Chapitre 18 : Liabell
Je ne savais pas trop ce qui était arrivé. J’avais à peine perçu l’affolement d’Elinor avant que tout autour de moi deviennent aussi noire que la plus sombre des nuits sans lune. Je n’y voyais strictement rien... Et à y réfléchir, je ne sentais rien. Que ce soit moi nez ou ma peau, c’était comme si je n’avais plus de sens, voir même plus de corps du tout.
J’étais en panique sans pour autant pouvoir hurler, appeler à l’aide ou bien me sauver toute seule. J’avais l’impression d’être prisonnière du néant et de ne pas pouvoir y échapper.
Alors, je n’eus d’autres choix que de me calmer. Je n’avais plus aucune notion du temps. J’étais dans le vide sans rien à portée à quoi me raccrocher. Bien entendu, j’avais essayé de faire appel à ma magie. Mais sans corps, cela devenait tout simplement impossible. Je ne savais même pas comment c’était arrivé. Une petite voix proche de celle de ma conscience me murmurait que j’étais peut-être morte.
Est-ce que je m’étais étouffé avec ce noyau de cerise ? Je n’en avais aucune idée et trouvait cela étrangement triste de finir ma vie avec quelque chose d’aussi stupide qu’un fruit en travers de la gorge.
Sans vraiment pouvoir faire autre chose du reste de mon âme, je m’imaginais flotter dans un coin isolé de l’univers. Le temps et l’espace n’avaient plus vraiment d’emprise sur moi. Si j’étais morte, à quoi bon lutter maintenant ? D’un autre côté. Cela me soulageait de ma culpabilité. Ce serait triste pour mes parents. Mais au moins, j’étais dans le même bateau que ma petite sœur maintenant. Cette idée que je puisse partager le même plan d’existence qu’elle me rassura et allégea mon esprit... Si j’avais encore un esprit sous cette forme.
De pensée en pensée, de sujets philosophiques en souvenirs de ma courte vie, je finis par être surprise par un éclat de lumière.
L’éclat s’éteignit au moment où j’avais l’impression de le voir. Je me concentrais dessus. Je voyais ? Je pouvais à nouveau voir ! D’instinct, j’essayais de me raccrocher à la lumière.
— Vas-y, rapproche-toi de la lumière. me murmura une voix enfantine que je n’avais pas entendue depuis longtemps.
La chaleur m’envahit. Il n’y avait pas de doute à voir, c’était la voix de ma sœur qui me conseillait d’aller de l’avant. Je n’avais pas tourné la tête, j’avais l’impression que sa présence m’enveloppait et me protégeait. Elle était là, près de moi. Puisqu’elle me l’avait dit, j’essayais de tendre tout mon être en direction de ce phare blanc dans l’immense nuit qui nous entourait.
La lumière se rapprochant, je finis par atterrir dans un couloir d’acier. Le phare avait grossi et tournait toujours. Allumant sa lumière blanche à en faire mal aux yeux par intermittence. Comme les battements d’un cœur paisible.
Lorsque je fus assez proche, je pus discerner qu’à l’intérieur de ces lumières blanches évoluaient des silhouettes pastel qui s’entremêlaient. Un ballet de corps immatériels juste devant moi. Mais quand la lumière du phare disparue, il ne restait rien des silhouettes pastel. À la place, c’était comme si j’étais dans un rêve. En surplomb, en tant qu’âme en errance, je pouvais tout voir sans intervenir. Mon environnement était en noir et blanc.
Il y avait un jeune homme avec une longue chevelure blonde attachée en catogan. Il était jeune et pourtant son visage trahissait sa fatigue ainsi que sa lassitude, sans parler du fait qu’il se tenait tout recourbé sur sa canne. Il avait l’air d’un vieillard et pourtant ses traits étaient lisses. Mon âge, environs une vingtaine d’années, pas plus.
Une quinte de toux l’obligea à placer sa main devant sa bouche, d’entre ses doigts avaient suinté du sang. Du moins, je supposais qu’il s’agissait du genre. Je voyais toujours en noir et blanc, mais la substance sombre qui coulait d’entre ses doigts ne pouvait pas être autre chose pour moi.
— Maître, vous auriez dû m’attendre. sermonna bientôt une nouvelle voix masculine.
Même s’il faisait un reproche, le ton était empli d’inquiétude. Grâce à ses mots, je pus comprendre alors que je venais de retrouver l’ouïe. Que c’était bon d’entendre à nouveau !
La personne qui devait prendre soin du jeune vieillard finit par apparaître dans mon champ de vision. Tout aussi jeune, il paraissait cependant beaucoup mieux armé pour la vie que son compère. Il se tenait droit, possédait de larges épaules, un corps entretenu par un entraînement physique intensif, une mâchoire carrée et un léger chaume noir lui recouvrait les joues. En d’autres circonstances -c’est à dire, si j’avais été encore vivante- je l’aurais sans doute trouvé très sexy.
Une fois arrivé à la hauteur du blond chétif, il se permit de l’aider à marcher, le prenant par le bras.
— Il faut que l’on fasse vite... Nous n’avons plus vraiment le temps de me ménager. avait répondu le vieillard jeune d’une voix fatiguée.
Sur ces simples mots, le duo s’enfonçait dans un couloir qui me semblait sans fin. Je ne me fis pas prier pour les suivre. Je ne sentais pas mon cœur battre, mais j’étais certaine qu’il aurait battu plus fort devant cette scène. La curiosité m’encouragea à les suivre. Espérant pouvoir me déplacer, je tendais une fois de plus mon esprit dans la direction que je désirais. Doucement, je me rapprochais des deux hommes.
Plus je suivais ces curieux personnages et plus j’avais l’impression que le couloir autour de nous tremblait à rythme régulier, faisant gronder l’air autour de nous et s’entrechoquer les pierres. De la poussière et quelques cailloux tombaient sur le sol et sur les deux hommes.
En les suivant toujours, j’arrivais à leur suite dans une large pièce. Une crypte au vu du tombeau qui reposait au centre. Les signes qui s’y trouvaient me rappelaient ceux que j’avais pu apercevoir lorsqu’Alpha avait faisait ses recherches. J’étais chez Alister MacGordon ?
Maladroitement, le blond déposa le coffre qu’il gardait sous sa cape sur le dessus de la tombe. Inconsciemment, je flottais jusqu’à cette dernière tous en ignorant le nouveau dialogue entre les deux hommes. Cette boîte attirait mon esprit.
Je n’étais plus consciente de ce qu’il se passait autour de moi. Je tendis mes bras et mes mains spectrales jusqu’au petit coffre. Mais lorsque je voulus attraper l’objet, une force violente contre laquelle je ne pus lutter me tira vers l’arrière. En une fraction de seconde, toute la scène disparue de ma vue. La fraction suivante, mes poumons se remplissaient douloureusement d’air alors que chacun de mes muscles était contracté. Le regard dans le flou, je pus discerner trois visages au-dessus de moi avant de retomber dans le noir profond, sans que ma conscience soit retenue sur un autre plan...
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