Chapitre 5
Seed, Dalkia, Utopia, 3 juillet 1990, 5h40
Après avoir débarqué sur la plage, le capitaine Neg, Hal et leur escorte avaient passé quelques heures dans un poste de commandement mobile Koratan, que le Efdéème avait déployé sur la plage. Le Koratan était un gigantesque véhicule blindé, à l'intérieur duquel on trouvait tout l'équipement nécessaire à la gestion de l'opération : des écrans, une table interactive, des moyens de communication...
Un officier efdéèmois informa le capitaine Neg que la ville était sûre, que la majeure partie des troupes résistantes avait été capturée ou éliminée et qu'il pouvait à présent regagner la ville. Ce qu'il fit sans plus attendre.
Le capitaine Neg s'avança vers son comité d'accueil : un peloton de soldats efdéèmois accompagnés de quelques hommes de la Force Écarlate et du Major Clayton Dex. Hal se tenait toujours derrière Neg, suivi de ces mêmes membres de la Force Écarlate qui l'escortaient depuis leur débarquement sur la plage.
— La ville est sécurisée Capitaine, lança le major Dex.
— Bien, répondit Neg. Rappelez-moi en combien de temps la Résistance s'est emparée de Seed, major ?
— Euh, deux jours Mon Capitaine, répondit Dex sans comprendre l'intérêt de cette question.
— Et nous l'avons reprise en moins de quatre heures. N'est-ce pas formidable ?
— Oui Capitaine, bien sûr.
Neg s'apprêtait à reprendre son chemin vers le centre de commandement installé à la hâte par l'armée efdéème, à l'intérieur même d'un gigantesque bâtiment. Mais Clayton Dex avait autre chose à lui annoncer.
— Mon Capitaine ?
Neg s'arrêta, interrompant de ce fait Hal et leur escorte. Puis il se tourna vers le major, paniqué à l'idée de lui dire que l'un de leurs véhicules avait, pour une raison inconnue, quitté Seed sans autorisation et qu'un Paranormal se trouvait en ville.
— Il y a autre chose, Mon Capitaine, l'un de nos blindé a forcé une barrière de sécurité avant de quitter la ville, dit le major Dex dont les mains devinrent moites tandis que des gouttes de sueur commençaient à apparaître sur son front. On a immédiatement envoyé une patrouille à leur poursuite, mais ils ont réussi à nous échapper.
— C'est regrettable, lança Neg. Envoyez les drones. Et prévenez-moi s'ils trouvent quelque chose.
— À vos ordres Mon Capitaine ! dit Dex rassuré par la réaction de Neg.
Hal était stupéfié de voir à quel point Aramis Neg était à la fois respecté et craint par ses hommes. La différence entre Neg et Dex le frappait. Dex devait mesurer un mètre soixante-quinze à peu près. Il était jeune, une tête ronde, un peu joufflu, les cheveux noirs, coupés selon la coupe militaire standard. Neg lui, mesurait plus d'un mètre quatre-vingt, le visage sévère, les cheveux grisonnants. Il devait avoir plus de cinquante ans. Un front légèrement ridé, des joues creuses, rasées de près et un regard perçant. La seule chose qu'ils avaient en commun était leur uniforme d'officier rouge aux épaulettes noires, ainsi que leur casquette d'officier, rouge également.
— Et nos troupes ont également dû faire face à un Paranormal, reprit le major.
Neg sembla beaucoup plus intéressé par cette déclaration. C'est du moins ce que ressentit Hal.
— Où est-il ? demanda le capitaine.
— On pense qu'il faisait partie des fugitifs, Mon Capitaine.
— Raison de plus pour les retrouver Major.
— Oui, bien sûr, Mon Capitaine, je fais tout de suite décoller les drones.
Sur ces paroles, le major Dex partit donner l'ordre d'envoyer les engins espions pour tenter de retrouver les fugitifs. Aramis Neg, Hal et leur escorte purent enfin continuer leur chemin.
Hal regarda autour de lui. Il vit des voitures calcinées, des corps de résistants, de soldats efdéèmois et parfois même de civils. Il vit même un homme d'une quarantaine d'années à genoux, pleurer devant le corps d'une femme. Probablement la sienne. À quelques mètres de cet homme, deux membres de la force écarlate accompagnaient trois résistants vers une cellule. Il y avait également ce commerçant qui constatait les dégâts sur la devanture de sa boutique de vêtements. Il se demandait comment il allait pouvoir s'en remettre. Malgré la bataille qui venait de se dérouler, lui ne se préoccupait que de son commerce. Hal ne put s'empêcher d'esquisser un léger sourire.
En tout cas, tous les habitants avaient quelque chose en commun. Aucun d'entre eux ne semblait surpris de voir l'armée efdéème patrouiller en ville.
Ils avaient l'habitude d'être occupés par le Efdéème depuis déjà plusieurs mois. La Résistance n'avait repris la ville que durant trois jours. Ils ne semblaient donc pas étonnés de voir circuler des troupes efdéèmes dans les rues. Un simple retour à la normalité en fin de compte.
Hal et le capitaine Neg entrèrent dans ce qui semblait être l'hôtel de ville. Il n'avait quasiment pas subi le moindre dégât à part des éclats sur les murs blancs dû probablement à des balles perdues, quelques vitres brisées, mais l'édifice tenait debout. Architecturalement, il était à l'image du reste de la ville. Sur Exotis, on aurait appelé ça « Aspect futuriste », mais ici, ça semblait être la norme. Du moins à Dalkia.
— C'est ici que le président de la République dalkienne a signé l'armistice avec l'empereur Emilien, dit Neg à Damon.
Ce dernier en déduisit qu'Emilien devait être l'empereur du Efdéème. Il comprit également qu'il n'était pas dans l'hôtel de ville mais dans le palais présidentiel dalkien.
Neg emmena Hal dans le bureau de l'ancien président, une salle très spacieuse fermée par une baie vitrée et meublée d'un bureau. Sur les murs, étaient disposés des portraits grandeur nature d'individus, tous des hommes, probablement d'anciens présidents dalkiens.
D'autres officiers subalternes les attendaient. Hal allait enfin savoir la raison exacte de sa présence. Un officier, le lieutenant Jannick Merrickson, un homme légèrement plus jeune que Neg, déroula une carte sur le bureau. Il s'agissait d'une carte représentant Dalkia. Il y avait des marqueurs dessus. Mais Hal ne comprenait pas ce qu'ils représentaient. Sûrement des points stratégiques, des emplacements d'escouades ou de QG résistants découverts.
Le capitaine Neg y jeta un coup d'œil rapide avant de se tourner vers Hal.
— Au départ, nous n'avons pas envahi Dalkia pour en faire l'une de nos provinces, expliqua Neg à Hal. Nous l'avons fait parce que nous recherchions quelque chose. Certains sur ce monde seraient prêts à tuer pour l'obtenir.
À cette phrase, Hal ne put s'empêcher de rire intérieurement. Maladresse du Capitaine ou pas, il venait lui-même de faire tuer des centaines de personnes pour se procurer cette chose dont il ne savait même pas encore de quoi il s'agissait. Mais venez en au but se dit Hal.
— Puisque que tu ne viens pas de ce monde, poursuit Aramis Neg, tu ignores donc son Histoire. Il y a trente ans, nous étions en guerre contre le Véèrème. Cette guerre a touché de nombreux pays, dont Pacifia, le plus grand royaume Elfe. Des batailles ont eu lieu là-bas. Mais la plus marquante fut celle du 6 décembre 1960. La bataille Raenimor, opposant une centaine de nos hommes à quatre cents Véèrèmois. Officiellement, c'est le Véèrème qui l'a remporté, du moins c'est ce qu'il aime faire croire au monde car officieusement, ni le Véèrème, ni le Efdéème n'a réellement remporté la victoire.
— Mais alors qui ? demanda Hal qui commençait à être intéressé par l'histoire.
— Un Paranormal. Il a réussi à rassembler sa propre armée, constituée de Commandos Spectres, également connus sous le nom de Commandos de l'ombre ou Commandos Méchants à cause d'une erreur de traduction de notre part. Ces êtres sont des sortes d'ombres, tout droit sorties des légendes les plus horribles. À tel point que jusqu'à ce jour, le commandement des forces armées efdéèmes ne croyait pas en leur existence. Personne ne sait d'où ils viennent. Ils ont réussi à éliminer la totalité de nos hommes présents sur place ce jour-là. Quatre-vingts-sept soldats véèrèmois réussirent à en réchapper et à se replier. Voilà pourquoi le Véèrème n'a eu aucun mal à faire croire au monde qu'il avait gagné cette bataille. Après tout on les comprend. Même eux ne savaient pas d'où sortaient ces choses. Ils voulaient à tout prix éviter la panique. Nous n'avons jamais compris ce que faisait ce Paranormal à cet endroit. L'hypothèse la plus plausible est qu'il y recherchait quelque chose et que nous étions sur sa route. Il y a trois ans, alors que j'étais encore dans la Force Écarlate, ce Paranormal a été retrouvé par nos services de renseignements. J'ai été dépêché sur place avec mon unité. On l'a retrouvé et pris par surprise. On a communiqué sa position à notre flotte. Nous avons bombardé la zone avec des frappes orbitales.
— Il est mort ? demanda Hal.
— Oui. Personne ne peut survivre à ce qu'on lui a balancé. Et alors qu'on pensait que ça s'arrêterait là, on a découvert en fouillant dans ce qu'il restait de ses affaires, qu'il avait un fils. Nous ne connaissons pas son identité, mais nous savons que son père l'a envoyé à Dalkia dès sa naissance. Il n'a donc jamais connu son père et il ne porte probablement pas le même nom que lui.
— Mais comment vous savez qu'il a été envoyé ici ?
— Nous avons retrouvé un carnet. Miraculeusement il n'a pas été endommagé par la frappe orbitale. Dans ce carnet on y a retrouvé des écrits mentionnant des épées soi-disant magiques et un paragraphe sur ce garçon dans lequel il disait que peu de temps après sa naissance, il l'avait envoyé à Dalkia pour sa sécurité. À croire que ce monstre savait qu'un jour on le retrouverait et qu'on s'en prendrait à son fils.
— Et vous êtes venu ici pour le retrouver ? C'est ça ?
— Tout juste mon garçon. On était sur le point de commencer la traque, de contrôler toute la population pour voir qui était Paranormal. Mais on s'est vite rendu compte qu'aucune de nos méthodes n'était vraiment efficace.
— Vous croyez qu'il s'agit du Paranormal que vos hommes ont affronté tout à l'heure ?
— Certainement. Depuis la dernière guerre, les Paranormaux sont rares dans cette région du monde, pour ne pas dire inexistants. Donc il y a de fortes chances que ce soit celui que nous recherchons.
— Et lorsque vous retrouverez ce garçon... Que lui ferez-vous ? demanda Hal. Vous allez le tuer ?
— Le tuer ? Non, bien sûr que non. Nous le voulons vivant. Nous étudions les Paranormaux pour tenter de comprendre leurs pouvoirs. Nous connaissions la puissance de son père, et il est fort probable qu'il soit doté, même s'il n'en a pas encore conscience, du même potentiel. Si nous arrivons à le capturer, et à le convaincre de nous aider, il pourrait devenir un puissant allié. Il pourrait même nous apprendre plein de choses sur les Paranormaux et comment nous en protéger.
C'était donc clair. Aramis Neg voulait trouver ce Paranormal pour en faire une arme. Il est vrai que si ce garçon était bien celui qu'ils pensaient, il était possible qu'il ait le même potentiel que son père. Dans ce cas si le Efdéème arrivait à le rallier à leur cause, il disposerait alors d'un avantage conséquent. Hal soupçonnait le Efdéème de vouloir se préparer à une guerre contre le Véèrème.
— Mais alors pourquoi avez-vous besoin de moi ? finit-il par demander.
— Nous ne t'avons pas choisi par hasard. Bien que ta planète refuse tout visiteur utopien, certains ici disposent de vaisseaux dotés d'une technologie furtive ultrasophistiquée et indétectable par vos radars actuels. Cela fait des décennies que certaines nations comme le Véèrème ou l'Empire se paient leurs services pour obtenir des renseignements sur votre monde. L'empereur Emilien en a gracieusement payé pour qu'ils nous trouvent un expert en paranormal. Et cet expert, c'est toi.
— Vous êtes au courant de ma découverte sur les Paranormaux c'est ça ? Qui vous en a informé ? Ce ne sont pas ces espions ultrasophistiquées qui vous ont informé de mes découvertes, quand même, si ?
— Dis-moi Hal, tu n'as pas trouvé étrange qu'un certain docteur Léon Scottfield fasse tout son possible pour entrer dans ton entreprise et démissionne cinq jours plus tard sans laisser la moindre trace ?
ne se souvenait que trop bien de cet homme. Il ne savait pas pourquoi, mais il avait toujours su qu'il cachait quelque chose, qu'il n'était pas vraiment qui il prétendait être.
— C'était un de vos espions, compris Hal. Et je suppose que les plans de l'arme qu'il m'avait proposée étaient les plans de l'une des vôtres ?
Le capitaine Neg hocha la tête.
— Mais pourquoi m'avoir fait venir ici dans ce cas ? Vous n'avez pas d'experts en Paranormal ici ?
— Non. Enfin très peu. J'ai cru comprendre que sur ton monde le paranormal relevait de la légende. Ici il semble être plus courant mais très peu de gens s'y intéressent. On a estimé que tu étais le plus qualifié pour ce genre de chose.
Hal ne se demanda même pas comment ils avaient estimé qu'il était le plus qualifié. Il savait que ce Scottfield, si vraiment c'était son vrai nom, avait sûrement dû fouiller dans ses dossiers et récolter toutes les informations dont le Efdéème avait besoin.
— Mais... Je ne sais pas comment les détecter les paranormaux. Je sais juste comment inhiber leurs pouvoirs, et éventuellement les piéger, c'est tout.
— C'est justement ça qu'on te demande Hal, de prendre ce paranormal dans ton piège et de nous permettre de le transporter en toute sécurité, dit Neg en esquissant un léger sourire. Nous on se charge de le retrouver.
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