Chapitre 30 : Alpha

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Ressortir vivants de ces ruines était un véritable cadeau de la vie. Je n’en revenais toujours pas que personne ne soit mort pendant notre excursion. C’était plutôt tant mieux, je pense que ma culpabilité à ce moment aurait pu faire disparaître ma raison. Après tout, j’étais celle qui avait entraîné tout le monde dans cette aventure. Si j’étais honnête avec moi-même, je reconnaîtrais sûrement à voix haute que j’avais eu tort de me lancer à corps perdu dans cette quête, sans avoir pris le temps d’écouter les recommandations de notre mentor.

Nous étions tous à bout de forces, tremblants de froid et de fatigue malgré l’après-midi ensoleillé. Nous étions loin de chez nous et encore, là-bas, nous devrions encore affronter une ultime épreuve : nos parents et tuteurs.

Une seule chose m’aidait à tenir. C’était cette boîte de bois et de fer qui pesait lourd dans mon sac, me sciant les épaules tout en me réconfortant. Si elle pesait lourd, s’était qu’elle était encore dans mon sac. À présent, je comprenais l’euphorie que pouvait ressentir Alec lorsqu’il revenait avec une nouvelle relique. Je comprenais sa fascination et l’étrange fierté qui illuminait son regard : j’étais persuadée d’avoir le même.

Il avait été compliqué de faire lâcher Liabell du corps sans vie de ce type qui nous avait pourtant farouchement donné du fils à retordre. Je n’avais pas compris pourquoi mon amie s’était tant attachée à un type rencontré pendant quelques minutes à peine. Enfin, lorsqu’elle avait accepté finalement de l’abandonner, elle était entrée dans un mutisme inquiétant, et ce, jusqu’à ce que nous retrouvions l’enceinte familière de notre académie de magie.

Les murs avaient-ils toujours semblé si polis et solides ? Tout semblait si neuf et récent comparé aux souterrains dans lesquels nous étions restés plusieurs jours.

Cela ne faisait qu’une dizaine de minutes que nous avions franchi les grandes portes que la rumeur filait sur notre passage. Nous étions sales, débraillés, l’épuisement avait sûrement dû métamorphoser nos traits, de même que la malnutrition.

Notre arrivée avait suffi à lancer l’alarme de notre retour. Cependant, je fus surprise par la vitesse à laquelle Karah Bergahm, la mère de Cléofée apparue devant nous, les poings sur les hanches, le regard aussi tranchant qu’une lame. Peut-être que je préférais repartir pour les souterrains effondrés.

Le bureau de la directrice n’avait pas changé d’un pouce. Bon, d’accord, nous avions dû quitter l’école une petite semaine seulement, ce qui expliquait que tout était encore en ordre.

J’avais fait de mon mieux pour fermer mon esprit tandis que la femme pourtant si maîtresse de ses émotions et froide perdait maintenant son sang-froid en nous hurlant dessus.

Lorsqu’elle s’interrompit pour finalement chercher à se calmer, ce fut sa fille aînée, Méline, qui reprit le relais.

— Puisque vous avez désobéi aux règles les plus basiques de notre établissement, le conseil de direction a voté pour rallonger votre temps d’étude dans nos locaux... Sans aucune permission de sortie accordée, ainsi que des travaux d’intérêt général. Il semble de Zeïna ait fait un joli tapage dans la bibliothèque avant de partir. Et pour finir...

Elle fut interrompue par des claquements de portes et des éclats de voix furieux venant de l’entrée de la partie réservée à la direction. Je n’eus pas à réfléchir longtemps pour savoir de qui il pouvait bien s’agir.

— Où sont-elles !!! Où sont-elles ! rugit, Alec, notre mentor, avant d’apparaître devant nous.

Il semblait épuisé, presque autant que moi. Ses cheveux étaient mal peignés. Il me toisa avec surprise tandis que je lui adressais un sourire vainqueur. J’avais survécu. J’étais prête à le suivre dans n’importe laquelle de ses aventures maintenant. Cependant, mon sourire ne sembla pas le charmer comme je le pensais.

— Toi, viens avoir moi ! Tu vas avoir un savon personnel ! déclara-t-il avant de m’attraper par l’un de mes poignets.

Faisant mine de ne pas souffrir sous sa forte poigne, je me laissais entraîner, n’ayant d’ailleurs même plus la force de me débattre.

— Tu m’as volé ! Tu as foutu en l’air mes recherches, et tu as disparu de l’académie ! Mais bon sang, quand es-tu devenue aussi cinglée !? Et en plus, tu as entraîné tes amies dans cette histoire, est ce que le mot « responsabilités » a-t-il un jour eu un sens pour toi ?! hurla-t-il une fois que nous nous fumes enfermé dans une salle vide.

J’étais totalement abasourdie. C’était clairement l’hôpital qui se foutait de la charité. J’eus un rire amer.

— Arrête de jouer au professeur responsable deux secondes, tu veux ? Si toi, tu connaissais la définition du mot « responsable », c’est certain que nous n’aurions pas cette discussion. Tu es le premier à fuir tes engagements, à nous fuir nous, à me fuir moi ! Et pourquoi ? Pour des vieux parchemins, des trucs oubliés, des bagues de puissance vides ! repris-je sur le même ton.

J’en avais assez qu’il me prenne pour une gamine incompétente. Dans ces souterrains, il me semblait que j’avais assez fait mes preuves pour être considérée comme une mage digne de ce nom.

Aussi, pour en finir avec cette discussion, je fouillai dans mon sac pour en sortir le coffre de Mac Gordon et le poser avec force sur l’une des tables d’étude qui nous entourait.

— J’ai pris des risques, j’ai bravé les dangers d’une quête que tu hésitais à suivre, et je t’ai ramené l’objet de ta convoitise ! déclamais-je avec une certaine fierté mêlée de rage.

À voir le regard rond de mon enseignant, je compris rapidement que mon coup de théâtre avait fait mouche, il en était bouche bée, totalement impressionné par notre prouesse.

— L’héritage d’Alister MacGodron ? questionna-t-il d’une voix blanche.

— Oui. Assez compliqué à trouver. Mais personne n’a été vraiment blessé en dehors de son amour-propre... Et peut-être que Lia a failli mourir d’un empoisonnement... Mais c’est la boîte que tu cherchais. Maintenant, si tu la veux, il va falloir arrêter de me traiter comme une enfant, j’ai fait mes preuves.

Encore sous le choc, il ne semblait pas voir mon cheminement de pensée. Je m’installais à mon tour sur la table d’étude, cachant la boîte avec mon corps, reprenant ainsi toute l’attention de l’homme sur moi.

— Si tu veux cette relique, il va falloir que tu prennes tes responsabilités Alec, en commençant par m’embrasser.

C’était une demande téméraire, mais revenir ici m’avait fait pousser des ailes. J’avais toujours voulu donner cet ordre à mon mentor qui n’était pas tant plus âgé que moi. Je le regardais dans les yeux, voyant bien que ma demande l’avait surpris sans pour autant le dégouter. J’étais sur le bon chemin. Il avait d’ailleurs déjà fait le pas qui nous séparait pour se rapprocher de moi.

Mais qu’est-ce qu’il pouvait être lent !! Et dire que je pensais qu’il aurait fait un effort pour sa précieuse boîte ! Mais non, il était lent, regardait l’endroit où aurait dû se trouver la boîte si mon corps ne faisait pas écran puis revenait vers mon visage. Agaçant. Après un profond soupir, je finis par lui agripper le devant de sa chemise sombre avant de le tirer vers moi. Le faisant pratiquement tombé contre moi. Cependant, nos lèvres étaient parfaitement entrées en contact. Sa bouche avait un goût de café et d’herbe pour éloigner le sommeil. Ses lèvres étaient gercées de s’être trop inquiétées. Et malgré la spontanéité de mon mouvement, le baiser resta étrangement doux. Me faisant fondre, m’ôtant une grosse partit des tensions qui avaient pesé sur mes épaules pendant cette semaine de liberté intense.

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