Chapitre 06 : Alpha
Mon regard était sévère. Du moins c'était comme cela que je voulais qu'il soit tandis que j'observais mon mentor. Non, je ne devais pas le voir ainsi. Pour le moment, il était ma proie, mon jouet, et je devais le faire parler, le faire acquiescer, le confronter à la dure réalité qu'il semblait fuir depuis qu'il était devenu notre enseignant. Alec me fusillait du regard et sa mâchoire fermement serrée. Je pouvais discerner de la colère et de l'incrédulité dans ses yeux verts, mais je ne devais pas flancher.
Assise en face de lui, à califourchon sur une chaise de bois, je l'observer essayer de retirer le bâillon magique que j'avais enchanté, au moins pouvait-il m'écouter jusqu'à ce que j'ai terminé mon plaidoyer.
Car si je l'avais ligoté aujourd'hui, ce n'était pas pour un plaisir sadique de voir mon mentor totalement sans ressource... Quoique, le voir mis au pied du mur, sans possibilité de fuite était quelque chose que j’appréciais... La raison pour laquelle il se retrouvait dans l'incapacité de s'en tirer facilement était que je lui faisais la liste de ses obligations envers moi... nous... ses élèves. Il devait nous faire cours au lieu de passer ses journées à disparaître pour je ne savais où. Il devait arrêter de me rendre folle d'inquiétude ! Cela nous retardait tous dans notre dernière année d'apprentissage si cruciale pour notre avenir. Et cela, je ne pouvais le concevoir. J'avais travaillé trop dur pour échouer à cause du souci qu'Alec me donnait. Sans ajouter que je craignais que mes cheveux platine ne virent au blanc plus tôt que prévu. Oui, j'étais vraiment bien trop jeune pour cela.
— … Et c'est tout ce que j'avais à dire. J’espère que tu pourras me pardonner, mais je me devais de te dire tout cela. Maintenant, je vais te laisser réfléchir à notre conversation et prier pour que tu entendes finalement raison.
De manière impérieuse, je me levais de ma chaise avant de la ranger contre un mur avant de fermer la porte et de disparaître de la vue de l'homme que je venais de sermonner. La première partie de mon plan venait d'être exécutée, la seconde pouvait commencer. Mais avant, je laissais le stresse que j'avais accumulé dans cette pièce, se relâcher en un long soupire.
Après m'être secouée, je me mis à galoper jusque-là chambre d'Alec. J’eus la chance de constater qu'il ne fermait pas sa porte à clé et que son familier était sûrement parti chasser quelque part puisque rien, ni personne, ne me dérangea pendant ma violation de domicile.
Comme convenu, je me mis à chercher tout et n'importe quoi de compromettant. Sous le lit, les oreillers, derrière les étagères, dans les tiroirs du bureau... Mon regard s'attarda alors sur un vieux bout de parchemin griffonné posé simplement sur le bureau. Ma curiosité fut aussitôt harponnée. J’eus du mal à déchiffrer, mais cela parlait de grands pouvoirs, de magie et de trésor... Mon cœur loupa un battement, mais il ne mit pas longtemps à repartir. Dans mon esprit, tout était clair alors : il fallait que je montre cela aux filles. Surtout à Zeïna, elle saurait sûrement interpréter cela et récupérer les indices.
Quelques instants plus tard, je faisais fuir Alator à cause des documents que j'exposais sur le lit de mon amie emplie de connaissances.
— C'est très important, étudie ça et retrouve-moi quand tu auras des indices. C'est assez urgent, alors je te fais confiance pour être rapide. Tu auras mon entière gratitude et tout mon amour si tu réussis ! lançais-je à Zeï une fois toutes mes trouvailles installées.
— J'ai déjà les deux... l'entendis-je grogner alors que je m'en allais tout aussi rapidement.
Après tout, j'étais pressé de savoir ce que monsieur-j'ai-pas-le-temps-de-vous-faire-des-cours-digne-de-ce-nom allait m'avoir trouvé comme excuses pour que je le relâche. Avant d'ouvrir la porte, je pris bien le temps de reprendre une respiration calme et posée et de remettre mes cheveux fins et ondulés en place, tout comme mes vêtements. Il ne fallait pas qu'Alec croie que j'avais pu courir pour lui.
J'entrais alors doucement dans la pièce plongée dans la pénombre avec pour seule source de lumière une simple fenêtre, trop petite pour qu'un corps s'y glisse.
Bien que calmé, mon cœur sauta un ou deux battements devant ce que je voyais : la chaise d'Alec était maintenant vide. Sous le coup de la surprise, mes yeux s’écarquillèrent et mes pieds m'obligèrent à avancer quelque pas... La porte put alors claquer violemment dans mon dos, me faisant alors sortir de mon hypnose.
— TOI ! TRAÎTRESSE ! rugis la voix de mon mentor alors que je me faisais contre le mur par un vent violent. Je me pris les briques rouges du mur en plein visage. Je n'avais pas eu le temps de me protéger de mon ombre, l'impact avait été alors douloureux.
— Tu veux des exercices ? Tu veux de la difficulté pour t'améliorer ? Et bien je vais tous vous en donner. Vous irez aider les assistants de surface jusqu'à la fin de l'année ! Sans utiliser vos mains et que tout soit nickel tous les jours ! renchérit-il.
Affalée contre le mur, je me tenais un de mes coudes malmenés ainsi qu'un côté de mon visage. Un frisson de peur avait couru le long de ma colonne vertébrale quand j'avais pu croiser son regard terriblement furieux. Je sus alors que j'avais sûrement dépassé les limites avec ma séquestration. Mais c'était pour le bien du groupe, il fallait bien parfois faire des sacrifices pour mieux avancer et j'avais été consciente que c'était moi qui j'envoyais à l'abattoir.
Mais j'avais beau être consciente de mes nobles raisons, cela ne m'empêcha pas de me sentir honteuse d'en être arrivée à de telles extrémités ou triste de voir Alec autant m'en vouloir. Il finit par s'en aller en claquant furieusement la porte, me laissant plantée là, sans même m'avoir accordé un regard inquiet après m'avoir fait violence.
Le claquement de porte sec résonna de longues secondes le long de mes os, jusqu'à parvenir à mon cœur. Ce résonnement appela les larmes et bientôt mon mascara et mes crayons se mirent à couler sur mes joues. Je me sentais désemparée devant la colère disproportionnée d'Alec. Le pire dans tout cela, c'était sûrement que je n'arrivais pas à imaginer d'autres méthodes pour lui faire entendre raison une bonne fois pour toutes, avec ce kidnapping, j'avais joué ma dernière carte. Si après cela, il ne prenait pas son rôle de mentor à cœur, nous devrions toutes nous entraîner les une les autres pour obtenir notre année.
Une heure plus tard, Liabell savait tout de la situation. Elle était en train de faire des brasses dans le lac tout en m'écoutant. Je la laissais à ses activités sportives et elle écoutait mes histoires tandis que j'étais allongée au bord de l'eau, jouant avec des alevins qui venaient picorer mes doigts.
— Je t'avais prévenu que ce n'était pas une bonne idée de le forcer à rester en place. Ce qu'on aurait dû faire depuis le début, c'est l'accompagner dans ses virées. finit-elle par me rappeler alors qu'elle sortait de l'eau en m'éclaboussant un peu avant que je ne lui envoie sa serviette de bain.
— On n'aurait jamais pu, la repris-je. Il nous aurait fallu des autorisations signées etc. il file avec le vent, on n’aurait jamais pu le rattraper.
Nous discutâmes encore un moment de ce que je n'aurais pas dû dire et de ce que j'aurais pu faire pour mieux faire passer mon SOS à mon Alec... enfin, celui de tout le monde aussi...
— Si tu veux mon avis... mais je doute que tu prennes ça en compte : tu devrais laisser tout simplement tomber. Tu te fais du mal et tu lui fais du mal et en retour c'est lui qui te fait du mal. Il me semble que c'est le serpent qui se mord la queue... Cette situation finira par vous détruire... enfin, c'est seulement ce que je pense. termina Liabell avant de disparaître dans sa douche, me laissant seule tandis que ses paroles tournaient douloureusement en boucle dans mon esprit.
Avais-je vraiment autant foiré que cela ?
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