Chapitre 27 : Elinor
J’étais tellement soulagée d’entendre que nous allions peut-être trouver une autre solution pour nous en sortir ! De mon côté, je donnais tout ce que je pouvais pour ralentir l’inondation. Je commençais à éternuer à force d’avoir les pieds dans l’eau gelée.
Avant de se faire kidnapper par le groupe de la porte, Elio m’aidait à identifier où pouvaient se trouver les plus grosses brèches par lesquelles l’eau s’infiltrait. J’encourageais alors une liane à s’y introduire et à se repaître de l’eau qu’elles recevaient.
Malgré mes efforts, l’inondation atteindrait tout de même bientôt nos genoux. Et pourtant, le plus gros de la catastrophe était maintenu par d’immenses bras végétaux qui servaient de sac de sable pour faire barrage. Mais cette digue sommaire ne tenait qu’à un fil : celui de ma concentration.
Le souci était que plus je sentais le niveau de notre problème augmenter, et plus je trouvais la tâche insoutenable. Il fallait que je sois sur tous les fronts à la fois, que je remarque la moindre nouvelle fissure. C’était un véritable travail de titan et je n’avais en aucun cas les épaules pour cette épreuve.
— Je ne vais pas pouvoir tenir encore longtemps. Comment ça avance du côté de la porte ? questionnais-je d’une voix forte pour couvrir le bruit des innombrables gouttes d’eau qui résonnaient en tombant dans l’immense flaque où nous pataugions.
— Ça avance... je crois... j’espère... m’expliqua Alpha avant de me montrer où mon barrage était le plus faible. J’appelais une nouvelle plante pour renforcer l’édifice.
J’avais beau rajouter des plantes, elles manquaient de soleil et étaient trop arrosées pour être fortes comme celles de la forêt. Je le savais et pourtant, je ne pouvais pas baisser les bras. Notre salut en dépendait.
Concentrée, je sentais peu à peu l’eau puissante gagner du terrain, commencer à dépasser mon barrage.
— Les filles ? Magnez-vous, je vais lâcher ! m’exclamais-je d’une voix tremblante.
— Non ! Par pitié ! Ne lâche rien ! Elinor, si je suis submergée, je meurs ! s’écria une Cléofée paniquée.
— Je fais ce que je peux ! sifflais-je en offrant toute l’énergie qu’il me restait encore.
J’avais beau me débattre, je sentais que j’aurais bientôt épuisé toutes mes réserves de magie. Je tenais bon, aussi fort qu’il m’était possible de le faire. Si fort que ma mâchoire crispée commençait à être douloureuse, si fort que je ne savais plus si sur mon visage coulaient des larmes ou bien si s’était la sueur qui perlait de mon front brûlant. Je ne pouvais plus tenir.
Tandis que ma volonté était en train de s’effilocher, dans mon dos, j’entendis une succession de bruits métalliques et mécaniques qui engendrèrent ensuite un silence lourd. Mon barrage cessa de déborder et petit à petit la pression se retira sur mes plantes tout comme le niveau de l’eau descendait rapidement jusqu’à se transformer en flaques sur le sol.
— On est vivant !!! s’exclama Cléofée euphorique.
Si j’étais également soulagée, j’étais loin de l’être au niveau de notre enflammée.
Comme l’eau semblait se retirer vers le centre de la salle, je n’avais plus besoin de rester concentré pour maintenir la liaison entre les lianes, et je pus aussi, observer le manège de mon amie, qui semblait avoir oublié qu’elle était encore une torche humaine.
Cléofée était toujours dans l’excès, néanmoins, j’étais persuadée que chacun d’entre nous ressentait le même soulagement. Moi y compris, bien entendu et cela allait crescendo avec mon barrage de moins en moins utile.
— Bon maintenant que l’on a trouvé comment ne pas mourir noyer, il faudrait trouver comment ouvrir la porte. tempéra rapidement Zeïna.
Elle faisait mine d’être agacée par l’euphorie de notre amie, mais ses traits étaient détendus, ou étaient beaucoup moins tendus qu’une poignée de minutes plus tôt.
Puis d’un coup, les explosions de joie de Cléo se turent. Elle avait glissé prêt du siphon géant qui avait emporté l’eau, elle était accrochée aux bords qu’avec une seule main, et déjà la pierre commençait à fondre sous la chaleur de sa main.
Sans réfléchir, je commençais déjà à me précipiter vers elle, il fallait la tirer de là avant qu’elle ne tombe. Je ne savais pas ce qu’il y avait en dessous, mais j’étais certaine qu’il ne fallait pas que Cléofée tombe dans le gouffre.
J’étais presque accroupie devant mon amie que je me sentis brusquement rejetée en arrière, des bras m’enlaçant avec force et me maintenaient prisonnière. Surprise, je tournais vivement la tête pour voir le visage affolé d’Elio.
— Elle va te consumer si tu la touches ! me souffla-t-il d’une voix blanche, les yeux rivés sur les doigts recouverts de flammes de Cléofée.
Tout le monde se retrouvait autour d’elle. Alpha essayait de faire s’approcher son ombre au plus près, mais Cléo était une flamme, par définition, elle éloignait les ténèbres.
Elio allait s’élancer. Il m’avait finalement lâché pour se mettre devant moi. Lui était déjà mort, il ne devait pas craindre d’être brûlé.
— Je vais lâcher... couina Cléofée dont je voyais les doigts de feu trembler sous l’effort, sa prise se déformant toujours sous la chaleur.
Si Cléo ne lâchait pas prise, elle finirait par tomber en emportant ce morceau de pierre liquide avec elle. Mon cœur se faisait déjà cendre.
Puis tout se figea autour de nous. Un rugissement se fit entendre alors que les portes derrière nous grondaient, puis un bruit de canon me secoua et je ne fus qu’une simple spectatrice de la suite.
Un familier apparu. Il s’agissait de Seth, mais ce dernier était comme sa maîtresse, intégralement revêtu d’une fourrure enflammée. Il parcourut en plusieurs bonds la distance qui le séparait encore de Cléo et plongea dans le gouffre au moment où les doigts de cette dernière lâchaient totalement.
Nous pûmes entendre un petit cri de surprise, vite éteint par un grognement d’effort. Les yeux grands ouverts et choqués, je lançais un regard sceptique en direction d’Alpha qui me regardait avec le même regard. Puis, nous nous ruâmes tous vers le puis.
À quelques mètres de la surface, Seth maintenait Cléo en lui mordant le bras. Cela ne devait pas être agréable, néanmoins, le familier réussit à remonter à la force de ses ailes.
Une minute plus tard, Cléo s’effondrait à notre niveau, Seth lui tournant autour, ralentissant l’intensité des flammes de sa maîtresse. En un tour de main, notre amie avait de nouveau une peau humaine, et son familier reprenait aussi une forme moins brûlante.
Le soulagement me coupa les jambes et tous comme Cléo, je me retrouvais au sol, le souffle court, les yeux emplis de larmes à cause de la peur intense que j’avais éprouvée. J’avais failli perdre ma meilleure amie pour la seconde fois pendant cette expédition.
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