Chapitre 2
Le gong de la fin de l’heure fit écho dans toute la salle, et Kenny se leva immédiatement, balançant son sac au-dessus de son épaule. Il s’étira d’un air nonchalant, les yeux se posant sur Archie, toujours là, dans son coin. Ce gars, avec sa tête basse et son corps replié sur lui-même, semblait presque invisible. Mais Kenny savait que, d’une manière ou d’une autre, il allait s'amuser un peu.
Il lança un dernier coup d’œil à ses amis qui se levaient, riant et chuchotant sur leur passage. Il savait qu'ils allaient le suivre dans ce petit jeu de domination, comme toujours. Et aujourd'hui, son objectif était tout de même tout tracé : faire chuter encore un peu plus ce type qui n'en demandait pas moins. Un garçon tout seul, une proie facile, un paria qu’il pouvait humilier autant qu'il le souhaitait.
Il attendit quelques secondes, observant Archie se lever lentement, ses gestes maladroits, presque timides. Ce garçon n'avait rien pour lui. Rien qui puisse attirer l'attention de quelqu'un d'autre, sauf pour les raisons qu’il voulait bien lui attribuer. Et Kenny aimait ça. Il aimait être celui qui contrôlait tout, celui qui pouvait faire trembler n’importe qui juste avec quelques mots, quelques gestes, quelques rires.
"T’es vraiment un déchet."
Les mots sortirent de sa bouche avant même qu’il n'ait réfléchi. Il les prononça d’un ton presque chantant, comme s’il ne faisait que rappeler à Archie sa place. Il n’y avait pas de rancune ou de haine dans ces mots. C’était juste de l’amusement, pur et simple. Si Archie souffrait, tant mieux. C’était la règle du jeu. Pas de pitié, juste de l’humiliation gratuite, et tout le monde savait comment ça fonctionnait ici.
Il se mit à marcher derrière lui, traînant légèrement les pieds.
"T’es encore là, pauvre type ?" Kenny fit mine de s'étonner, ricanant tout seul. Il pouvait voir Archie se raidir sous ses paroles, ses mains se crisper autour de ses livres. C’était trop facile. Il le connaissait par cœur, ce garçon. Il ne se défendait jamais, il se contentait de souffrir en silence. C’était comme une routine, un spectacle que Kenny regardait à chaque coin de rue, chaque pause déjeuner. Archie n’était qu’une ombre qui passait dans le décor, et c'était la place qu'il méritait.
Quand il croisa les yeux d'Archie, il se permit un dernier petit sourire narquois.
"Tu crois qu’on va te laisser tranquille comme ça ? Non, mec, t'es à nous." Il le fixa un instant de plus, sans même un signe d'hésitation. L'attention des autres élèves ne tarda pas à se tourner vers eux. Les regards curieux, les rires étouffés. Kenny savait qu’il avait capté l'attention. C’était ce qu’il voulait. Faire savoir à tout le monde qu’Archie était un sous-homme. Un mec qu’on peut écraser sans souci. Parce qu’il n’était rien de plus qu’un faible.
"Tu ferais bien de rester dans ton coin et de ne pas faire de vagues, Archie," lança-t-il d’un ton plus sec. Cette fois, les paroles étaient plus lourdes, presque menaçantes, mais toujours aussi indifférentes. Il se détourna rapidement, ne s’attardant même pas pour voir la réaction de sa victime. Il s'en fichait bien. Il savait ce qui se passait dans la tête d’Archie : rien. Juste de la souffrance silencieuse, comme d’habitude.
Les autres étudiants commencèrent à disperser, riant sous cape, pendant que Kenny s’éloignait, avec son air de supériorité intact. Il n’avait pas besoin de plus. Archie, après tout, n'était qu'un décor sur lequel il pouvait projeter sa propre frustration. Un bouc émissaire, une silhouette fragile qu'il n’aurait jamais à craindre. Parce qu’à ce stade, Kenny savait une chose avec certitude : les faibles sont faits pour être écrasés.
Kenny se retourna, échangeant un regard complice avec ses amis. Un ricanement léger, presque satisfait, sortit de sa bouche. L’ambiance autour de lui était lourde de cette complicité muette, comme une danse qu’ils avaient appris à maîtriser depuis longtemps. Ses amis, tout aussi indifférents, se mirent à ricaner avec lui, leur voix pleine de moquerie.
"Regardez-le, il se fait toujours aussi petit," dit l’un de ses amis, Matt, en désignant Archie du doigt alors qu'il se dirigeait vers la sortie, les épaules repliées, presque comme s’il cherchait à se faire invisible.
"Ouais, un vrai fantôme," répondit Kenny avec un sourire carnassier. "Tu crois qu'il va encore se faire sauver par son petit air mélancolique ?" Il éclata de rire, imitant la démarche d’Archie d’un air théâtral, s’attirant un nouveau lot de rires de la part de ses camarades.
Ils s’étaient maintenant tous retournés vers Archie, qui avançait lentement, l'air perdu parmi la foule des autres élèves qui se précipitaient hors de l’école. Kenny savait exactement ce qu’il faisait. Il n’allait pas le laisser partir si facilement, pas sans un dernier petit « cadeau ». Il fit un signe de tête à ses amis, un petit geste furtif mais clair. C'était le signal.
Un à un, les boules de papier commencèrent à voler. D’abord une, puis une autre, et encore une autre. Elles fusèrent en direction d'Archie, qui ne les remarqua même pas au début. Il continuait son chemin, comme si le monde ne lui appartenait plus, comme s’il avait cessé de voir les autres. Mais bientôt, une boule de papier frappa son épaule, suivie par une autre qui se posa sur ses cheveux, et une autre qui se roula sur son dos. Il s’arrêta un instant, les mains tremblantes, les yeux fixés sur le sol.
"Oups, désolé, mec, t’as pas vu ?" lança Matt avec une feinte innocence, un sourire moqueur sur les lèvres. Kenny éclata de rire. Ses amis se joignirent à lui, et leur rire se propagea comme une vague de mépris.
Archie n’osa pas se retourner. Il sentait les yeux de toute la cour braqués sur lui, entendait les éclats de rire se transformer en un écho dans sa tête. Il fit un pas en avant, mais une autre boule de papier le frappa en plein visage, le laissant figé sur place. Ses mains se crispaient autour de son sac, mais il n’osa pas crier, ne voulant pas leur donner la satisfaction de le voir réagir.
"T’as vu ça, les gars ? Il est comme une mouche sur une toile d’araignée," dit Kenny, le ton toujours aussi léger, comme s’il venait de faire la blague du siècle. Il ne voyait même pas pourquoi il s’en amusait autant. C’était juste… facile. Archie était facile à battre, facile à humilier. Et il était tellement content d’avoir ses amis pour applaudir sa « performance ».
Les boules de papier ne cessaient de pleuvoir sur Archie, frappant son dos, son visage, son sac. Il avançait, tentant d’ignorer les regards, les rires, mais son corps tremblait, trahissant la douleur qu’il ressentait au plus profond de lui. Il avait l’impression que chaque boule de papier qui le frappait était une claque dans son âme, une blessure supplémentaire qui s’ajoutait à la longue liste des humiliations qu’il avait subies au fil des années.
Kenny continua de rire avec ses amis, savourant chaque instant, chaque éclat de rire qui s'échappait de ses lèvres. Il n’en avait rien à faire d’Archie. Ce n’était qu’un jeu pour lui, une distraction. Un garçon qu’il pouvait écraser sous le poids de son regard, de ses mots, de ses actions. Mais il ne s'en rendait même pas compte, il ne savait pas encore qu'à cet instant précis, il n’était qu’à quelques pas d’un tournant. Un moment où les choses prendraient un tournant inattendu. Mais pour l'instant, il n'avait d'yeux que pour le spectacle qu'il offrait à ses amis.
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