Chapitre 09 : Zeïna
La mission que m'avait confiée Alpha n'était pas de tout repos. Les indices très minces et la possibilité de succès quasi nulle. J'étais consciente de tout cela, et pourtant, j'avais tout accepté. Les risques, les dangers, tout. Et pourquoi ? Pour plus que de l'or ou des diamants, plus que la renommée ou une place importante dans la société : Un savoir ancestral oublié. À mes yeux cela était plus précieux que n'importe quel trésor ou bijou. Un vieux manuscrit sur des trésors, des artefacts oubliés renfermant une magie très ancienne. La jeune femme avide de savoir que j'étais ne pouvait passer à côté d'une telle occasion. Cette occasion et aussi celle de pouvoir montrer à ce bibliothécaire à deux ronds que ces livres n'étaient pas aussi bien gardés qu'il le prétendait. Car c'était bien ce que je comptais faire : un vol de livre dans la bibliothèque de monsieur-je-fais-l'amour-à-mes-bouquins !
Il était tard, et j'avais dormi une heure ou deux. Alator m'avait réveillé en soufflant sur ma main. Les sens en alerte, j'avais pris ce dont j'avais besoin et était partie dans ma mission presque suicide.
Le plus simple fut d'entrer. Non pas par la grande porte qui était sûrement gardée par de puissants charmes de verrouillage et de détection. Non, une simple fenêtre ronde au dernier étage, dans un rayonnage que personne ne visitait jamais, pouvait faire l'affaire. Armée d'une corde, j'avais descendu en rappel jusqu'à briser la vitre de façon la plus silencieuse possible. Mon familier n’était pas à mes côtés et pourtant, il m'aidait à faire mon mauvais coup, guettant la porte d'entrée discrètement. Il saurait me prévenir si quelque chose arrivait.
J'avais finalement mis les pieds dans le poulailler. Des livres partout, j'étais à l'endroit où il était le plus probable que je trouve quelque chose en rapport avec ce fameux héritage dont parlaient les recherches d'Alec. Je ne m'étais jamais trop approchée des vieux mémoires, préférant les traités techniques ou les rapports bien établis. Aussi je m'enfonçais alors dans une véritable découverte au fur et à mesure que j'ouvrais les livres qui semblaient correspondre de près ou de loin à ma quête.
Mes recherches furent longues et fastidieuses... jusqu'à ce que je tombe sur le nom qui avait été trouvé dans les documents qu'avait volés Alpha : Alister Mac Gordon.
Je le feuilletai rapidement, j'y trouvais une carte d'un domaine, des feuilles volantes de notes, de vieux sortilèges et autres potions. Ce livre en lui-même m'aurait fait avoir des étoiles dans les yeux si j'avais eu plus de temps pour le découvrir. Mais à la place, les lucioles qui m'aidaient à voir dans la pénombre ne furent plus utiles. En effet, une source de lumière beaucoup plus imposante, rapide et intense arrivait droit sur moi. Par réflexe et parce ce que je maniais moi aussi cet élément, j’eus le temps de me tordre pour éviter l'attaque, le livre miracle toujours dans mes mains.
— Encore vous ! siffla la voix agaçante du bibliothécaire.
Ma mâchoire se serra de mécontentement, je me doutais qu'il faisait des rondes dans les rayons la nuit, je ne me doutais pas cependant qu'il restait dans la cette pièce toute la nuit !
— Si j'avais plus de temps à perdre, croyez-moi que je m'occuperais à cœur joie de vous faire la liste de tout ce que je vous reproche ! expliquais-je, sans vraiment savoir pourquoi, le temps que je glisse le grimoire dans la besace en peau que j'avais emporté dans cette optique.
Je ne savais pas pourquoi j'avais fait cette remarque, néanmoins, je m'en félicitais en voyant le visage déformé par l'incrédulité du jeune homme. D'ailleurs, de ce que j'en voyais grâce aux rayons de la lune, il avait l'air plus grand que la dernière fois que nous nous étions croisés. Son regard plus sombre aussi. Ses cheveux en revanche étaient toujours longs, quoi que, détachés ce soir, et d'un blond vénitien tirant plus sur le roux que sur le blond.
— Vous n'irez nul par tant que vous n'aurez pas remis en place chaque document que vous avez consulté.
Mes lèvres se pincèrent. Il ne semblait pas surpris que j'aie réussi à entrer par effraction, mais alors que je prenne un livre avec moi le défrisait complètement.
— Je ne vous le redirais pas une seconde fois, je vais devoir sévir !
Sévir ? Vraiment ? Il croyait sincèrement que j'avais quatre ans et que je me laisserais intimider par un simple « je vais sévir » ? Même si je le prenais au sérieux, j'étais vexé que cet homme me prenne de si haut.
— Je suppose qu'il est inutile de préciser que je comptais vous rendre ce livre une fois qu'il ne me serait plus d'aucune utilité ! soulignais-je en jetant de nombreux coups d’œil autour de moi. J'étais un petit peu prise au piège entre les étagères. Aussi n'eussé-je pas d'autre choix que de ressortir le livre de mon sac pour le présenter à ce bureaucrate.
Ce dernier l'avait presque attrapé entre ses mains que je lui assénais mon plus puissant coup de pied dans le ventre. Coup de pied qui le mit étrangement rapidement à terre, je lui sautais au-dessus aussitôt pour m'enfuir. Il réussit cependant à m’attraper la cheville et je m’étalai de tout mon long sans pour autant lâcher le livre. Par réflexe, je lui offris un nouveau coup de pied, cette fois-ci en plein visage, grimaçant sous le « crac » particulier d'un nez qui se brise suivit du grognement de douleur de mon adversaire.
Occupé à tenir son nez, comme si ce dernier était sur le point de tomber, je commençais alors à fausser compagnie à mon compagnon de soirée, évitant du mieux que je pouvais les projectiles de foudre qu'il balançait sur moi. Il me coursait et au moment où j’allais partir de la bibliothèque par la grande porte largement ouverte, je suppliais Alator de venir m'aider.
À mon grand désespoir, je vis ce dernier s'avancer lentement jusqu'à être devant moi tandis que le blond n'était qu'à deux mètres à peine, prêt à nous envoyer son grand final en pleine poire. Mais finalement, Alator déchargea toute l’électricité statique que j'avais pu charger en lui, ce qui créa une énorme vague de choc en direction du jeune homme. Ce dernier ne put qu'accuser le coup, voler sur deux mètres à cause de l'impact et tomber inconscient sur le sol.
— Maintenant que tu t'es bien amusée, nous pouvons peut être filé. me fit remarquer mon familier avec un calme olympien.
Je hochais simplement la tête tandis que le reste de mon corps refusait de bouger. Choquée d'avoir été témoins des grandes capacités de mon familier que je n'avais jamais vu aller à fond dans l'utilisation de ses pouvoirs
— Zeïna, il n'est pas mort... Mais cela peut être rapidement notre cas si nous ne sommes pas très loin quand il reprendra ses esprits. me secoua-t-il un peu plus.
Me voyant rester là à m'enraciner, il finit par attraper le pan de l'une de mes manches pour le tirer hors de la bibliothèque. Encore perdu, je me laissais traîner, le livre toujours collé sur ma poitrine. Je me laissai traîner sur plusieurs mètres avant de reprendre totalement mes esprits, le sang-froid d'Alator était miraculeux.
Sans faire de pronostique très précis, j'estimais la découverte du bibliothécaire à quelques heures. Aussi, je m'en accordais une pleine pour faire des recherches correctes en rapport avec l’ouvrage que j'avais trouvé, faire des correspondances avec les documents d'Alec et une dizaine de minutes pour emporter tout le nécessaire et filer de l'Académie, décidée à m'établir dans la forêt qui bordait le grand parc.
Il faisait froid si tôt le matin, j’étais gelée jusqu'aux os et comprenait pourquoi je ne sortais jamais bien longtemps des couloirs ou de la bibliothèque parfaitement chauffée. Posée contre mon familier, je grelottais en essayant de me calmer. Grâce à un artefact de ma fabrication, je pouvais savoir si des personnes ou des créatures entraient dans la chambre sans mon invitation. Quand il y pénétra cinq personnes différentes, je sus que la direction de l'école était en train de fouiller minutieusement chacun de mes quartiers : le bibliothécaire fragile était sûrement réveillé maintenant.
Le stress et la fatigue m'avaient forcé à fermer les yeux quelque temps... plusieurs heures en fait... Mais Alator était si confortable qu'au final, cela m'était égal.
— Réveille-toi, une connaissance arrive. me souffla doucement mon familier avant de commencer à bouger pour grimper rapidement dans un arbre histoire d'observer la scène de plus haut. Je fus alors obligée de me bouger moi aussi, les genoux faibles, je dû m’aider d'un tronc pour me lever.
— Zeï ? C’est bien toi ? me demanda la voix terriblement inquiète de Liabell.
— En chair et en os pour le moment, pourquoi, tu doutais de mes capacités de survie en forêt ? ironisais-je
— Qu'as-tu donc fait pour devoir être recherchée par toute l'école ?
— Ça, c'est entre moi et notre bibliothécaire prétentieux. À ce propos, si tu pouvais m’amener Alpha, j'ai deux trois choses à lui dire. repris-je tout en cherchant des moyens détournés de garder mon amie aux cheveux noirs de s'en mêler.
S'il n'y avait qu'Alpha et moi, cela laissait les autres en dehors de notre coup d'État et c'était mieux comme cela.
Pour faire comprendre à mon amie l'importance de ma requête, je la pris par les épaules, plongea mon regard dans le sien et la supplia le plus sincèrement que je le pus. Devant mon insistance et l’incompréhension qui s'était installée dans son petit crâne, elle dut rapidement baisser les bras et accepter ma requête.
— Bien, nous sommes tranquilles pour un moment. soufflais-je pour encourager mon familier à descendre, je voulais encore dormir un peu...
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