Chapitre 22 : Elinor

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Je me sentais tellement méchante. Comment avais-je pu confondre mes amies avec des monstres ? Je les avais attaquées en plus ! Moi qui n’aspirais qu’à la paix et qui n’aimais pas la violence, j’avais appelé les pouvoirs de dame nature pour agresser mes amies. Je me sentais salie par ma propre bêtise.

La tête basse, je marchais au milieu du groupe, essayant d’ignorer la voix basse d’Elio qui me répétait pour la quatrième fois que je n’avais pas à me sentir coupable. Mais il avait tort ! J’avais toutes les raisons du monde de me sentir coupable ! Sans parler du regard accusateur que j’avais pu recevoir de Cléo. Comme ne pas me sentir mal après ce que je venais de faire ? J’avais blessé mes meilleures amies !

— Tu veux que j’aille lui parler ? Connaissant Cléo, elle va bouder encore un peu avant de nous faire une blague dont on rira tous... proposa finalement Elio.

— Je ne pense pas que notre situation prête à rire, Elio... marmonnais-je, m’enfonçant encore un peu plus dans ma mélancolie.

Seuls les bruits de nos pas et leurs échos brisaient le silence de mort présent dans ces souterrains. Nous avions trouvé une entrée camouflée par de vieilles ronces. Entraînées par Alpha, nous nous y étions faufilées avant de découvrir toutes ces galeries de tunnel. Tantôt de pierre, tantôt de briques grossièrement taillées, nous nous laissions guider par l’instinct de Tessa.

Maintenant que nous avions retrouvé nos deux amies disparues et qu’elles nous avaient raconté leur aventure après les sables mouvants, nous continuions notre escapade. Revoir ma meilleure amie aurait dû me remplir de joie, et pourtant, je n’osais même plus lever les yeux sur son dos. Elle marchait devant moi et semblait être frappée du même mal que moi et lui bloquait toute volonté de parler.

Et justement, puisque je n’avais pas la force de lever la tête, je me pris son dos de plein fouet, mon front se cognant à son crâne. Cela me fit mal, mais je n’eus pas le temps de me plaindre qu’à nouveau, le regard cinglant de Cléofée me transperçait jusqu’au cœur.

— Je... Je suis désolée Cléo... bredouillais-je après m’être forcé au mieux.

Rien ne sortit de ses lèvres.

— Tu pourrais répondre quelque chose, Cléo. Tu vois viens qu’Elinor s’en veut non ? intervint Elio dont je sentais la présence à mes côtés.

Son intervention me fit rougir de gêne. Est-ce que je paraissais aussi perturbée ? Je l’étais, c’était un fait, mais est-ce que l’on pouvait véritablement lire à travers moi comme dans un livre ouvert ?

— Et alors ? C’est un juste retour des choses non ? claqua la voix de Cléofée dont le regard hautain était maintenant posé sur mon gardien.

— Faire des erreurs ça ne t’arrive jamais peut-être ? Oh, attends, j’oubliais, évidemment que ça ne t’arrive pas puisque tu ne fais jamais rien ! reprit Elio.

Je me retrouvais maintenant caché par la silhouette du jeune homme décédé. Je n’avais pas compris quand c’était-il placé entre moi et Cléo jusqu’à me défendre de son corps. Je ne pouvais voir le visage de Cléo, mais je la connaissais assez pour savoir que ce genre de pique ne restait pas impuni.

— Alors ce genre de remarques, venant d’un mort, ça me fait bien rire ! Et ensuite, arrête de chercher à la protéger, elle est assez grande pour assumer ces conneries toutes seules. Maintenant, vous m’excuserez, mais j’vais continuer d’avancer, y’en a qui ont un familier à récupérer ! grinça finalement la jeune femme avant d’accélérer le pas pour rejoindre les restes du groupe qui avait pris de l’avance.

Comme je m’y attendais, essayer de discuter avec Cléo n’avait pas été la meilleure idée du siècle. Cependant, entendre qu’Elio qui n’avait cherché qu’à me défendre en prenait aussi pour son grade m’avait donné un pincement au cœur. Cléofée pouvait être une sacrée peste quand elle n’était pas d’humeur.

Alors c’est assez naturellement que je glissai ma main dans celle de mon gardien. Il avait été très attentionné de vouloir me protéger. Il ne méritait pas les mots agressifs de notre amie trop fatiguée pour se rendre compte des dégâts qu’elle provoquait autour d’elle.

— Laissons-lui le temps de passer à autre chose. D’accord ? proposais-je simplement avant de reprendre la marche.

Elio m’offrit un sourire forcé. Il semblait vouloir contenir son chagrin, mais je voyais bien que ses yeux étaient tristes.

J’aurais voulu lui remonter le moral, mais le mien n’était pas au beau fixe. Il aurait été hypocrite de lui sourire. Surtout après tout ce que Cléo nous avait balancé à la figure. Intérieurement, je soupirais.

Forte de mes nouvelles convictions, je serrais un peu plus la main d’Elio et l’entraînais à accélérer le pas...

Seulement, après quelques enjambées, je me stoppais sous le regard surpris de mon ami spectre. Quelque chose d’étrange venait de se produire. Je n’avais pas eu le temps de bien voir. C’était arrivé sur le côté, lorsque nous étions passés devant.

— Qu’est-ce qu’il y a Elinor ? Un danger ? questionna Elio dont le chagrin avait été remplacé par de la curiosité et de l’inquiétude.

— Je ne sais pas trop. J’ai cru voir quelques choses, mais ça a disparu. murmurais-je, le regard fixé sur la paroi que j’avais cru y voir briller quelques inscriptions.

— Restons sur nos gardes. Part devant, je ferme la marche. Si je crie comme un gosse, c’est que je me serais fait surprendre.

Je lui offris un regard sceptique et il haussa les épaules, comme si même lui ignorait le pourquoi de ses paroles.

Sans plus lui accorder d’attention, je suivis son conseil et me rapprocha du reste du groupe qui avait pris de l’avance.

À un nouveau croisement, j’eus la même impression de voir des inscriptions fluorescentes incrustées dans les murs. Malheureusement, lorsque je tournai la tête, l’inscription restait invisible. J’eus beau me rapprocher, frotter la paroi poussiéreuse, il n’y avait rien de gravé. Étais-je en train de perdre la tête à être trop enterrée ? La terre avait beau être mon élément de base, tout comme les plantes, j’avais besoin de soleil et de grand air pour me sentir totalement bien.

Plus attentive, je marchais moins rapidement pour mieux capter ce que mes yeux peinaient à capturer.

Mon stratagème porta ses fruits, car après un nouvel embranchement de passé, les inscriptions se mirent à encore briller au coin de mon œil. Elles étaient là, ressortant de la pénombre dans une lumière blanche et bleutée.

— J’ai trouvé quelque chose ! lançais-je au reste de mes amies.

Elio me récupéra rapidement, mais je préférai attendre le reste du groupe pour expliquer ma trouvaille.

— Il faut marcher lentement et ne pas regarder directement les murs, c’est ça ? tanta de confirmer Liabell.

— Les signes semblent apparaître seulement dans notre vision périphérique. Comme pour rappeler le chemin à quelqu’un qui connaîtrait déjà les lieux. ajouta Zeïna qui touchait les inscriptions tout en regardant droit devant elle.

— Je ne vois pas vraiment l’intérêt d’un tel dispositif. Si on connaît le chemin, à quoi sert de mettre des indications ? intervint Alpha aussi sceptique que le reste de notre petite assemblée.

— Peut-être pour s’assurer que le chemin est le bon ? Après tout, ces galeries sont susceptibles d’avoir été préparées par un magicien. Peut-être que les tunnels sont enchantés et tentent de faire se perdre les magiciens qui ne seraient pas invités avec des murs mouvants par hasard. reprit Zeïna en réfléchissant à voix haute.

Nous nous tûmes tous, chacun se perdant dans ses pensées.

— Bon très bien, continuons tout en faisant attention à bien repérer ces écritures pour ne pas se perdre. trancha finalement Alpha en reprenant la tête de notre exploration.

Avec elle et Zeïna en tête, nous avancions avec beaucoup plus d’assurance qu’en marchant seulement à l’instinct. C’était d’ailleurs un miracle qu’on ne se soit pas perdu avant de remarquer ces écritures antiques.

Le malaise que j’avais pu ressentir avec cette malheureuse capture d’allié était un peu apaisé par ma découverte. Je me sentais moins inutile, même si Cléofée refusait toujours de reconsidérer ma place auprès d’elle.

En pensant à Cléofée, j’entendis cette dernière râler à l’un des croisements.

— Mais puisque je vous dis qu’il est par là ! Je le sens, Seth est dans ce tunnel pas dans celui-là. lança-t-elle d’une voix suppliante qui ne lui correspondait pas.

Je compatissais un peu avec elle. La jeune femme semblait perturbée que personne ne face d’effort dans la recherche de son familier.

— Nous ne devons pas nous séparer. Alors, tu restes avec nous. Si Seth est bien dans cette direction et bien, il aura aussi senti ta présence et il arrivera à nous trouver. Fais-lui un peu plus confiance Cléo. temporisa Lia en lui tapotant le dos avec douceur.

Ce geste sembla aider la mage de feu à se calmer et, tout en traînant les pieds, elle reprit le chemin que nous empruntions tous, non sans lancer un dernier regard à fendre l’âme au tunnel plongé dans les ténèbres.

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