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La marmite cessa bien vite de bouillonner, les sifflements faisant place à une digestion silencieuse. Munie d'une louche, la sorcière lui touilla le contenu de l'estomac, avant d'en emplir quelques bocaux qu'elle cala dans un panier. Elle se coiffa d'un fichu, dont ne dépassait que son nez tordu, son menton fourchu et quelques cheveux crépus, et sortit de la chaumière en ricanant.

Maintenant !

Enfin seul, Gédéon mit son plan à exécution. Il sortit de sa poche une minuscule cordelette, confectionnée patiemment avec des fils ôtés de sa chemise. Il y attacha un petit clou rouillé, arraché à une lame pourrie du plancher. Avec le style et la grâce du pêcheur expérimenté, il passa un bras hors de la cage, et projeta sa cordelette vers la table. Une fois, deux fois, le clou revint bredouille. La troisième fois aurait été la bonne, si le chat ne s'en était pas mêlé. Une proie qui se tortillait ainsi devant lui, c'était trop tentant, il se jeta donc sur le crochet de fortune, et le poussa de la patte, le faisant retomber de la table.

— Attends ton tour, matou de malheur ! rouspéta Gédéon, qui donna quelques coup de clou au chat pour calmer ses ardeurs. Ce n'est que lorsque ce dernier le reçut dans l'œil qu'il abandonna en feulant et alla se réfugier sur la paillasse de la sorcière.

Enfin tranquille, le prisonnier ne mit pas longtemps à atteindre sa cible : quelques miettes de pain qui patientaient gentiment sur un linge crasseux. Il fallut encore quelques coup de cordelette pour les amener jusqu'au sol et les attirer jusqu'à sa cage où il les rassembla en une boulette jaunâtre qu'il planta au bout du clou.

Le plus difficile était fait. En effet, il jeta son hameçon, à présent muni d'un appât, devant un minuscule trou d'où sortirent bientôt un museau pointu suivi de soyeuses moustaches. La souris suivit la boulette, qui reculait lentement en direction de la cage, jusqu'à ce qu'une main s'abatte sur elle et stoppe définitivement cette courte poursuite.
La cordelette monta en grade, lestée de la souris, dont le clou jaillissait du crâne telle une corne, lui valant le cocasse surnom de souricorne dont Gédéon tira une fugace mais grande fierté.

Il balança le tout en direction du chat, qui ne bouda pas longtemps et se rua sur la souris, ne comprenant que trop tard qu'il se trouvait à portée de Gédéon. L'homme lui tordit le cou non sans un certain plaisir, et estimant que sa cordelette ne serait pas assez solide, il enleva son pantalon, en noua une jambe autour du cou du félin, empoigna fermement l'autre... et jeta le chat dans la marmite. Ce nouvel ingrédient la laissa de marbre. Incapable de l'assimiler à la potion déjà parfaite, elle le recracha sans plus de manière, avec force glouglous mécontents.

C'était exactement ce qu'espérait l'ingénieux Gédéon, qui tira de nouveau le chat jusqu'à lui.
Il ne prit pas le temps de se demander ce qui lui répugnait le plus : lécher le chat souvent caressé par la sorcière ou avaler sa propre semence. Il s'empressa d'ingurgiter jusqu'à la dernière goutte de potion recouvrant le feu matou...

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