Se battre
Dans le salon, je relis le formulaire d’une décision de déscolarisation écrite par Carmen. C’est Adela qui m’a donné ce document ce matin et en regardant ma fille prendre son chocolat chaud comme à ses six ans dans la même pièce, j’hésite à le remplir avec son consentement. Je m’installe à ses côtés pour lui caresser sa joue et légèrement son ecchymose. Elle me repousse en s’excusant :
— Ne m’en veut pas maman. J’étais stupide de rien vous dire.
— Ma puce, à l’hôpital, où t’a retrouvé épuisée, le visage tuméfié, à plus de dix kilomètres du centre. Voilà deux semaines qu’on choisit de sortir de cette prise en charge pour l’avoir à domicile. Ces jours de silence, on l’accepte disons difficilement. Faut te confier Marta, on ne cessera jamais, de te le dire, jamais tu ne seras jugé.
— C’est quoi ça ?
Elle le prend lentement et j’appréhende. Pour le moment, elle reste inscrite mais en long arrêt maladie et pourra reprendre si besoin, l’année dernière pour avoir son diplôme.
— Il le faut ?
— Le court séjour en psychiatrique n’est pas adapté finalement pour toi. Si tu as bien compris, tu pourras revenir à l’école tranquillement tout en continuant de prendre tes traitements en plus des thérapies.
Elle le repose de la même manière avant de me contempler sans émotion.
— Je me suis battu.
— Ma puce, tu as fugué pour aller voir quelqu’un ?
— Bon, ok. Je suis rentrée illégalement dans sa tombe. Je n’ai pas reconnu les types mais à peine repartie de l’intérieur, qu’ils m’ont chopés, en capuche, menacés et frapper. Je suis parti sans demander mon reste. C’est tout ! Plus aucun souvenir à part sans doute, les phares de la bagnole !
— Je le sais bien qu’on ne peut même pas visiter l’endroit librement, vu que c’est plus sécurisé qu’une prison. Sauf que, quand-même ! Tu te mets dans de drôles de situations toi !
— C’est fait point !
— Et tes voix ? Elles sont revenues ?
— Maman, je suis déterminée à me battre ! Moi, non, plus, je ne comprends rien. Pourquoi, juste après ma greffe ? Qui nous contrôlent ? Qui sait, si un membre mâle qu’on ne connait pas, possède donc de don rare ? S’il a besoin de moi, je suis là !
— Ma puce, écoute moi. J’ai pensé, par rapport à cette histoire d’élue, c’est, qu’on te suive. Je veux dire, que si mamie ou ce Zok, te parles, tu nous racontes tout ! Et, en échange, on t’accompagne, te conseil, si jamais, tu perds pieds. Car, à mon sens, il n’y a aucune psychose, c’est juste un don de famille. Si tu es maitresse de ça, tu seras plus sereine. Tu es d’accord ?
— J’ai mieux !
— Hum, je t’écoute.
— Je reste à l’école, je suis décidé à avoir ce diplôme ! En échange, j’accepte le reste. Bien sûr, que je continue à écouter mamie, l’a torturé de questions pour savoir, où elle compte m’emmener ! Pour le moment, c’était Eva qui me paralyser ! Plus rien des autres !
— Ok.
— Merci maman ! Je suis forte tu sais ! Plusieurs fois la mort ne m’a pas eu et si, tu penses, que je passe plus de temps avec les morts qu’avec les vivants, c’est que je veux trouver, enfermée, celui qui me cherche ! Et puis, je pense peut-être que je l’avais vu enfant, aucun souvenir tu sais, mais, il m’a sans doute déjà pris en connexion ou bien via mamie en vie ! C’est de la sorcellerie tout ça ! Je n’ai même pas de nom, même mamie ! Je…
— Du calme ma puce, du calme. Je suis heureuse de te revoir, plus déterminé à aller mieux.
— Ouai, bon, en tout cas, demain, je reviens à l’école et je pense, faire ma randonnée avec Roberto.
— Marcher où ? C’est une bonne initiative dans tous les cas.
— Pas encore eu d’adresse. Mamie, ne t’as pas parlé d’une grotte qu’elle aimait ?
— Mamie taisait son passé, souvent, tu l’as vu, dans son monde. Je suis rassuré que tu ailles avec Roberto. Et c’est quoi la grotte ? Un temple ?
— Je crois…Roberto savait quand j’étais….enfin bref.
— Bon, je te laisse terminer de déjeuner, je vais te donner une crème pour ton bleu.
— Tu m’as déjà vu comme ça, ça va passer.
— Justement, tu es si jolie, il ne faut pas t’abîmer plus que ça.
— Ouai, tu aurais voulu un garçon non ?
— Pourquoi ?
— Une fille ne se bat pas.
— Contrairement à ta sœur, je me demande pourquoi, tu es si impulsive parfois ?
— Hier c’était eux ! Ok, bon, j’ai tenté de me défendre ! Et puis, je ne sais pas, je déteste ne pas obtenir ce que je veux ! Je n’aime pas l’injustice et, la colère est plus forte que moi ! À moins que c’est Zok qui me commandait…Tu regrettes donc pas ?
— Jamais ! Cependant, j’ai l’impression, que le sort c’est acharné sur vous.
— C’est moi qui trinque le plus !
— Ma pauvre puce, voit ça aussi comme des tests de résilience. Je dois reconnaitre que vous avez une force en vous, qu’il suffit que quelqu’un vous donne la main, que vous avez envie de la cueillir pour nous montrer que les tempêtes, sont derrière vous !
— On se ressemble elle et moi.
— Tu vas t’en sortir ma puce, j’en suis persuadée. Par tous les moyens même si je veux que tu évites d’écouter les voix. Enfin, lui. Remarque, si mamie est en vie et manipulée…
— J’ai compris !
— Bon, passons à autre chose, tu me retrouve dans la salle de bain dans dix minutes ?
— Maintenant, je dois prendre mes médocs pour ce foutu cœur. Au fait, pourquoi on a onze ans de différence ?
— Un regret, je vais te raconter.
Elle ne m’a jamais posé la question et pendant que je l’aide à ranger la table, je l’a sens plus détendu. Quoique, quelques tics trahissent le doute, la peur, de pensées envahissante.
Le soir, je me confie à mon tour à mon mari puis le matin, à sa sœur, sur mes échanges tout en gardant pour moi, l’envie de découvrir celui qui peut bousiller notre famille. Sur l’arbre généalogique, je ne trouve rien qui puisse m’éclairer. Et si, c’est ma mère qui, malade et morte, la persécute ? Je me sens plus dans le flou que Marta….Attendons les jours prochains.
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