Chapitre 7 - Le retour de l'assassin
Zayn s'effondra, terrassé par une mort aussi lente que soudaine. Derrière lui se dressait Bël’vytä, belle et fière, sans la moindre égratignure.
« Bël’vytä ! Mais par quel miracle…
— N'oubliez pas que je suis la reine de la Guilde des Assassins. Bon ! Qu'est-ce qu'on attend pour se tirer d'ici ?
— Je vais d'abord rendre un dernier hommage à Zayn, dit Syphilis. Il avait beau être cruel, fourbe, hideux, pervers, obscène et lâche, il n'en était pas moins un adversaire loyal. »
Il s'approcha du cadavre et lui ferma les yeux. Puis ils creusèrent un grand trou dans le plancher de la chambre et l’enterrèrent là, puis ils partirent dans la nuit sans se retourner.
« Allons, à présent ! s’écria Belkaroth. Nanarnya, ses maîtresses, ses ribaudes et ses épouses nous attendent ! Buvons et festoyons à même sur nos chevaux et que la bière coule à flots ! »
Ils venaient en effet de trouver des chevaux sauvages par miracle à 3000 mètres d'altitude, que Chlamydia avait charmés et dressés par son doux chant elfique.
« Pas si vite, ô beau brun ténébreux, dit l'assassine en déployant une carte de ses poignets félins. Nous allons en effet faire un détour par la Montagne de l'Oracle !
— La Montagne de l’Oracle ? Mais c'est à l'autre bout de la chaîne de montagnes, à des journées entières de la Capitale ! Nous n'aurons ni assez de vivres, ni assez d'armes dans ces régions reculées, et...
— Es-tu un lâche ou un brave, ô barbare du Nord ? Nous nous rendrons sur cette montagne quel qu'en soit le prix, et ne viens pas me parler de quoi que ce soit qui vienne démentir ton courage ! »
Et sur ces sages paroles, les quatre amis partirent droit vers le danger.
Las ! À rude épreuve alors leur courage devait être mis, car ils durent traverser les périls les plus risqués. Chlamydia, Syphilis et Bël’vytä durent se battre pour survivre à l'étang acide et ses démons abyssaux, aux cavernes de l’Effroi Absolu et leurs gouffres sans fond, et au Temple du Dévoreur d’Âmes Omnipotent et ses servantes sapphiques.
Après avoir résolu tous ces problèmes insolvables, ils arrivèrent enfin en vue de la Montagne de l’Oracle. Elle était noire et menaçante, couverte d'une obsidienne lisse et sans prises, se dressant quasiment comme un mur vertical seulement jonché de précipices immenses. Ils eurent toutes les peines du monde à grimper jusqu'en haut, mais y parvinrent quand même, grâce à la force et l'intelligence des deux elfes. Puis ils s'apprêtèrent à redescendre, quand soudain une exclamation retentit :
« ÔôôôÔÔôôhhhhHhh, pauvres mortels, savez-vous que vous êtes sur les terres de l’Oracle seul et unique ? »
Chlamydia et Syphilis frémirent : jamais ils n'auraient songé rencontrer l’Oracle !
Celui-ci s'avança vers eux. C'était un vieil homme dégarni, sale, hideux, dévêtu, presque chauve, pestilentiel, voûté, arqué, verruqueux, pustuleux, aux yeux globuleux et injectés de sang profondément enfoncés dans ses orbites qui luisaient d'un regard de fou.
« ÔÔÔôôôhhôôhHôÔÔ, soyez tous maudits mille fois par toutes les pourritures de l'enfer ! Moi, Oracle, je prédis que vous mourrez tous dans la minute qui vient, rongés par des vers dans d'atroces convulsions ! Vous serez torturés par mille démons infernaux, les ongles d’orteils limés en une poudre si fine qu'une respiration suffira à la disperser aux quatre vents, les pieds couverts de mille clous trempés dans l’arsenic, les chevilles broyées par dix mille moulinets de fer, les jambes rôties dans de l'huile bouillante puis lacérées par des rats galeux, ôôôÔÔÔôôHhhhÔÔô, les gonades découpées en petits cubes jetés aux vautours, le ventre lacéré par des poignards rouillés…
— Ô Oracle, je suis Belkaroth, fils de Béhémoth…
— ÔôôhhhôôÔÔÔhhhh, l'intestin grêle couvert de sel et pourrissant au soleil en compagnie de crabes voraces, le côlon précipité au fond d’abîmes de glace stériles, le squelette dévoré par un million de chiens affamés…
— Voici Bël’vytä, de la Guilde des Assassins…
— Le cou écrasé par un hippopotame en rut, le crâne rempli d'abeilles, les oreilles envoyées dans des excréments de cheval, les yeux éclatés par des sortilèges provoquant une souffrance infinie…
— Et voici les elfes Chlamydia et Syphilis.
— Ôôô… Quoi ?! »
L'Oracle exorbita ses yeux et poussa un râle agonique.
« Les elfes de la Grande Prophétie !
— La Grande Prophétie ?
— ÔÔÔôôhhhôôôhhh mortels, ouïssez donc la Grande Prophétie, je ne la répéterai pas, je ne la répéterai pas ! Lorsque le Seigneur des Ténèbres déferlera son pouvoir - le Seigneur des Ténèbres, m'entendez-vous ? -, lorsque le Seigneur des Ténèbres déferlera son pouvoir sur le monde - le MONDE, pauvres mortels -, le frère tuera le frère, ÔôôÔHhhôôô, oui, le frère tuera le frère, l'épée qui fut forgée servira à combattre, à combattre, l'épée qui fut forgée ! Le frère tuera le frère, l'épée qui fut forgée servira à combattre, et les elfes élus vers la Ténébrie iront pour le vaincre ! Et en Ténébrie ils le vaincront, car c'est là qu’iront les elfes élus ! ÔôÔÔHÔÔôôô, oyez, oyez pauvres mortels, ceci est la Grande Prophétie, je ne l'ai point répétée et je ne la répéterai point ! En Ténébrie, vous dis-je ! ÔÔÔÔÔôôôhhh, ÔôôhôhôhôÔÔ, ôôôhh… »
Et il disparut à leurs yeux dans une brume mystérieuse.
« Quel étrange bonhomme, marmonna Belkaroth dans son épaisse barbe hirsute. J'aurais bien aimé tout réentendre depuis le début.
— Bon ! s’écria Chlamydia. À présent, en route pour Nanarnya, et que le vent fasse voltiger la crinière de nos fiers destriers !
— En parlant du loup…, répliqua Syphilis. Regardez qui voilà ! »
Chlamydia plissa les yeux pour voir qui arrivait. Un nuage de poussière à l'horizon, et pourtant deux montures parfaitement propres, rutilant d'un éclat magique et mystique…
« Nos poneys arc-en-ciel !!! »
Les poneys en effet avaient réussi en effet par les dieux savent quels moyens à s’échapper des griffes de l'épouvantable Sidhe Veyyash, et, grâce à leur intelligence extraordinaire, avaient su les retrouver sains et saufs. Des larmes perlèrent des yeux de Chlamydia quand ils piaffèrent devant son visage.
« Allons ! Partons tout de suite pour la Capitale ! rugit Belkaroth en éperonnant son étalon sauvage. Ses ribaudes doivent s’impatienter de ne point retrouver leur client le plus prolifique, au point que leurs patrons doivent être en train de les mettre à la rue ou de les battre au tisonnier ! »
Les quatre amis rirent de bon coeur et, dans le soleil couchant, galopèrent à travers la montagne pour atteindre le royaume des humains…
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