Chapitre 20 : Cléofée
J’avais beau être réveillée, j’avais l’impression d’être encore en plein cauchemar. Les couloirs se ressemblaient tous et à chaque croisement, j’avais l’impression que ma migraine prenait de plus en plus le dessus sur mes capacités de réflexions.
Chaque fois que nous tournions, mon cœur s’arrêtait. Je m’attendais à voir Seth apparaître et me rétorquer un truc du genre « un peu lente, mais bon, tu n’es qu’humaine après tout... »
Mais personne n’attendait. Les couloirs restaient désespérément vides.
Pourtant, je ne rêvais pas, je savais que mon familier était là quelque part, tout proche... Mais à chaque fois que je croyais que nous allions enfin le trouver, le lien que j’avais avec lui s’effilochait un peu plus, comme un vieux chewing-gum. Cela me frustrait autant que cela me déprimait.
Oh, j’avais l’habitude d’être séparé de lui. Nous étions tous les deux des électrons libres, et ce, sans parler de toute la magie que je lui laissais accumuler. Cependant, il avait toujours été à mes côtés dans les moments critiques... Et si en ce moment, ce que je vivais avec Zeï n’était pas considéré comme critique, j’aurais bien voulu qu’on me donne des exemples. Mais Seth n’était pas là et ça allait me rendre totalement cinglée !
— Cléo ? m’interpella Zeïna au bout d’un moment.
Perdu dans mes pensées, je marchais sans vraiment regarder où je mettais mes pieds, je devais être trop concentrée à scruter la moindre trace de présence de Seth autour de nous et au final, j’avais pris le mauvais embranchement. Heureusement que mon amie l’avait remarqué, sinon nous aurions été séparées et nos deux situations auraient encore évolué pour être plus désastreuses.
— Oui, oui... Désolée, grommelais-je en effectuant un demi-tour au ralenti.
— Si tu pouvais souffler un peu aussi... Tes vêtements commencent à sentir le cramer. C’est désagréable. avoua Zeï comme si de rien était.
La réflexion me piqua comme aurait pu le faire une aiguille et je me mis à m’observer sous toutes les coutures. Effectivement, certains fils de mes vêtements avaient fondu, d’autres endroits de tissus commençaient à prendre une couleur brune.
Cette découverte m’horrifia et j’essayai aussitôt d’essuyer l’endroit où mes vêtements commençaient à prendre feu. Ce phénomène ne pouvait signifier qu’une seule chose : je perdais le contrôle de mon pouvoir. Était-ce lié au fait que Seth était loin de moi ? Ou bien était-ce une conséquence de mon inquiétude ? Cette interrogation fut rapidement envoyée au second plan de mon esprit. En effet, il fallait que je me calme.
Comme me l’avait conseillé Zeïna, j’essayai de souffler. Longuement, bloquant ma respiration, il fallait que je fasse le vide et éloigne le stress. Si j’avais l’habitude d’être considérée comme quelqu’un de nonchalant ou bien de virer carrément à l’hystérie furieuse, l’angoisse et l’inquiétude ne faisaient pas partit de mes adjectifs. C’était sûrement pour cette raison que sous ce genre de pression mes pouvoirs liés au feu fuyaient ma volonté.
Cependant, ce qui me coupa le souffle ne fut pas la volonté de réguler ma température corporelle, mais un bruit singulier qui me surprit au même titre que Zeïna. Mon amie avait écarquillé les yeux. La seconde d’après, elle me plaquait contre l’une des parois de la grotte, dans un renfoncement, nous mettant à l’abri de la luminosité des lucioles qui semblaient nous avoir prises en affection depuis le début de notre périple.
Ce bruit, je pus le discerner plus nettement maintenant que nous étions à l’abri de nous faire voir facilement. Ce n’était pas la main poussiéreuse de Zeïna plaquée sur ma bouche qui m’y aidait, mais heureusement, je n’entendais pas via mes lèvres.
Le son était aigu. Trop aigu pour être agréable. Il était lancinant. Tantôt fort tantôt faible. Ce à quoi je pouvais le rapprocher le plus était deux aciers frotter l’un contre l’autre. Ce son m’offrit un horrible frisson tandis que mes dents me donnaient l’impression que je les glissais les unes contre les autres.
Je devais sûrement avoir chauffé à nouveau, car mon amie finit par me lâcher tout en m’accordant un regard assassin, camouflant aussitôt sa main sûrement rougie. De l’autre, elle me faisait signe de me taire d’un index barrant ses lèvres. Je ne comptais pas crier de toute façon. Mon cœur était sûrement trop malmené pour envoyer assez d’oxygène pour que mon cerveau décide de faire quoi que ce fût.
Mais finalement, le son s’éloigna de nous pour n’être qu’un crissement lointain d’une lame sur les pierres dont était fait notre labyrinthe infernal.
— Qu’est-ce que c’était ? demandais-je une fois que j’eus retrouvé le courage de ne serait-ce que murmurer à l’oreiller de Zeïna.
— Qu’est-ce que j’en sais ? Je suis avec toi depuis le début... Tu étais obligé de me brûler la main ?
— C’est toi le cerveau du groupe, je te rappelle... Et désolé pour ta main, c’était pas volontaire, tu m’as surprise.
Zeïna arrêta de répliquer ressortit de notre cachette de fortune, retrouvant la lueur blanche des lucioles. Je la suivis, soulagée de ne plus me sentir aussi vulnérable qu’une souris.
— Continuons en restant sur nos gardes. Au moindre bruit, on se plaque au mur pour décider de la marche à suivre, expliqua mon amie en reprenant la marche.
Le familier de Zeï était toujours notre guide et Zeïna le suivait sans faillir. À chaque croisement, il nous attendait pour être certain que nous ne nous trompions pas de galerie. Au bout d’un moment, constatant qu’il n’y avait pas vraiment de pièges, le familier décida de rester avec nous, auprès de Zeï.
Je ne disais rien, mais il me pesait de voir un familier alors que j’ignorais où se trouvait le mien. Encore une fois, je devais me calmer avant de prendre totalement feu et de dire adieu à mes vêtements déjà foutus.
Une fois de plus, Zeï me plaqua contre le mur, évitant soigneusement de me toucher à même la peau cette fois-ci. J’eus beaucoup de mal à camoufler mon cri de surprise lorsque mon dos, délicat et déjà beaucoup trop meurtri, entra en contact trop violemment avec la pierre du mur. À mon tour, je fusillais du regard ma camarade.
« Écoute » me fit-elle lire sur ses lèvres en exagérant à outrance. Sur ses conseils, je tendis l’oreille pour pouvoir entendre des murmures. Je ne comprenais pas ce qu’il racontait, c’était beaucoup trop bas au niveau du son, mais ce qui était certain, c’était qu’il y avait au moins deux personnes différentes.
— On les prend par surprise, je les électrocute et tu crames tout, me déclara la jeune femme avant de vouloir aussitôt foncer.
Je pus la retenir et l’attirer vers moi avec force. Elle était surprise, mais ne chercha pas à se défaire de mon emprise.
— Je ne peux pas... Seth n’est pas avec moi, je ne vais rien contrôler... Je risque de te brûler aussi...
— C’est pour ça que je t’ai toujours encouragé à travailler tes pouvoirs. Voilà où nous mènent tes caprices. Maintenant, assume et va au front... Avec moi. J’ai confiance, tu sauras maîtrise tes flammes...
Si Zeï essayait de me rassurer, je n’étais pas certaine qu’elle usait de la bonne méthode. Je ne savais pas si j’arriverais à maîtriser quoi que ce soit alors en plus faire attention à ne pas la toucher, c’était du niveau au-dessus. Le mépris que j’avais pu lire dans ses yeux me blessa, mais ce n’était pas le moment de bouder. Car maintenant qu’elle avait dit ce qu’elle avait sur le cœur, elle s’était arrachée à ma poigne avant de se lancer tête la première dans la mêlée, sans même avoir vu le visage de ses adversaires... Où était la Zeïna que je connaissais et qui préférait le calme de la bibliothèque ?
Maintenant trop loin pour la retenir, elle avait disparu au coin d’un nouvel embranchement. Des éclairs avaient fait bourdonner l’air qui nous entourait avant que Zeïna lâche un cri trop aigu pour être guerrier. Cela ne me disait rien qui vaille.
Je ne pouvais pas laisser mon amie se jeter dans la gueule du loup sans assurer au moins ses arrières. Attrapant une vieille brique au sol, je m’élançais à mon tour au-devant du danger.
Je n’eus que le temps de lancer ma petite arme de jet sans pouvoir viser que déjà une matière solide m’enlaçait avec violence. C’était quoi ce délire ?! Je n’eus juste que le temps de hurler le prénom de ma compagne d’infortune avant que le pire ne déferle sur moi. Je le savais bien qu’en l’absence de mon familier, je n’étais pas prête à affronter des zombies !
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