Chapitre 08 : Liabell

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Il devait être à peine vingt et une heures lorsque je m'étais allongée dans mon lit, les couettes remontées sur ma poitrine, mes mains sur mon ventre. Je me sentais épuisée, et pourtant, il m'était impossible de fermer l’œil et de laisser le sommeil arriver. J'étais là, les yeux grands ouverts, incapable de faire autre chose que de me mordiller les lèvres tout en m'inquiétant pour mes amies. Chacune semblait s’empêtrer dans leurs problèmes sans que je ne puisse rien y faire...

À commencer par Alpha. Même un aveugle se serait rendu compte qu'elle était, au fil des années, tombée amoureuse d'Alec, notre mentor absent. Je ne savais pas ce qu'Alec ressentait pour Alpha précisément, mais j'étais certaine que c'était loin d'être de l'indifférence. Il n'y avait qu'eux deux pour ne pas voir l'affection qu'ils se portaient mutuellement. À cause de cela, Alpha réussissait à se faire du mal toute seule et peu importe ce que j'aurai pu dire, elle n'en n'aurait fait qu'à sa tête.

En pensant à la tête de mule qu'était Alpha, j'en vins à divaguer sur Zeïna et sa soudaine fixation qu'elle nous faisait sur le nouveau bibliothécaire. Il ne devait pas être plus vieux que notre mentor et pourtant il avait le comportement d'un vieil homme aigri par les années. Cette amie-là non plus ne semblait pas consciente que ce genre de comportement était la marque d'une curiosité étrange plus qu'une profonde animosité. J’espérais seulement qu'elle ne dépasserait pas les limites et qu'elle se contenterait de quelques petites incantations qui ne nuiraient à personne.

Pour ce qui était de nuire à quelqu'un, Cléofée et Magnus remportaient la palme d'or. Il m'était parfois vraiment difficile de savoir qui gronder entre l'une de mes amies d'enfance et mon capitaine d'équipe. Je connaissais Magnus en dehors de l'école. Sur le terrain, il était réfléchi, malin et savait travailler en équipe... Cléofée, quand elle se retrouvait seule avec moi, était drôle, délicate et bien éduquée. Il suffisait de les mettre face à face pour que cela créer des étincelles et que ces deux jeunes gens deviennent littéralement des autres personnes qui ne cherchaient qu'à se détruire le plus violemment possible.

À l'opposé de l'amour vache, il y avait Elinor. Notre petite mascotte à toutes... Petite mascotte qui fondait comme neige au soleil dès que Sean passait dans le même couloir qu'elle sans jamais qu'elle ne lui avoue ses sentiments. Sentiments qui ne faisaient que la consumer un peu plus chaque jour.

Un profond soupir me fit constater que je ne dormais toujours pas, trop occuper à énumérer le nombre de problèmes de mes amies tandis que ma seule préoccupation était de m’entraîner plus de quatre heures par jour pour les Foulard-Rouge sans que cela entache mes cours. Et j’étais plutôt satisfaite de ne pas avoir mes propres problèmes de cœur à gérer. Personne ne m'intéressait et je n'intéressais personne, ce qui me donnait beaucoup de temps pour m'inquiéter pour mes amies, pour jouer le rôle d'ange gardien.

Plus les minutes passaient et plus je me rendais compte que je ne m'endormirais pas tout de suite. L'esprit trop encombré, il fallait que j'aille me changer les idées, prendre l'air, profiter des rayons de la lune pour me tranquilliser.

Il était maintenant minuit passé, et je marchais calmement dans les grands couloirs baignés de la lumière lunaire. La fraîcheur du lieu me donnait la chair de poule, mais ce n'était pas désagréable. C'était le prix de la paix dans un endroit qui, de jour, était naturellement emplie d'une foule d'étudiants

Je marchais sur le sol sans que mes ballerines ne fassent plus de bruits que des pas de chat. C'est ainsi que je pus entendre nettement le claquement d'une paire de talons aiguille au loin ainsi que le chuintement d'une cape de magiciens se traînant au sol. Le bruit des talons m'avait fait aussitôt penser à Cléofée qui ne portait que cela, mais lorsque mes yeux se posèrent sur une silhouette grande et élancée ainsi qu'une longue chevelure d'ébène, je souris pour moi-même en reconnaissant sa sœur aînée, Méline.

— Bonsoir... me dit-elle d'une voix calme et posée.

Je lui répondis la même chose par politesse. À l'inverse de Cléo et d'Alpha, je n'avais rien contre Méline. J'appréciais son assiduité et son sérieux dans son travail tout comme j'acceptais son autorité parfois dure et arbitraire.

— Que fais-tu ici ? reprit-elle avec curiosité tandis que son familier, un puma femelle, d'ordinaire très agressif, venait marquer son territoire sur ma jambe en y frottant sa joue.

— Je n'arrivais pas à dormir, alors je me promène pour m'aérer l'esprit. avouais-je sans ressentir de culpabilité. Après tout, nous étions dans une école, pas une prison, et dès que nous devenions majeurs, les couvre-feux ne s'appliquaient plus.

— Je vois. C'est ce que je fais aussi. Même si je pense que nous n'avons pas les mêmes préoccupations.

C'était évident que nous n'avions pas les mêmes préoccupations. Tellement évidant que je ne pris pas la peine de répondre, seulement d’acquiescer d'un signe de tête.

— Tu es quelqu'un de sage, Liabell... Je le pense vraiment. Tu es sage et appliquée, une fois l'année terminée, tu pourras sans aucun doute faire ce que tu désires de ton avenir. Cependant, si tu m'autorises à te donner un conseil... Arrête de t'en vouloir pour Nani. Les accidents sont des accidents parce que personne ne peut les prévoir, pas même toi qui possèdes le don si précieux de contrôler l'espace...

Je restais interdite devant les propos à la fois compatissants et blessants de la mentore. Cela me perturba plus que je ne voulus l'admettre. D'ailleurs, je fus incapable de trouver les mots pour lui répondre. Elle avait posé une main chaude sur mon épaule et m'offrait un regard bienveillant. Cette bienveillante humanité, j'étais également surprise de la lire sur le visage de la demoiselle pourtant si froide et dur d'ordinaire.

Quand je pus reprendre mes esprits, Méline et son familier avaient disparu. Il ne restait que la lune et mes regrets pour me tenir compagnie.

Nani, cette petite sœur que je n'avais pas pu protéger ni faire revenir vers moi en tant que gardienne... Nani... Cela faisait un moment que je n'avais pas été voir sa stèle. À cet instant je commençais seulement à comprendre la raison de mon insomnie. C'est ainsi que je décidais d'aller me recueillir sur la tombe de ma sœur décédée dans un accident magique.

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