— Vaati, contrôle-toi ! cria Exelo en saisissant au vol un carnet mité.

— Je peux pas !

— Si, tu peux !

Il posa une petite pierre sur l’une de ses piles de papiers.

— Assieds-toi et calme-toi, avant de détruire la maison !

Un tableau s’arracha du mur et heurta la tête du vieux Minish, qui laissa échapper un grognement.

Vaati s’assit de mauvaise grâce, tapota nerveusement ses griffes sur la table, mais l’ouragan continua de ravager le petit salon.

— Vaati, calme-toi ! répéta Exelo, d’un ton plus dur.

— Je n’y arrive pas !

— Alors sors !

Vaati sortit en traînant les pattes, la mort dans l’âme.

— Vaati ! appela Exelo.

Mais le jeune Minish continua sa route.

Le vieux sage pressa le pas jusqu’à arriver à sa hauteur.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-il.

— Toujours la même chose ! Maman est morte, je ne contrôle pas ma magie, je me fais pourrir la vie à peine je sors de la maison !

— Pour Keyoko, je ne peux plus rien faire, mais je vais te trouver un mentor de magie. Quand à ces petites pestes… Tu n’as pas essayé de te défendre ?

— Si.

— Et ?

— Et ça m’aide pas.

Exelo renifla d’un air perplexe, se gratta la barbe, puis posa sa main sur l’épaule de Vaati.

— Je ne sais pas quoi faire, mais on trouvera une solution. Pour l’heure, occupons-nous de ce problème de magie. Je vais faire une demande.

Une heure plus tard, tous les professeurs de magie du village avaient rejoint Exelo sur la place publique. La plupart avaient déjà un ou plusieurs apprentis, mais qui sait ?

— Bien, je recherche donc un mentor pour ce jeune apprenti.

— Il est tout minus ! dit une Minish rondouillarde qui se tenait à quelques pas du sage. Il a quel âge ?

— Huit ans.

— C’est trop jeune, on prend les apprentis qu’à partir de dix ou vingt ans ! Avant ça, ils sont trop p’tits, trop fragiles, pas assez puissants ! Pis y z’ont pas assez d’expérience !

— Peut-être, mais ce « p’tit » a bien plus de puissance magique que la plupart des gamins, et surtout un sacré besoin de canaliser ses pouvoirs.

Vaati rougit un peu, flatté.

— Il a mis à sac toute ma maison faute de pouvoir contrôler son surplus d’énergie !

Vaati soupira et baissa la tête.

— Eh bien, personne n’en veut comme élève ?

— Non, personne ! aboya quelqu’un dans la foule. C’est un fils de démon, une créature maléfique !

C’était le mentor des deux pestes, celles-là même qui ne lâchaient plus Vaati depuis des années.

— Vaati n’est pas un démon !

Mais il était trop tard, la graine de la discorde avait poussé dans la discussion, bondissant de Minish en Minish comme une maladie contagieuse.

— Et qu’est-ce que vous en savez ?

— C’est vrai, personne dans la lignée Picoru n’a jamais eu les yeux rouges !

— Qui sait s’il ne va pas me dévorer pendant la nuit…

Exelo tenta de se défendre, mais rien n’y fit. Une fois vidés de leur fiel, les quelques professeurs qui n’étaient pas déjà partis quittèrent la place à leur tour.

Vaati se laissa tomber sur le sol, frappa la terre poussiéreuse d’un poing rageur, puis se roula en boule.

— Je suis désolé, Vaati, marmonna Exelo. Je ne pensais pas que les adultes aussi croiraient à ces histoires de démons.

— Je… comment je vais faire ?! hoqueta Vaati, les joues mouillées.

En voyant la poussière se soulever autour du petit Minish, le sage s’empressa de réagir.

— Eh bien qu’importe, je m’en occupe. Vaati, je te prends comme apprenti.

— Quoi ?!

Vaati n’avait jamais été aussi heureux.