Chapitre 01 : Alpha

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Est-ce qu'il allait bien ? Je me posais cette question depuis qu'il était parti. Une course, hein ? Mais il se fichait de qui ? En attendant, nos entraînements étaient irréguliers et surtout retardés.

L'absence de notre mentor me mettait les nerfs en pelote. Et j'avais beau assassiner mon dernier pancake baignant dans le sirop d'érable que cela ne changeait rien à la situation. J'étais de mauvaise humeur. M’inquiéter pour lui, et pour nous ne faisait qu’accroître mon sentiment de totale stagnation.

Finalement, je terminais ma petite assiette et lécha mon couteau discrètement. Quand je relevais la tête, je fus surprise de découvrir qu'en face de moi, Elinor s'était installée, flanqué d'Elio. Mon amie aux cheveux de feu était coiffée d'une tresse sur le côté, ornée de quelques marguerites. C'était sa coiffure habituelle, mais j’appréciais toujours autant les petites fleurs qui s'ouvraient et se fermaient au gré des différents mouvements qu'Elinor effectuait inconsciemment.

Je soupirais d'avance, le sourire béat qu'elle affichait ne présageait rien de bon.

— Ils vont bientôt arriver... déclara-t-elle en ronronnant presque de plaisir tandis qu'elle se servait son petit-déjeuner.

Le salon était vide mis à part Elinor, Elio et moi, il n'y avait personne. En même temps, qui irait se lever aux aurores pour se nourrir ?

À mon grand regret, Elinor avait raison. Quelques minutes plus tard, la seconde table de la salle à manger, réservée aux mages en année de stage, fut emplie de crétins, dont monsieur-je-me-la-pète. Alias, Magnus, mon abruti congénital de frère. Déjà, sa grosse voix brisait le calme que l'endroit arrivait sans mal à conserver en son absence.

Mes yeux observaient l'air béat de ma voisine d'en face. Depuis qu'elle était arrivée à l'académie, elle avait toujours été sous le charme de Sean. Bon d'accord, il était bien charmant à quelques égards. Mais il restait le meilleur ami de mon frère et également le petit ami d'Astrid. Cependant, cela ne semblait pas couper court aux espoirs de notre rouquine nationale. Je me raclai la gorge avant de faire un petit signe à Elio.

— Hum... Elinor est-ce que tu... commença-t-il à voix basse.

— Mais qu'est-ce qu'il lui trouve... Franchement... vous pouvez me le dire ? siffla la rouquine entre ses dents.

— C'est moi qui me demande ce que tu lui trouves... ronchonnais-je en plaçant mon assiette en bout de table avant de me lever.

— Tu t'en vas déjà ? demanda une voix calme dans mon dos.

Je me retournais pour voir Liabell. Elle avait encore les cheveux humides de sa douche. Les joues rouges, elle devait avoir monté les escaliers en vitesse. Ses cheveux noirs lui caressaient les épaules et sa frange camouflait ses sourcils fins. La couleur de sa chevelure ébène faisait ressortir à merveille son regard bleu-gris.

— Oui... Désolée, je voudrais aller m’entraîner. Si Alec n'est pas là, je ne vais pas me tourner les pouces en attendant sagement qu'il décide de revenir. Je veux progresser, s'il n'est pas là pour me chaperonner et bien tant mieux. lâchais-je alors que je réinstallais correctement ma chaise.

— D'accord, je viendrais te voir plus tard alors... déclara mon autre amie pendant qu'elle s'installait autour de notre table.

Je lançais un dernier regard circulaire à la salle à manger. À mon goût, il y avait une table en trop. Celle où mon frère était assis. Les regards en coin qu'il me lançait ne faisaient que me hérisser davantage.

Il fallait que j'aille prendre l'air, que je m'aère l'esprit. Que j'arrête de me tourmenter avec les activités secrètes de mon mentor. Je n'étais que son élève après tout, il n'avait aucun compte à me rendre. Enfin, c'était sa réputation qui mettait en jeu nos résultats de stage. Même si je n'avais pas d'inquiétude à me faire, j'espérais tout de même pouvoir faire partie des meilleurs de l'année. Pas que je fusse obsédée par mes résultats. C'était simplement pour me prouver ma valeur à moi-même. Après tout comment saurais-je de quoi j'étais capable si je ne me donnais jamais à fond ?

Je m'étais changée rapidement dans les vestiaires avant d'entrer dans une petite salle d'environs vingt mètres carrés. C'était étroit, mais il ne m'en fallait pas plus pour ce que je faisais. Assise sur le tapis de gym installé au sol, je faisais le vide dans mon esprit. C'était le passage obligé pour pouvoir manipuler l'ombre que créait mon corps. Le vide était plus dur à faire depuis quelques jours. Je n'avais pas mon mentor pour me donner des conseils... pour la plupart inutiles, mais sa voix m'avait toujours rassuré et encouragé d'une certaine façon.

Quand j’eus la possibilité de manipuler ma propre ombre, je la fis se tordre et se modifier au gré de mon envie. C'était en cela que résidait mon pouvoir. Mon ombre, je pouvais en faire ce que je désirais. La faire changer de forme, la rendre tangible, la faire disparaître. C'était bien pratique quand je n'avais pas envie de me déplacer de mon lit pour aller chercher un paquet de friandises...

Combien de temps m’entraînais-je aujourd'hui ? Il ne m'était pas possible de le savoir. La pendule de la pièce avait été retirée quelques semaines plus tôt pour aller en réparation. Ne pas savoir l'heure ne me dérangeait pas plus que cela et ne pas avoir le tic-tac sonore de l'objet mécanisme m'aidait à me concentrer davantage. Cependant, même si je me concentrais sur ma manipulation, ce n'était pas le cas sur la forme que je faisais prendre à ma projection sombre. Et avant même que je ne m'en sois rendu compte, elle avait pris la silhouette de mon mentor. Je l'observais un moment. Ses épaules étaient carrées et ses cheveux lui arrivant en dessous des épaules étaient identiques à l'original, même si leurs couleurs étaient blond foncé et non noir comme le représentait mon ombre. Je me félicitais intérieurement de la ressemblance que j'avais réussi à créer. Ajouté à cela, un petit nez quelque peu relevé en trompette et des yeux que je connaissais par cœur et que je savais être d'un vert pâle hypnotisant. Aussi ma structure immatérielle et monochrome n'était pas un frein à mon imagination.

— C'est un bon début... lança une voix que je ne connaissais que trop bien.

Mon modelage s’évanouit aussitôt qu'une masse vint poser ses deux pattes sur mes épaules. Une langue râpeuse s'était aussitôt étalée sur ma joue droite.

— Tu m'as manqué aussi Alian... murmurais-je à l'attention du familier de mon mentor qui ressemblant à une panthère des neiges en plus petit.

Par reflèxe, je lui offris une grattouille sur le crâne, ce qui l'encouragea à me laisser me lever. Je faisais face à la version originale d'Alec. À le regarder, la réplique n'était pas aussi fidèle que je l'aurais cru. Le demi-sourire de mon mentor était sûrement l'une des choses que je ne pourrais jamais reproduire. Il s'était arrêté dans encadrement de la porte, reposant une partie du poids de son corps sur l'épaule collée à ce même encadrement. Ses bras étaient croisés et ses cheveux étaient attachés en une petite queue-de-cheval tandis que deux mèches blondes encadraient son visage anguleux.

Je tournais alors vivement la tête en direction de son familier. Je n'avais pas envie qu'il remarque mon sourire soulagé et satisfait. Oui, j'étais contente qu'il soit de retour, mais j'étais toujours agacée qu'il soit parti si longtemps et sans me dire... ou, nous dire, où il allait et dans quel but ! C'était notre mentor et nous étions sensés avoir besoin de ses enseignements.

— De retour finalement ? Je croyais que je pourrais à jamais me passer de tes explications barbantes ! commençais-je sans me soucier réellement de l'ordre hiérarchique.

Il rit à ma petite pique et j'entendis ses pas se rapprocher de moi.

— Justement, je ne voulais pas vous faire ce plaisir, j'ai encore plein de leçons à vous dispenser... Mais pas aujourd'hui. J'ai d'autres obligations. C'est pour cela que je suis là, d'ailleurs... Tu pourrais retrouver tes camarades et leur dire que vous profiterez des enseignements de Méline aujourd'hui ? Il ne faudrait pas que vous premier trop de retard...

— Avec Méline ?! je faillis m'étrangler rien qu'à prononcer son prénom.

— Oui, c'est ça... C'est important. Je me ferais pardonner plus tard... Ne tarde pas, sinon elle va vous donner des corvées ! À plus tard !

Et ce fut tout, Alec s'était volatilisé, son familier trottinant sur ses talons. Je fulminais et mes joues avaient sûrement dû rougir. Dans ces moments-là, je ne le supportais pas. Pas prendre de retard ?! Mais c’était à cause de lui que l'on en avait autant ! Avec son attitude d'homme jamais présent, ayant toujours quelque chose de plus important à faire que de s'occuper des étudiants dont il avait la charge ! Là, il nous envoyait nous faire ridiculiser par un autre mentor. Une véritable tortionnaire. Mais ce n'était pas le pire. Si nous devions aller avec Méline, cela signifiait que notre séance allait se passer en compagnie de mon frère et de sa petite bande. J'en déprimais par avance.

Même si je rechignais, avoir un cours digne de ce nom n'était pas désagréable et puis si je ne passais pas l'information tout allait me retomber dessus et ce serait moi que l'on gronderait. Ce fut donc en traînant les pieds que je pris le chemin des dortoirs réservés aux stagiaires que nous étions. C’était au dernier étage, aussi ce fut essoufflée que j’arrivais sur le palier. Là se trouvais deux ailes différentes, l'aile est était réservée aux femmes et l'ouest pour les hommes. Cela ne faisait que quelques semaines que nous avions pris nos appartements. Mais avant de prévenir les autres, je voulais souffler un peu et remettre des vêtements qui ne me donnaient pas l'air d'aller courir un marathon. J'aimais bien mon apparence et en prenait soin... Même si cela n'était pas ma première priorité, si je pouvais m'appliquer, je le faisais.

Ma chambre était bien rangée. Tout était à sa place et l'air ambiant sentait les pins grâce à la fenêtre que j'avais laissée ouverte. Seul mon lit était encore défait. Tessa, mon familier aux corps d'ocelot miniature dormait encore à ma place. Je souris en coin avant de retirer la couette sous laquelle elle dormait toujours.

— Debout là-dedans, on va devoir aller travailler dur aujourd'hui ! chantonnais-je en simulant la bonne humeur.

Je me fis bien évidemment grogner dessus, mais cela n’empêcha pas le félin ailé de se lever pour descendre du lit après s'être étiré et avoir largement bâillé. Je pus refaire le lit avant de changer de vêtements devant mon miroir mural. Une paire de baskets confortable chaussait mes petons et un jeans en élasthanne gardait mes jambes au chaud. En haut, j'avais retiré le vieux t-shirt que j'avais enfilé pour mon entraînement et l'avais troqué contre un débardeur qui épousait sobrement mes formes. Par-dessus, une sorte de pull en tissus très fin et léger qui laissait passer l'air et voir mes bras très peu bronzés. Mes yeux gris perles étaient soulignés d'un trait de crayon noir et mes cils allongés avec l'aide d'un mascara. Mon visage rond ne portait pas d'autre trace de maquillage. Quant à mes cheveux, je les laissais détacher et onduler librement dans mon dos. Cette chevelure platine à laquelle je tenais beaucoup s'arrêtait au niveau de mes reins.

Enfin prête, j'allais pouvoir annoncer la "très bonne nouvelle" à mes camarades qui seraient sûrement immensément ravis du programme que j'allais leur donner pour la journée.

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