chap 1
C’est vendredi soir. Je rejoins Julie en sortant du boulot pour qu’on file directement à la pendaison de crémaillère surprise. Quand je dis surprise, ce n’est pas pour le mec qui l’organise, c’est pour moi. Mon amie m’a appelée en pleurant il y a deux jours, pour m’annoncer que son mec l’avait larguée (encore). Elle m’a suppliée de venir avec elle chez son pote, et comme j’avais mal au cœur pour elle et que je ne voulais pas accompagner Pierre au chalet, j’ai dit oui.
Elle m’a donné rendez-vous sur la Grand-Place à dix-huit heures, et je l’ai attendu dix minutes, assise sur les marches du théâtre, écoutant le clapotis de la fontaine et le brouhaha des gens qui passent.
A son arrivée, je l’ai réconfortée quelques minutes, puis je l’ai entraînée, avec un enthousiasme forcé, vers l’adresse qu’elle m’a indiquée, en plein cœur de la vieille ville, à proximité de la cathédrale. Ce sont beaucoup de vieilles bâtisses, des lofts, des appartements avec terrasse… Il a les moyens, celui chez qui je m'invite. Arrivées dans la rue, je suis ébahie. J’ai passé toute ma vie étudiante dans cette ville, je pensais la connaître comme ma poche, mais il y a visiblement des endroits secrets dont je n’avais même pas soupçonné l’existence.
Derrière la grande cathédrale, nous contemplons une immense place piétonne sur laquelle s’étalent pêle-mêle des terrasses de café, un fleuriste, un bar-librairie, un magasin de chaussures, un tabac… nous nous arrêtons toutes deux, Julie et moi. Je me laisse imprégner par ce lieu si paisible, baigné par la lumière éclatante qui signe la fin d’après-midi. Julie et moi poussons un soupire de contentement, presque à l’unisson.
— T’étais déjà venue ici, Juju ?
— Ouais, une ou deux fois. C’est comme ça que j’ai recroisé Antoine et qu’il m’a invitée.
— Ha oui, c’est vrai, Antoine… Bon allez, raconte ! c’est qui ce gars, il sort d’où ?
— Je te l’ai dit, on était à l’école d’ingé ensemble, sauf que lui, il a continué alors que moi…
— Je sais, t’as suivi ton crétin… Mais lui, l’ingénieur, il est comment ? Tu l’intéresses ? Il t’intéresse ?!
— Il est cool, mais non il m’intéresse pas… Et l’inverse non plus je crois !
— Comment tu le sais ? T’as déjà tenté ta chance ? HOOOO, t’as déjà couché avec lui ??
— Bon, ça suffit, Lili ! Non je n’ai pas couché avec lui, non il ne m’intéresse pas, et non je ne tenterai pas ma chance avec lui ce soir… Je suis juste contente de recroiser d'anciens amis ! Chris me manque tu sais…
— Tu devrais passez à autre chose, ma belle. C’est pas un mec pour toi et c’est vraiment un coui….
— Bref ! Allez, on y va, Antoine a dit dix-neuf heures, me coupe Julie.
Je suis donc ma copine en ricanant bêtement et nous trouvons finalement l’entrée. Nous montons les quelques marches du perron. Julie appuie sur l’un des quatre boutons. L’immeuble est de taille raisonnable, les appartements ne doivent pas être très grands. Je ne vois pas de balcons aux fenêtres, et je n’imagine pas de terrasses sur une si vieille bâtisse. A mon avis, l’appart sera décevant par rapport au quartier.
La porte s’ouvre.
En tout cas, une chose qui n’est pas décevante, c’est Antoine. Une petite trentaine, grand, souple, les cheveux châtains et les yeux marrons dorés. Il serre Julie dans ses bras et une jalousie irrationnelle m’envahit, alors que je ne le connais pas et que je suis mariée depuis quinze ans. Puis il se tourne vers moi et me sourit.
Je fais de mon mieux pour ne pas devenir une flaque.
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