Chapitre 12 : Elinor
Il était dix heures, le cours d'Alec n'avait peut-être pas encore commencé... après tout, notre mentor n'était pas du genre ponctuel... pour mon plus grand soulagement. En effet, il aurait été compliqué d'être à l'heure en sachant que cela faisait une bonne dizaine de minutes que j’observais ma meilleure amie se maquiller tout en me parlant.
J'étais venue la chercher pour nous allions ensemble à ce cours, réunion, entraînement... truc... qu'Alec daignait nous offrir aujourd'hui. Mais quand je m'étais posté au milieu de la chambre, flanquée d'Elio, j'avais été désespérée de voir Cléofée, en train de réfléchir à la tenue qui irait le mieux avec ses escarpins turquoise.
— … Et je t'assure que la prochaine fois que je le croise, ce n'est pas quelques insultes que recevra cet attardé, mais mon talon dans un de ses yeux ! menaçait la jeune femme à la chevelure de rouge vif tandis qu'elle appliquait son rouge à lèvres de même couleur.
— Cléo. Magnus peu se servir de toi comme d'un poids pour sa muscu... tu crois vraiment qu'il se laisserait gentiment faire si tu tentais de lui crever un œil ? souligna mon gardien, assit contre la porte, les yeux fermés, le visage levé vers le plafond.
Le silence qui s'en suivit me fit sourire autant qu'Elio. Pour une fois que l'on réussissait à clouer le bec de la demoiselle, cela valait bien un petit signe de victoire.
— Peut-être. Mais cela n’empêche que... commença finalement à reprendre la retardataire.
Cependant, elle fut interrompue par des grattements compulsifs à la porte de la chambre. Elio qui n'était pas loin, se leva pour l'ouvrir, et nous vîmes apparaître en voletant, le familier ocelot d'Alpha. Tessa fit un rapide tour de la pièce jusqu'à aller se poser sur le dos de Seth qui l'accueillit avec un grondement menaçant.
La suite se passa sûrement dans l'esprit des deux familiers puisque le silence se mit à régner. Même Cléofée ne parlait plus, attendant le fin mot de l'histoire.
— Selon Alpha, tout est prêt. Elle t'attendra avec Zeï en dessous de l'arbre creux en début d'après-midi ! informa l'énorme lion avant d’attraper vivement Tessa par la peau du cou et de la balancer hors de son dos. Le petit ocelot ailé se réceptionna dans les airs sans sembler prendre ombrage du manque de délicatesse de son homologue.
Les sourcils froncés, je lançai d’abord un coup d’œil à mon gardien qui semblait aussi perplexe que moi, puis, suivant son regard, mes yeux se posèrent sur ma meilleure amie qui terminait de lacer ses chaussures aux talons impressionnants.
— On peut être mis au courant ou bien est-ce quelque chose que nous devrions ignorer pour notre sécurité ? lança Elio curieux et prudent à la fois.
Cléofée nous laissa attendre quelques instants avant de se poster devant nous, la mine fière et déterminée, le regard malicieux, un sourire au coin de ses lèvres.
— Alpha a réussi à trouver quelque chose de compromettant dans les affaires d'Alec, une sorte de carte au trésor que Zeï a réussi à déchiffrer. Ça parle de super pouvoirs oubliés, de connaissances cachées... enfin bref, d'un héritage dans un coffre bizarre ! Avec Alpha et Zeïna, on va aller le déterrer, histoire de faire quelque chose de concret et de nous changer d'air. Une sorte de randonnée forestière non encadrée ! expliqua finalement la jeune femme sans pour autant trop nous en dévoiler.
Ainsi expliqué, cela avait l'air d'être une aventure passionnante et terriblement enrichissante. De plus, tout semblerait se passer dans une forêt, ce qui m'enchantait beaucoup. La nature était mon élément et je commençais à me demander si mes amies n'auraient pas tout intérêt à ce que je vienne avec elle.
— Hors de question !
La voix d'Elio avait semblé résonner dans mon esprit, mais les sons n'avaient que de rebondir sur les murs de la chambre.
Le jeune homme à la peau pâle et aux cheveux blanc était maintenant debout, les bras croisés sur son torse. Le regard qu'il lançait à Cléo était empli d'inquiétude ce qui contrastait avec son ton à la limite de l'autoritarisme.
— C'est n'importe quoi. Tu comptes te lancer dans un exercice qui demande beaucoup d'expérience niveau magique et pratique en termes de survie en nature... honnêtement Cléo, quand était la dernière fois que tu as fait du camping ou que tu t'es entraîné à manipuler tes flammes ? Une ou deux bonnes éternités, il me semble ! ajouta Elio.
Tout comme moi, Cléo était surprise par cet élan de paternalisme de la part du gardien. Tant et si bien qu'elle resta quelques secondes les yeux écarquillés, ses lèvres rouges entrouvertes. Puis les traits de son visage se modifièrent pour nous montrer à nouveau, une demoiselle décidée et contrariée.
— Tu n'es ni mon père, ni ma mère, ni mon gardien ! Tes commentaires tu peux te les garder, puisque j'ai déjà pris ma décision. Sur ce, dépêchez-vous, vous me mettez en retard ! déclara sèchement Cléofée avant de passer entre nous deux à pas vifs, claquant la porte au nez d'Elio une fois que je fus sortie de sa chambre.
Le cours d'Alec était maladroit, cela se voyait qu'il n'avait plus l’habitude de nous faire cours. J'avais l'impression d'être dans une de ses vieilles conférences barbantes. Mon esprit ne prit pas longtemps avant de lancer dans son vagabondage, repensant au voyage qui attendait mon ami aux cheveux rouge. Au final, j'en conclus que pour la sécurité du groupe, il fallait mieux que je mette à contribution mes talents dans leurs expéditions... J'irais moi aussi au point de rendez-vous. Je n'en parlerais pas à Elio, cela le mettrait vraiment dans tous ses états. Même si je sais qu'il allait s'inquiéter, dans ce genre de situation, mieux valait demander pardon que permission.
D'ailleurs, je le laissais dans son plan, il avait disparu dans le monde des esprits après que notre ami l'ait vexé. Cela me laissa le temps de préparer mon sac de voyage ainsi que quelques sortilèges de protection contre les moustiques et autres créatures gênantes qui pourraient me gâcher ces vacances d'aventurière improvisées.
J'étais sur le chemin pour aller au point de rendez-vous. Il était environs quatorze heure et je pressais le pas pour être certaine que les filles ne partent pas sans moi. Après tout, personne n'était encore au courant que je participais également à l'expédition.
— Mais vous avez toutes perdues la tête ma parole ! balança Elio en me faisant sursauter.
Il était apparu derrière moi et flottait à quelques centimètres au-dessus du sol au lieu de marcher à mes côtés. Sous le soleil, il paraissait intangible, un peu transparent. Ce qui n'arrivait qu'en présence de lumière vive, attestant ainsi de sa nature de spectre.
— Tu veux te faire tuer c'est ça ? C'est pas une randonnée que vous allez faire, mais vous lancer à la recherche d'un artefact dangereux ! reprit le gardien qui ne semblait pourtant pas en avoir terminé.
— Vous êtes loin d'être prête, vous ne savez même pas ou vous aller, les créatures que vous pourriez rencontrer ! C'est de la folie ! Réfléchissez un peu plus à ce que vous comptez faire ! me supplia-t-il en flottant à quelques centimètres devant moi, s'adaptant à ma vitesse de marche tandis qu'il flottait toujours à reculons.
— Tu t'inquiètes toujours trop, Elio. Nous sommes adultes et compétentes. En plus il faudra bien qu'on se confronte à des situations dangereuses un jour ou l'autre. Autant que ce soit le plus tôt possible. C'est comme cela que l'on se forge une expérience ! répondis-je remplie de pensée positive.
— Et tu peux me dire à quoi va te servir cette « expérience » si tu en meurs ? m’asséna-t-il une fois de plus.
Oui mon gardien était quelque peu inquiet lorsqu'il était question de ma sécurité. Il avait toujours été ainsi, terriblement protecteur. Enfin, je me doutais qu'il en allait de même pour tous les gardiens. Mais sa peur ne me ferait pas reculer pour autant, je m'étais décidé et tout comme Cléofée, je ne voulais pas revenir sur la parole que je m'étais donnée à moi-même.
— La peur n'évite pas le danger. Il est tout de même impressionnant que le plus peureux des deux soit celui qui est déjà mort. Se moqua la voix grave et ronronnante du gros familier de ma meilleure amie. Ce dernier volait au-dessus de nous à grand coup d'ailes paresseuses.
— Mêle-toi de tes affaires, Seth ! siffla Elio terriblement contrarié. Cela devait être l'une des premières fois que je voyais mon gardien d'aussi mauvaise humeur, cela me surprenait beaucoup de sa part, lui qui était si calme et posé d'habitude.
— Je me mêle de mes affaires... Mais tu restes un mort peureux ! reprit le familier avant de nous dépasser rapidement, me laissant seul avec un gardien sur es nerfs.
Il s'était alors arrêté et me regardait d'un air triste, son regard bleu clair me transperçant.
— Tu peux encore y réfléchir, Elinor. Fais le bon choix, je t'attendrais. me lança-t-il avant de disparaître de notre plan, visiblement déçu de ne pas avoir pu me faire entendre raison rapidement.
Immobile, je restai ainsi quelques secondes, doutant un moment de ma décision. Il était vrai que cela avait été un choix impulsif que de vouloir partir sans autre préparation. Mais je ne pouvais pas rester seule dans ma chambre en sachant que mes amies vivaient des aventures extraordinaires sans moi.
— Désolée, Elio. murmurais-je autant pour moi que pour lui, avant de reprendre ma marche rapide.
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