Chérron, Efdéème, Utopia, 29 juin 1990

L'empereur Emilien du Efdéème venait d'apprendre que la Résistance dalkienne avait reconquis sa capitale Seed. Ça n'était qu'une ville. Mais la plus grande de Dalkia. Un pays qu'il contrôlait depuis maintenant presque un an.

Jusque-là, la Résistance ne lui avait posé aucun problème majeur. Elle avait bien réussi à voler quelques cargaisons, saboter des véhicules militaires, et à mener quelques escarmouches contre ses hommes. Mais son armée était toujours parvenue à maîtriser la situation. Les quelques réussites de la Résistance n'avaient jusque là présenté aucune menace pour l'occupation efdéème. Mais là, elle avait réussi un coup de maître. Reprendre le contrôle de la capitale. La plus grande victoire de la Résistance et le plus gros échec du Efdéème lors de cette occupation.

Emilien en déduisit que son état-major et lui, avaient complètement sous-estimé l'importance de la Résistance, qui semblait mieux organisée et mieux équipée qu'ils ne le croyaient. Certaines de leurs armes provenaient de caisses volées. Mais les chars et autres véhicules de combat étaient ceux qu'utilisait autrefois l'armée dalkienne. Comment avaient-ils pu se les procurer ?

Peu importait. L'empereur devait montrer qu'il était toujours le maître de Dalkia. Pour cette raison il avait fait venir l'un des officiers les plus talentueux de son armée. Un officier en qui Emilien pouvait avoir confiance. Un officier auquel il aurait pu confier sa vie.

Le gradé arriva dans la salle du trône. Celle-ci était à l'image du reste du palais, symbole de la puissance efdéème. Elle était assez grande, majestueuse, constituée d'un couloir avec de chaque côté vingt colonnes de marbre. Entre chacune d'elle se postait un garde, armé du fusil d'assaut réglementaire de l'armée Efdéème, l'ARK-45.

Même si l'on associait toujours le Efdéème à la couleur rouge, la couleur de son armée, le palais était en grande partie gris. Avec tout de même des tapis rouges situés un peu partout, notamment à l'entrée et au centre de chaque pièce.

L'officier s'avança jusqu'à être à une distance d'environ quatre mètres de l'empereur et de son trône. Il ne s'inclina pas. Même si le Efdéème était dirigé par un empereur, le terme « empire » n'apparaissait pas dans la dénomination officielle du pays. Ce mot désignait en revanche un autre état utopien : l'Empire, qui n'avait strictement rien à voir avec le Efdéème. Aucun protocole n'imposait à cet officier de s'incliner devant son empereur.

— Capitaine Neg, dit l'empereur en se levant de son trône.

— Que puis-je faire pour vous majesté ?

— Vous savez certainement que nous avons rencontré quelques... difficultés à Dalkia.

— Oui, répondit Neg en baissant les yeux, regrettant que l'armée efdéème ne se soit pas montrée à la hauteur.

— Notre domination n'est pas remise en cause. D'après l'état-major, nos soldats postés en garnison dans les autres villes dalkiennes, en particulier celles les plus proches de Seed, pourraient reprendre assez aisément la capitale, à condition de ne pas commettre la même erreur. À savoir, sous-estimer notre ennemi. Nous savons maintenant que la menace est réelle.

— Vous allez donc ordonner aux troupes stationnées dans les autres villes d'attaquer Seed ?

— Non. Bien sûr que non capitaine. Je ne vous aurais pas fait venir ici simplement pour vous dire ça. Non. Je veux que les garnisons en poste dans les autres villes y restent, et envoyer de nouvelles troupes pour reprendre la capitale et exterminer la Résistance. Et je voudrais que vous en preniez le commandement.

— Ce serait avec plaisir, majesté.

Neg avait envie de faire payer à la Résistance le revers qu'elle avait infligé à l'armée efdéème, l'un des plus grands revers de son histoire. Commander l'opération qui la détruirait n'était pas seulement un honneur, cela le satisfaisait personnellement.

— Vous partez dans deux jours, capitaine. Une fois Seed récupérée, vous prendrez en charge l'opération visant à retrouver le paranormal que nous recherchons. Vous êtes libre d'employer toutes les méthodes nécessaires pour sa capture et vous avez l'autorisation de déployer la Force Écarlate.

Neg esquissa un léger sourire.

— Quant à notre invité venu d'Exotis, reprit l'empereur, vous l'emmènerez avec vous. S'il est vraiment aussi efficace qu'on le croit, il nous sera d'une grande utilité sur place.

— Très bien votre majesté, répondit Neg avant de se tourner vers la sortie. Je ne vous décevrai pas.

— Je sais, se dit l'empereur à lui-même pendant que Neg s'éloignait, vous avez toute ma confiance.