Et la tendresse ? Bordel !
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Ils tirèrent à pile ou face celui qui allait commencer. En retombant sur le côté face, la pièce donna à Philippe l’occasion de débuter. Celui-ci déplia donc un premier post-it vert.
- Penses-tu que dans vingt ans les hommes seront plus sages, que faudrait-il pour qu’ils le soient ?
Oh là là, pensa l'architecte, dans quoi m’a-t-il embarqué ? Mais il se lança :
- Quand je regarde les 20 dernières années, je ne vois pas beaucoup les hommes s’assagir. Bien sûr il y a eu, et il y a encore, des femmes et des hommes d’exception.
Mais quand je constate la montée du populisme, le complotisme et encore le renforcement des régimes tyranniques à travers le monde, je ne peux être optimiste. J’ai malheureusement le sentiment que partout la bêtise et l’inculture progressent. Cela me désole profondément. Je ne sais pas si à ton âge, tu peux ressentir la même chose ? - Si carrément, même si je ne peux juger par rapport au temps où j'étais tout gamin, mais je suis d'accord.
- Paradoxalement, Il est peut-être possible d’espérer que les catastrophes récentes ainsi que celles qui ne manqueront pas de se produire du fait du réchauffement climatique amèneront les hommes à ouvrir les yeux et à se ressaisir. Mais sans doute n’est-ce là qu’une utopie.
Harold acquiésça de la tête et Philippe Reprit :
- Je constate aussi que le rejet de l’autre progresse un peu partout, sous prétexte de différences de pays d’origine, de culture, de religion, de sexe, d’âge, de classe sociale, … Je crains que nous vivions bientôt dans une société cloisonnée ou chacun se retrouvera uniquement avec ceux qui lui ressemblent … jusqu’au jour où, même entre eux, ils trouveront des divergences…
L'architecte précisa encore :
- Je pense qu’en fait ce monde manque de tendresse. Et c’est peut-être ce qui le perdra.
Si les hommes faisaient preuve d’un peu plus de tendresse, ils auraient sans doute tendance à s’intéresser un peu plus aux autres et à leur avenir commun.
Personnellement j’aime considérer les gens avec qui je suis en relation en prenant en compte leurs attentes et leurs sentiments. C’est peut-être pour cela que j’ai quelques succès dans mon métier d’architecte. Les sentiments et le bien être de l’autre sont importants, il ne faut jamais les négliger.
Notre drame est aussi que l'on ne peut plus se parler sans ce demander comment nos paroles vont être interprétées. On ne peut plus regarder quelqu´un sans risquer d'être suspecté de pulsions malsaines et bien sûr, on ne peut plus se toucher ou même se frôler sans qu'il y ait suspicion d´agression sexuelle. A ce rythme nous ne connaîtrons bientôt plus le plaisir de se prendre dans les bras, même en famille. Nous deviendrons des mécaniques amputées de sentiments. C'est trop sinistre. Il faudrait inscrire aux frontons des mairies le titre d'un film qui est sorti alors que j'étais tout gamin : Et la tendresse ? Bordel !
Harold comprenait ce que Philippe voulait dire, il partageait une partie de ses idées. Il faillit se rapprocher de lui, mais il n'osa pas.
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