Chapitre 1 (1/4)
Lové au fond d’une couverture blanche, l’enfant s’agitait sous les cris qui parcouraient la chambre. Sa mère, en proie aux douleurs d’un accouchement difficile tenait le lit aux côtés de ses gens et du guérisseur dont les traits tirés n’annonçait rien de bon. Un chaos chuchotant régnait dans la chambre à coucher de la duchesse, les femmes de chambre s’activaient sans savoir quoi faire. L’une tenait des oreillers, l’autre un édredon, et d’autres encore emmenaient toutes les herbes du château sans convenir de leur utilité. Ces murmures étaient entrecoupés des cris de douleur de la mère. Le guérisseur, agenouillé auprès du lit secoua la tête.
— Il n’y a rien que je puisse faire de plus ici. Ma Dame, je puis calmer les douleurs grâce aux fumées d’astricide, mais il n’en résultera rien de bon pour vous.
Le silence emplit la pièce pour de bon, seuls les volets battaient sous les assauts du vent. Le parquet grinçait parfois, sous le pied maladroit des occupants. Une brise s’infiltra dans la chambre, les rideaux de soie fine louvoyèrent révélant une femme épuisée, aux cernes noires et violacées. Le claquement régulier d’une troupe de cavaliers au galop se fit entendre. Le Duc et ses gens passaient l’enceinte du château, celui-ci abandonna sa monture aux mains du palefrenier en sautant à terre. Le cheval avait été poussé à bout, la bête écumait et haletait en dégageant une abondante fumée blanche. Le Duc courut autant qu’il put le faire, affublé de son armure boueuse. Son trajet se ponctua des sons que firent son heaume, ses jambières et son haubert en heurtant le sol. Sa voix de stentor résonna dans les couloirs de la bâtisse.
— Qu’on me laisse passer, ôtez-vous de mon chemin, vociféra-t-il, sans que personne n’ait l’idée de se mettre en travers de sa route.
Le guérisseur le vit arriver d’un œil inquiet.
— Monseigneur, l’enfant va bien. Par pitié, elle a simplement besoin de repos.
Sa femme poussa un nouveau cri de douleur qu’elle étouffa par fierté en voyant son époux dans la pièce.
— Pourquoi ne la soulagez-vous pas ? Quel genre de guérisseur êtes-vous pour regarder une femme souffrir ainsi ? S’emporta-t-il à nouveau.
Bien malgré lui, l’herboriste baissa la tête face à l’autorité du Duc.
— Monseigneur, je ne puis faire davantage sans risquer sa fertilité, susurra-t-il la voix chevrotante.
— Que les Aliénés m’emportent si je dois la regarder être torturée ainsi pour espérer mettre au monde un môme de plus ! Soulagez là triple idiot avant que je ne me charge moi-même de vous étriper ! Pensez-vous que je sois sot au point de ne pas connaître l’astricide, s’époumonna-t-il en attrapant le guérisseur par le col.
Le visage du rebouteux se décomposa, la terreur se lisait dans ses yeux grands ouverts. Dès que ses pieds touchèrent le sol, il se pressa à la tâche, pilant des herbes séchées avant de les entasser dans un fumoir. Il déposa le récipient dans la cheminée ou des braises rougeoyaient doucement. Il ne se risqua pas à faire une réflexion supplémentaire au duc qui fulminait toujours, s’il souhaitait avaler les fumées avec sa femme, qu’il reste dans cette maudite pièce. La dame qui tenait le nouveau-né eût le bon sens de sortir de la pièce en première, tandis que d’autres tardaient davantage.
— Eh bien ! Ne restez pas-là enfin, à moins que vous ne souhaitiez tomber raide de sommeil d’ici quelques minutes, dit le Duc Bienportant visiblement calmé.
L’assemblée se retira silencieusement, laissant les seigneurs dans leur chambre à coucher. L’homme de santé du Duc, quoique terrifié, prenait son travail au sérieux, aussi profita-t-il de cette accalmie pour prendre l’enfant. Il était en bonne santé, et les pleurs l’agitèrent alors qu’il changeait de bras.
L’état de la duchesse s’améliorait, les douleurs se faisaient moins fortes au point qu’elle puisse se tenir debout. La difficulté fut mise sur le compte de la vigueur de l’enfant, et on écarta d’éventuel problème de santé, qui aurait posé encore davantage de problème politique.
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