Dix heures : Emma, La Table de Bruno.

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Dix heures.

Je me tiens derrière la porte de La table de Bruno.

Une voix intérieure me dit « Emma, pauvre cruche, tu sais bien qu’elle n’est jamais à l’heure ! »

Oui je sais, je suis nulle, trop petite, trop grosse, trop frisée, mais je suis tellement impatiente de te retrouver Julie !

J’ai mal au ventre, ce n’est pas le bon jour et j’ai dû me changer trois fois. Mais la patronne préfère me virer plutôt que de me donner un jour de congé.

Je bondis de joie : Julie est là ! Je la prends dans mes bras, je la couvre de baisers et je balbutie :

« Tu, tu n’es pas en retard ?

— Surprise, pour fêter mon retour ! Et puis j’étais impatiente de te retrouver.

— Et moi donc, dis-je dans un soupir ! Toutes les filles qui t’ont remplacée étaient de vraies garces, toujours en train de se moquer de mon accent !

— J’adore ta robe rôôse, répond la belle blonde taquine.

— Vite, on doit se changer. »

Dans le vestiaire, je la regarde à la dérobée. Comme elle est belle ! Blonde platine, le cheveu lisse, de superbes yeux bleus, grande, sportive, des fesses bien rondes. J’admire ses beaux seins, fermes et j’ai honte de ma poitrine d’adolescente.

Elle me sourit et me raconte son cauchemar :

« Cette fois le tableau voulait me dévorer toute crue !

— Et ta mère a interprété ton rêve ?

— Oui, répond Julie, elle m’a dit que cela représentait mon angoisse face à la reprise du boulot.

C’était le sens du cannibalisme de l’Allégorie, c’était moi qui était dévorée et pas le repas.

— Et c’est tout ? (oui je sais, je suis curieuse, encore un de mes défauts !)

— Non elle a ajouté que c’était sans doute l’expression d’un désir homosexuel refoulé à ton égard »

Je rougis jusqu’aux oreilles. Je mentirais, en disant que ce désir n’existe pas en moi, mais jamais je n’oserais lui dire en face.

Pour Julie, c’est différent, elle ne comprend pas comment je peux changer de garçon, comme de petite culotte.

Dix heures quinze, la patronne nous fait le briefing : menu du jour, dix tables, trente couverts chacune. Elle explique à Julie le fonctionnement de la tablette tactile qui a remplacé le vieux carnet.

Maintenant, en cuisine, les commandes s’affichent sur un écran géant.

La patronne demande :

« Des questions, les filles ?

— Non Madame GRR, répond Julie.

— Elle veut dire Madame Guerr : j’ai immédiatement désamorcé le conflit.

— Julie, j’ai remarqué que tu étais à l’heure, c’est bien, conclut la patronne »

Dix heures trente.

Trente minutes pour préparer le service de midi. Habituellement, c’est l’horreur, la cheffe prend les serveuses qui coûtent le moins cher, ce qui ne va guère avec la compétence !

Julie est sérieuse, parfaite, efficace : pour la première fois depuis des mois, on va manger à l’heure.

J’ai même le temps de me changer.

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