silence me font bondir.
— Non Carmen ! Tout mais pas ça !
— C’est pour son bien Adela. Elle doit être hospitalisé de force cette première crise intense peut recommencer et ça risque fortement d’impacter son parcours scolaire.
— Carmen, elle a besoin de la danse ! C’est aussi vital que pour moi ! Dire qu’on lui avait failli lui dire non de manière définitive après sa greffe !
— Elle pourra revenir l’an prochain.
— Et perdre une année ! Tu sais que ça me rappelle une sombre période ?
— Adela, tu sembles oublier le point crucial, sa santé ! Tu le sais bien que tout tient à un fil pour elle et je crois qu’elle se désintéresse des cours. Même, si les notes ne sont pas catastrophiques. Prendre du temps pour elle, dans une structure adaptée, c’est à mon sens, primordial. Après, c’est au médecin de le juger et il ne va pas tarder à me donner raison.
— Marta est un paradoxe à elle toute seule. Tout mon passé.
— Comment ça ?
— Tu l’as un peu expliqué tout à l’heure. Au fond, elle veut être aider, lutter contre ses pensées sauf qu’elle refuse d’être malade une deuxième fois. Elle sent au plus bas, elle qui était au sommet, peu de temps avant. Elle aime rester au centre de l’attention, se prouver qu’elle a tout réussi. Avoir un deuxième diagnostique, l’a rend sur le tapis. Je pense qu’elle cherche le meilleur moyen pour continuer à se battre, seule.
Elle picore une olive pensive et moi, je me sers à nouveau.
— Hum, je vois. Après, il y a plusieurs choses que je ne comprends chez elle.
— Elle est difficile à cerner, je te l’accorde. Mais, je peux essayer de t’éclairer.
— Ta mère m’a raconté son horrible possession, la terrible perte de son amie et de sa grand-mère à un si jeune âge et les conséquences derrières. Ce que j’aimerais comprendre, c’est pourquoi, elle a aujourd’hui, tout juste, après sa greffe, de tels crises ?
— Je me pose la même question ! Ce genre de choses, peut-être bien silencieux.
— Sans doute qu’elle n’osait pas en parler. Et puis, ça peut s’éteindre pendant un moment donné surtout si un choc traumatique prend place.
Je repense à tous nos moments et pour de rare fois, à notre enfance. Jusqu’à que je quitte le navire et dont j’ai sans doute fragiliser l’enfant qu’elle était.
J’appréciais beaucoup aussi ma grand-mère et pourtant, j’avais une pointe de jalousie, qu’elle s’intéresse plus à ma sœur. Elle m’avait même prédit que je serais une grande danseuse et que « Le miroir sera brisé dans un éclat de dernière gloire. Derrière chaque verre, la bonne lueur, permettra de retrouver le parquet ».
Je m’amuse en pensant qu’elle avait final vu juste. Sauf que je n’avais ni retenu ni compris quand j’avais seize ans. Qu’avait-elle pu dire à Marta ? Pourquoi vient-elle dans son esprit surtout en ce moment ?
— Pourquoi tu ris ?
— Rien, je repense à une prédiction qui me concerne. Bref, je viens aussi de me rappeler, qu’elle me disait souvent, douter de qui elle est, ayant peur de son vrai caractère. Elle n’a jamais su pourquoi elle dansait, pourquoi elle demandait une telle admiration. Elle a peur que c’est notre grand-mère qui l’ai toujours influencé.
— De quoi votre grand-mère, aurait-pu l’influencer ?
— J’ai demandé, elle ne sait pas ou alors, ne voulait pas me le dire.
— Et, c’est aussi étrange, de ne pas savoir pourquoi elle voulait danser, hormis l’admiration ?
— J’étais son modèle et je suis encore. Sinon, au fur et à mesure qu’on discute, je suis convaincu, finalement, que, se soigner ne servira à rien. Lutter contre un don, lui fais du mal. Accepter qu’elle peut au contraire, aider des gens, la soulagerais. Enfin, je pense.
de maitriser son don.
— C’est à elle de décider. On n’a pas parlé de son amie Eva. Peut-être que c’est un déclencheur de ses crises ?
— Eva a eu sans doute un impact sauf que c’est réglé depuis des années. Tout cela m’a fatiguée, merci de ce peu d’éclairage mais j’aimerais changer de sujet.
— Pas de problème.
— Tu sais quoi ? Je t’invite à la maison ! Je te ramène après !
— Ne te dérange pas pour moi, je ne veux pas m’incruster et ta sœur a plus besoin de vous que de moi en plus.
— Ne dis pas de sottise ! Tu viens !
Je me lève et je l’ai convaincu de me suivre après avoir tout ranger. Sur la route, on change effectivement de sujet et mes parents sont surpris de l’invitation. Pendant qu’il y a un deuxième apéritif, je vais voir Marta. Comme mes parents me l’ont expliqué, elle est allongée dans son lit, les yeux grands ouverts.
Elle se lève pour me demander un câlin que je lui rend avec plaisir avant qu’on s’assoit toute les deux. Je cherche mes mots mais elle me devance :
— Je vais voir un médium. Je suis sensé demain récupérer quelque chose par un ami mais je…
— C’est quoi ? Et tu refuses d’y croire à ça ! Je te sais perdu, ce n’est pas le moment pour commettre des…
— Oublie mon ami, rien d’important. Pour le reste, j’en ai besoin. En fait, j’aimerais connaître ce que ça fait, demander un témoignage sur ce genre d’expériences. Je ne suis pas quelqu’un de normal, enfin j’ai essayé. Mamie avait tenté de me montrer, je m’en souviens plus !
— Attention de ne pas tomber sur des charlatans, ceux qui t’arnaqueront.
— Je sais faire attention ! Et puis, j’ai toujours su faire abstraction de mes visions par des techniques le peu de fois que ça venait. Tu sais, dès mon réveil, j’ai senti encore mieux ses présences. Je n’ai jamais eu peur que deux choses. Mourir et Eva. Et j’ai déjà eu une expérience paranormale.
— Quand ça ?!
— Pendant ma tentative de suicide, la première. Je t’ai vu sur un lit d’hôpital, j’ai vu dans ton esprit, un mélange de nous deux. Des sensations étranges dont je n’ai eu que le rappel, étrangement à mon deuxième récent réveil, pendant mon opération.
Mais comment tout cela est possible ? Je me sens d’un coup une étrangère ou alors stupide. Je décide de lui parler de :
— Tu penses admettre ton don ?
— Si cela est vrai…pourquoi. Sinon, je vous promet de me soigner ! Comme après Eva
— Eva. Tu en parles souvent, est-ce tu as réussi à faire ton deuil ?
— Non…
— Et tu te souviens de tes thérapies sur ce choc ?
— Hypnose et ne plus porter la culpabilité. En fait, oui, je m’en veux encore mais elle aussi. Je me souviens que maintenant, un peu pourquoi on aller là-bas et j’ai comme un mauvais pressentiment. Comme si aussi, je dois accepter le destin. Mamie me guide de plus en plus pour vouloir, si je veux, être comme elle. Je sens qu’après avoir parlé avec Eva puis mamie, je ne mourrai pas de sitôt. Peu survivent après dix ans de greffe et je ne me prend pas pour une messie.
— Marta…
— Je me dois de m’autodétruire. C’est-à-dire, déconstruire au sens figuré, ce que j’étais, ce que je suis. Evidemment, j’aime toujours la danse, le chant ou le théâtre sauf lors de ma dernière prestation à l’école, toutes mes chansons portent des messages forts. Une fois, que j’aurais discuté avec elles, j’aurais toujours le choix de continuer à mourir sans espoir ou alors de bâtir ma légende. Je ne connais pas de monde qui ont autant une approche avec l’au-delà. Sans doute que j’écrirais un livre, ferais des conférences ou aiderais la recherche sur le mystère de la mort.
— Bon, je te crois et avant d’aller continuer dans ce sens, je te propose d’aller reprendre des forces avec nous. J’ai invité Carmen.
— Il faut que je la remercie. Mais merci en tout cas de pas me laisser pour folle.
— Tu savais que mamie avait prédit mon destin tragique sur scène ?
— Non…
— J’avais seize ans et donc je pense qu’il faut laisser les gens croient s’ils veulent. L’important pour nous tous, c’est que tu ne fasse pas d’imprudences par tes impulsivités ou que ce que tu voie, ne t’y amène pas non plus. La frontière est mince entre réelle et…
— Oui, je vois. Bon, je vais me prendre ma douche, dit leur que j’arrive !
— D’accord, on s’en reparle alors. A toute suite.
Je la laisse se préparer et en informe les autres. Seule Carmen continue d’apprendre les dernières nouvelles. Marta revient un peu mieux réveiller et comme dans la voiture, on décide de parler d’autre chose. Elle écoute pas, reste calme et je sais qu’elle repense à ces paroles. Comme moi.
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