Ralph est les autres

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Une fois à l’intérieur, Cendrillon se retrouva face à un jeune homme à peine plus âgé qu’elle. Il était grand et imposant, dégageant une aura à la fois charismatique et mystérieuse. Ses yeux en amande brillaient d’un éclat profond, reflétant une intelligence vive. Ses cheveux châtains, ondulés et soyeux, lui tombaient avec élégance sur les épaules, ajoutant à son allure nonchalante. Son sourire, chaleureux illuminait son visage.

— Permettez-moi de vous accompagner à l’intérieur du château, dit-il en inclinant légèrement la tête.

— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle, méfiante.

Le jeune homme hésita un moment avant de dévoiler son identité. « Mon nom est Ralph, le plus jeune des chevaliers de la cour, » s’exclama-t-il avec une pointe de fierté dans la voix.

Cendrillon l’observa longuement avant d’accepter sa proposition. Elle avança de quelques pas, glissa son bras sous le sien, et ensemble, ils prirent la direction du château.

La traversée des jardins à ses côtés se fit dans un calme apaisant. La nouveauté de ce qui l’entourait fit rapidement oublier à la jeune fille les questions qu’elle avait l’intention de poser au chevalier. Jamais elle n’avait vu des jardins aussi vastes, luxueux et bien entretenus. De vieux arbres caoutchouc, vieux de plusieurs siècles, flanquaient l’allée de chaque côté. Leurs branches entrelacées formaient un ciel de feuillage. Les racines s’étendaient de manière à rendre le chemin presque indiscernable, comme si l’on marchait au cœur d’une forêt. Des fleurs aux couleurs éclatantes s’épanouissaient partout, sur les arbres, à leurs pieds, et pendaient en dessous des branches. Des torches étaient accrochées à mi-hauteur autour des immenses troncs, veillant à ne pas les enflammer. Plus loin, un mélange de rosiers et de fleurs sauvages formait un cercle, au centre duquel une fontaine en marbre beige abritait de petits poissons rouges nageant dans ses eaux cristallines. Deux majestueux araucarias se dressaient de chaque côté de l’escalier menant à l’entrée principale de la salle de réception. Ces grands sapins du Chili, par leur rareté et leur beauté singulière, imposaient leur présence. Cendrillon, intriguée par l’aspect particulier de leurs épines, s’approcha pour toucher une de leurs branches, mais se piqua aussitôt.

« Mince alors ! s’écria-t-elle, portant son doigt à sa bouche. À quoi bon tant de beauté si l’on ne peut l’approcher ? »

N’ayant jamais vu de tels arbres, elle se trouva un peu déconcertée, ne sachant pas si elle devait les considérer comme la plus belle découverte de la soirée ou la pire. La magie des lieux perdit soudain son éclat lorsqu’elle réalisa que tout ceci avait été rendu possible grâce aux taxes imposées aux paysans.

« Étiez-vous au courant du thème de la soirée ? demanda le chevalier, interrompant ses pensées.

— Oui, oui, répondit Cendrillon, un peu étourdie par sa dernière réflexion. « Le prince doit choisir une épouse, n’est-ce pas ?

— Savez-vous comment il va procéder ?

— Aucune idée ! Je ne connais pas ses goûts, déclara-t-elle en même temps qu’elle nettoyait avec sa salive une tache sur le bout de sa manche qu’elle venait de découvrir. »

Le chevalier s’arrêta sur l’une des marches menant à la salle de réception. Il se racla la gorge avant de poursuivre : « Quarante jeunes hommes, y compris moi, sont habillés de la même façon. Nous nous faisons passer pour le prince. Le quarante et unième est le véritable héritier du roi. Cette mise en scène lui permettra de se faufiler parmi les jeunes filles à la recherche de sa dulcinée.

— Étrange façon de procéder ! commenta Cendrillon en continuant de nettoyer sa manche. Que fait-il de toutes ces filles qui le connaissent déjà ?

— Les familles nobles ne sont pas invitées. Ce sont les seules à connaître son visage, ainsi que nous, les quarante imposteurs, bien entendu. »

À cette remarque, Cendrillon esquissa un sourire. Elle était convaincue qu’il y avait anguille sous roche.

« Si tous ces jeunes hommes se montrent aussi bavards que vous, l’identité du prince ne va pas tarder à se faire connaître. Vous, vous vous êtes dévoilé trop facilement à mon goût.

— Oui, vous avez raison, acquiesça le chevalier, un peu confus. Votre candeur me pousse à être honnête. Je voulais partir sur de bonnes bases et ne pas me faire passer pour le prince à vos yeux, car je suis le seul à ne pas me délecter de ce jeu ridicule.

— Je vous remercie pour votre franchise, répondit-elle en inclinant la tête. Puis elle reprit : Il y aura certainement des gens qui vont reconnaître quelques jeunes parmi ces quarante.

— Effectivement ! Mais cela ne sera pas si simple. Le temps que ces personnes communiquent leurs informations et déduisent qui est le prince, le fils du roi aura déjà trouvé sa promise.

— Cette situation poussera surtout les invités à se creuser la tête, à affiner leurs tactiques et à tricher ouvertement en mettant d’autres sur de fausses pistes au lieu de simplement s’amuser.

— Ces comportements obéissent aux mêmes règles qui mènent l’individu vers le pouvoir ! On sait très bien par quoi toutes ces jeunes filles sont attirées…

— Si j’étais vous, se dépêcha-t-elle d’interrompre, je ne dirais pas : toutes ces jeunes filles. Il doit y en avoir parmi elles qui sont là uniquement pour la nourriture et pour s’amuser en regardant les autres se disputer le prince…

— Comme vous, par exemple.

— Peut-être bien ! répondit-elle en insistant, une dernière fois, sur la tâche. Il aurait été préférable de faire un bal masqué, ajouta-t-elle, satisfaite de sa trouvaille.

— Cela aurait été une bien meilleure idée, acquiesça-t-il avec empressement, désireux de lui faire plaisir.

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