¢нαριтяє ɪ : Au commencement - partie 2
- «Je me souviens parfaitement du jour où j'ai rencontré Ophélie.
- Votre passeport angélique monsieur ?
Je venais tout juste de remporter mon concours d'archange et les Hautes instances n'avaient pas traîné pour immédiatement me donner une personne a protéger. Ce qui n'était pas pour me déplaire.J'avais besoin de m'occuper l'esprit et le travail était sans doute la seule chose qui pouvait me sortir de ma mélancolie à l'époque. Alors j'avais accepté sans aucune hésitation le dossier d'Ophélie Magnard. Une jeune femme, brune aux yeux gris, 17 ans. Un regard sérieux, ni triste ni joyeux. La photo jointe au dossier ne m'avait rien fait. Elle semblait placide, dénuée de vie. Je me souviens encore des premiers mots de présentation du dossier :
«Personnalité joyeuse, tristesse passagère, enfant du ciel :ne pourra accéder au bonheur et risque la perte de l'humanité si elle tombe amoureuse.»
Vous savez, chaque dossier est composé soigneusement. On y recoupe toutes les données d'un être. Tous les humains ont un ange gardien qui les guide, les protège, vous aussi, vous en avez sans doutes un. Mais généralement, on se contente d'observer, on intervient peu. Le sans contact, c'est un peu la politique de la maison. On se fait discret. On observe. On aide. On est fait pour ça,c'est notre raison d'exister.
Mais Ophélie... C'était un cas particulier. »
L'ange aux portes du Paradis regarde le morceau de papier que je viens de lui tendre d'un air concentré. Après quelques minutes,elle me le rend avec un grand sourire.
- Bon séjour sur Terre, monsieur Cassiel.
- La mère d'Ophélie était infertile. Infertile et croyante. Elle a tellement voulu cette enfant, ce bébé, que Dieu a fini par lui donner. Malheureusement,ces enfants miracles accordés par les Hautes Instance Celestes doivent toujours payer un prix terrible pour être né. Une dette, dont il devait s'acquitter, s'ils ne voulaient pas aller au devant de graves conséquences. Ophélie ne devait jamais tomber amoureuse. C'était sa malédiction pour avoir eu le bonheur de naître. Mais elle s'entêtait à chercher et à forcer le destin. Les Hautes Instances, étaient claires dans son dossier: si jamais elle réussissait à envers et contre tout à trouver l'amour, la conséquence serait la destruction de la race humaine. Rien que ça, vous imaginez ? Personnellement, je n'y croyais pas. Je pensais que nos prédicateurs - les êtres célestes chargés de prédire la destiné de chacun - s'étaient sans doute trompé. Je ne pouvais pas concevoir qu'une humaine possède un pouvoir aussi important. Même s'il s'agissait d'une enfant du ciel, un de ces enfants miracles donnés en cadeau par Dieu qui ont souvent des Destins si... Particuliers. Toujours était-il que l'on avait décidé que ce serait moi qui devrait veiller sur elle, afin qu'elle ne vive qu'une vie banale,confortable et heureuse. Il faut savoir qu'avoir un archange pour soit est un privilège que peu peuvent se vanter d'avoir eu. DeGaulle et Kennedy en ont eu un. L'un pour être sûr qu'il reprendrait bien la présidence française en 1959, l'autre pour être sûr qu'il montrait bien dans cette voiture, le 22 novembre 1963,pour se prendre une balle en pleine tête. C'est comme ça. Si les prédicateurs ont calculé que pour le bien du monde, cela devait se passer ainsi, alors, cela se passe ainsi. Croyez le ou non. »
- Tu pars en balade chez les humains Cassiel ?
Je me retourne, Raphaël se tient là, ses cheveux roux et son regard incandescent le rendant reconnaissable entre mille.
- On m'a "offert" un dossier particulier, dis-je,goguenard. Trois mois auprès d'une fille, une enfant du ciel qui pourrait être l'élément déclencheur de l'apocalypse si elle tombe amoureuse.
- On est tous passé par là, s'esclaffe Raphaël. Les Hautes Instances aiment bien refiler ce genre de dossier qui demande à aller sur le terrain aux nouveaux.
Raphaël se moque toujours ouvertement de moi, il est de deux milles ans mon aîné, et exerce en tant qu'archange depuis trois bon millénaire. Il est une sorte d'enfant prodigue qui malgré son immaturité chronique, possède plus de connaissance et de ressource que n'en ont la plupart des créatures célestes. Il s'éloigne en riant. Moi, je m'avance vers les portails d'embarquement menant au monde des humains, en soupirant. Je n'ai aucune envie de mener ma mission, à bien comme en mal.
- Je n'étais pas emballé à l'idée de partir de la cité céleste. Mais je n'avais pas le choix. Il paraît que ce genre de cas qui demande de descendre chez vous, les humains, sont confiés à de jeunes archanges, pour nous tester, voir de quoi on est capable. Parce que les enfants du ciel doivent toujours payer un lourd tribu, et qu'à cause de ce tribu, il est difficile de les faire accéder au bonheur.
Je me mets dans la file d'attente, patiente, jusqu'à ce que mon nom soit annoncé par l'une des hôtesse en costume pourpre qui se tient devant l'immense tourbillon bleuté menant à la dimension des humains. Les humains. Ces créatures si étranges qui sont devenus notre raison d'être. Nous, êtres surpuissants, créés pour veiller sur eux, créatures si faibles. C'est dans l'ordre des choses, un équilibre que la race humaine n'a pas compris puisque chez eux, les plus forts écrasent toujours plus les plus faibles. Je les méprise. Mais je n'ai d'autres choix que de les surveiller. Je n'imagine même pas pouvoir faire autre chose que de prendre soin de l'espèce humaine.
- Je voyais cette mission comme une corvée, n'avais qu'un seul but : achever ces deux mois de mise à l'épreuve aux côtés d'Ophélie Magnard puis ensuite me poser dans mon bureau d'archange et passer les prochains millénaires à surveiller ma part de l'espèce humaine, à prendre des notes et à dépêcher les anges sur différentes missions afin de protéger tous les noms qui seront inscrits sur ma liste de protégés. Les archanges ne se déplacent jamais en tant normal. Les anges faisaient tout le travail sous leurs ordres.
Je m'avance vers le portail bleu, mon sac de voyage sur mon épaule. Il ne contient que le nécessaire. Je suis plutôt minimaliste, je n'attache jamais d'importance à rien. Tout et rien me rend morne. Mais j'ai appris à vivre ainsi. Mes yeux sont ternes tandis que le tourbillon m'engloutit pour me déposer devant une maison. Dans mon dos, l'apparition de deux ailes m'informe que je suis bien arrivé dans la dimension des humains. Je regarde ma main : elle est devenue translucide.
- La dimension des humains n'est pas différente de la dimension céleste. En vérité, ce n'est pas étonnant : nous avons été conçu à votre image, pour mieux vous comprendre et vous protéger. A la différence près que nous possédons généralement des pouvoirs que vous qualifiez de surnaturels et que nous ne pouvons avoir de sentiments propres. Et une paire d'aile ridicule qui nous est offerte afin de pouvoir nous déplacer aisément dans votre monde. Enfin, nous avons tous une autre particularité qui est commune à tous les êtres célestes : nous sommes invisibles dans la dimension humaine.
- Pourtant je vous vois ? me questionne le barman.
- Parce qu'il existe une exception, révélé-je. Si notre protégé commence à croire à notre présence au point d'en être convaincu,alors nous obtenons le pouvoir de pouvoir nous matérialiser volonté dans le monde des humains - du moins tant que nous sommes lié à lui.
- Et Ophélie a cru à votre présence ?
- Elle a fait pire que ça. »
Je regarde la maison. Elle est plutôt jolie, avec ses murs de crépis pêche, ses poids de senteur qui couvre une partie de la façade et son toit de tuile surmonté d'une cheminée. Les volets sont en bois, de même que la porte d'entrée qui soudain s'ouvre et dévoile la jeune fille de la photographie. Elle a les yeux embués de larmes. Cela gâche son visage déjà dénué d'une beauté particulière. Elle passe devant moi, sans me voir évidemment.
- Elle a voulu la révéler au monde entier.
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