From : André | To : Francine | Paris | Le 10 – 12 – 62
Francine,
J'ai lu avec sympathie toutes tes lettres et je te remercie de ne pas avoir laissé la St André.
Je comprends parfaitement tes inquiétudes et ta passion. En dépit de l'incessant vocabulaire théologique, si souvent spécieux. En dépit de l'exaspération passionnelle, douloureuse, presque idolâtre de l'AMOUR, devenu OBJET-FIN, au lieu de rester un principe de RÉALITÉ, moyen d'appréhender, de connaître, d'admettre ce qui est autre que lui ; centre d'équilibre.
Quitte à te décevoir, j'aime la force (pas la violence), l'activité (pas l'agitation), l'amitié, le travail, toutes les saveurs de la TERRE – la vie incarnée. Et, pour moi, c'est vraiment honorer ce que tu appelles Dieu que d'aimer sa Création.
Je suis convaincu que tu as la force de te prendre en charge – d'accepter le « cahier des charges » de l'existence -, d’échapper à cette complaisance à l'irresponsabilité pour laquelle « Dieu » te sert d'alibi et de confort déchiré.
Francine, essaies de faire l'expérience de jeter par-dessus bord, pour un temps, tous ces ouvrages qui t'emprisonnent dans un labyrinthe de miroirs irréels et passionnels, d'un univers aberrant qui n'a d'autre substance que l'AMOUR. L'AMOUR n'est pas la RÉALITÉ. C'est simplement une voie – et a meilleure sans doute – pour la connaître.
Excuses-moi, Francine, de t'écrire si brièvement. J’espère – en ta présence – avoir une conversation plus efficace avec toi. A bientôt.
André
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