Chapitre 1

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Les matins étaient toujours les pires. Archie se réveillait dans une chambre faiblement éclairée par la lumière qui fuyait à travers les rideaux usés. Le froid du matin s’insinuait sous les couvertures, mais c’était un froid qu’il ressentait bien au-delà de sa peau, comme si ses os eux-mêmes étaient gelés. La pièce semblait trop grande pour lui, un espace vide qui lui rappelait son propre vide intérieur. Le tic-tac d'une vieille horloge, suspendue au mur en face de lui, battait comme une ombre silencieuse dans le coin de la pièce. Il savait qu’il n’était qu’une silhouette parmi d’autres, perdu dans ce monde où il n’existait que pour être ignoré ou rejeté.

Il se leva, les jambes lourdes, comme si chaque mouvement était une lutte. Les murs de sa chambre, qui autrefois étaient un havre de sécurité, semblaient aujourd’hui l'enfermer davantage. À peine éclairé par le jour naissant, il passa devant le miroir du couloir, ses yeux tombant sur son propre reflet. Il avait l’impression de voir un inconnu. Un adolescent dont le visage était marqué par la fatigue, les cernes sous les yeux comme des cicatrices invisibles. La peau, pâle et terne, semblait presque transparente. Ses lèvres étaient sèches, son regard sans vie, figé dans un vide qu’il n’arrivait plus à combler.

Il se détestait. Et pourtant, il s’observait, comme un observateur détaché de son propre corps. « Comment ai-je pu en arriver là ? » pensa-t-il. Le reflet qui lui renvoyait son image était celui d’un garçon qu’il ne reconnaissait plus. Un fantôme qui traînait dans des corridors bruyants, un spectre parmi les vivants.

Il entra dans la salle de bain, un espace exigu, mal éclairé, où les traces de moisissures recouvraient les coins de la fenêtre. Il se lava le visage, espérant que l’eau froide effacerait, ne serait-ce qu’un instant, la douleur qui lui déchirait le cœur. Mais rien ne partait. La douleur persistait, logée quelque part sous sa peau, comme une tache indélébile.

Lorsque l’eau coula, il aperçut ses mains tremblantes dans le lavabo. "Ce n’est que ça, de toute façon... juste des gestes mécaniques, sans but." Ses pensées se brisaient les unes contre les autres, comme des éclats de verre. Il s’habilla ensuite, en enfilant son uniforme scolaire trop large. Une chemise froissée, une cravate mal nouée, et son pantalon dont l’ourlet était trop long. Il s'en foutait. Ça ne changeait rien.

Le lycée… Archie n’avait jamais aimé cet endroit. Chaque jour était une bataille silencieuse qu'il perdait avant même d’avoir eu le courage de se lever. Il entra dans la cuisine où ses parents étaient déjà partis, comme chaque matin. L'odeur du café froid flottait encore dans l’air. Un silence lourd, presque palpable, se posait sur les lieux. Son père ne lui adressait jamais la parole, à moins qu’il ne soit question de reproches. Sa mère… elle était là sans l’être vraiment, trop occupée à vivre sa propre vie pour prêter attention à son fils. Archie avait grandi en étant une ombre dans cette maison. Une ombre dont personne ne se préoccupait.

Quand il arriva au lycée, l’air frais de l’extérieur n’avait pas de quoi apaiser l’angoisse qui lui nouait l’estomac. Le bâtiment était vieux, avec ses murs gris qui se détachaient dans un ciel pâle. L'asphalte de la cour était fissuré, parsemé de papiers jetés et de chewing-gums écrasés. Le bruit des conversations des élèves était comme une mer lointaine, où il était perdu, noyé sous les vagues.

Archie se faufila entre les groupes d’élèves, essayant de passer inaperçu. Mais il savait que c’était inutile. Les regards, parfois furtifs, parfois en pleine face, se posaient sur lui comme des épines, lui griffant la peau.

"Eh, regarde qui voilà... le fantôme." La voix de Lucas, le capitaine de l’équipe de football, résonna soudainement derrière lui, nette comme un coup de poignard. Les autres rires suivirent, remplissant l’air de moqueries.

"T'as vu sa tête ? Il a l'air d'un zombie." Théo, un autre garçon du groupe, ricana. Les deux garçons s’étaient toujours trouvés amusants en ridiculisant les plus faibles. Et Archie, pauvre cible, était une victime parfaite.

Archie serra les poings dans ses poches, mais il n’osait pas répondre. Répondre aurait signifié amplifier la souffrance. Il baissa les yeux, cherchant désespérément à disparaître. Ses mains tremblaient, mais il les serra fermement pour les calmer. Il ne voulait pas montrer sa faiblesse. Il n'en pouvait plus de cette vie, mais il n’avait pas le choix.

"Tu viens, Archie, ou tu veux qu’on vienne te chercher ?" Lucas s’approcha de lui, le regard pétillant de malice, un sourire carnassier sur les lèvres. Il voulait le pousser à réagir. Chaque provocation était une invitation à la chute. Mais Archie resta muet, figé sur place. Les autres se mirent à le contourner, leurs rires se transformant en murmures sadiques.

Au fond, Archie savait. Il savait qu’il était invisible pour eux, sauf lorsqu’il était la cible de leurs cruautés. Il n’avait jamais existé en dehors de ce rôle : celui du souffre-douleur, du faible qu’on piétine.

Il franchit les portes du lycée et se dirigea lentement vers sa première heure de cours, comme un automate. Chaque pas lui semblait lourd, chaque minute une éternité. Et pourtant, il ne savait même pas pourquoi il continuait. Pourquoi ne pas juste s’arrêter ? Pourquoi ne pas tout laisser tomber ?

Parce qu’il n’y avait rien d’autre. Rien de plus.

Les salles de classe étaient froides, l’air sec, mais Archie se sentait pris au piège. Le bruit des chaises qui raclaient le sol, le murmure des voix, la cloche qui annonçait la fin de chaque heure, tout était un brouillard lointain. Comme une mélodie qu’il n’entendait plus vraiment.

Au fond de lui, une petite voix, presque imperceptible, lui soufflait qu’un jour il pourrait tout arrêter. Que tout finirait par cesser, qu’il trouverait un moyen de s’échapper.

Mais pour l’instant, il se contentait de respirer, de vivre dans l’ombre de son propre rêve, en attendant que la journée se termine.

Voici six paragraphes qui approfondissent la détresse d'Archie, en montrant son combat intérieur, la solitude qui l’étouffe, et la manière dont il perçoit son monde comme étant une prison sans issue.

Il descendit lentement les escaliers, chaque marche semblant plus lourde que la précédente. À chaque pas, il sentait le poids du monde s'alourdir sur ses épaules, comme une chape de béton qui l’écrasait. Il n’y avait personne pour lui dire « bonjour », personne pour lui sourire. La maison était un endroit vide, régi par un silence lourd, comme une attente d’un événement qu’on sait inévitable mais qu’on refuse de voir. Ses parents, absents même lorsqu’ils étaient présents, ne remarquaient jamais son état. Ils étaient comme des ombres qui se mouvaient autour de lui sans jamais le toucher, sans jamais vraiment le voir. Archie avait cessé d’espérer des mots réconfortants ou des gestes tendres. Il avait appris à se taire, à faire semblant, à être invisible.

Dans la rue, la lumière du matin se déversait à travers les arbres, jetant des ombres longues sur le trottoir. Mais même la beauté du monde extérieur n’avait plus d’importance. Archie ne voyait plus les oiseaux qui volaient au-dessus de sa tête ou les petites fleurs qui se donnaient en spectacle sur le bord du chemin. Il ne voyait que des murs. Il ne voyait que des regards froids, des rires moqueurs, des mains qui se levaient pour le frapper, des voix qui murmuraient son nom comme un cri de guerre. Dans chaque pas, il ressentait la distance qui se creusait entre lui et le monde, une distance qu’il ne savait comment combler.

Au lycée, il se sentit à nouveau pris dans un tourbillon de douleur. Les couloirs étaient pleins de rires et de chuchotements, mais aucun ne s’adressait à lui. Ses pieds glissaient sur le sol, se repliant sous le poids de sa propre présence, comme si même le sol ne voulait pas le soutenir. Chaque visage qui se tournait vers lui semblait porter un jugement silencieux, un verdict sans appel. Il aurait voulu disparaître, fondre dans l’air comme une brume, ne plus être là, ne plus souffrir. Mais il restait là, immobile, comme un arbre sans racines, sans ancrage. Il était là, mais tout le monde le passait sans un regard.

Il s’assit dans le fond de la classe, là où il espérait être le moins visible. Mais même dans cet espace clos, son corps semblait crier de désespoir. La chaleur de la pièce l’étouffait, et chaque souffle qu’il prenait devenait plus lourd que le précédent. Il entendait les voix autour de lui, mais elles se perdaient dans une mer de bruit, comme une vague déferlante qu’il ne pouvait éviter. Les rires des autres résonnaient dans sa tête, un écho qui ne cessait de tourner en boucle. "T’es qu’un looser, Archie." Ce mot, "looser", était toujours là, suspendu au-dessus de lui, comme une étiquette qu’on lui avait collée à la naissance, une étiquette qui ne le quitterait jamais.

La journée s’étira comme une éternité. Chaque heure semblait durer des années, chaque minute un fardeau. Il aurait voulu crier, demander de l’aide, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. La solitude était devenue sa compagne de tous les instants, une solitude que même les autres ne voyaient pas. Il était seul, même au milieu de la foule. Il se sentait transparent, un simple passage dans un monde qui n’avait aucune place pour lui. Chaque sourire échangé, chaque éclat de rire résonnait comme une insulte. "Pourquoi je suis là ? Pourquoi je dois supporter tout ça ?" Ses pensées s’embrouillaient dans son esprit, comme un fouillis qu’il ne pouvait démêler.

Lorsqu’il croisa Kenny dans les couloirs, une bouffée de terreur monta en lui. Kenny était là, comme toujours, entouré de ses amis, une silhouette imposante parmi la foule. Les yeux d’Archie se baissèrent instantanément, mais l’impression de déjà-vu, ce sentiment d’impuissance, s’empara de lui. Il savait ce qui allait arriver. Il savait que chaque regard de Kenny serait rempli de mépris, chaque geste un coup de plus. "C’est lui… c’est toujours lui." Il n’avait jamais eu de répit. Toujours là pour lui rappeler sa place. "Tu n'es rien, Archie." Les mots de Kenny, ceux qui frappaient toujours là où ça faisait mal, se répétaient dans son esprit. Il était le punching-ball de ce monde, un endroit où il n'avait pas sa place. Et tout ça… ça le détruisait.

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