Chapitre 6

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Une silhouette noire se dessinait dans le lointain. Cette silhouette se composait d’un grand et imposant cheval noir et, plus important, d’un cavalier encapuchonné. Quel était donc son but ? Où allait-il ? Était-il perdu ?

Personne ne pouvait le savoir, il chevauchait vers l’ouest depuis des mois déjà. Sa monture longea le fleuve Lorjah, puis un spectacle macabre se dévoila alors sous ses yeux. Des cadavres. Oui, des cadavres d’hommes de tout âge recouvraient le sol. Mais pas n’importe quels cadavres, c’était des cadavres d’elfes, visiblement des soldats, vu leurs armures et leurs boucliers portant l’emblème d’une de leurs cités-forêts, Shanima.

Le voyageur perçut leur souffrance, il souleva un crâne, la tristesse se lisait dans les yeux éteints du soldat. Lui qui aurait pu accomplir de grandes choses, rendre sa famille fière et se battre pour son peuple. Mais tout cela était révolu, car le monde n’était que guerre, désolation et mort. Tout le bonheur du monde jadis intense était désormais sur le point de disparaitre, le voyageur en était conscient. Il savait pourquoi cela se produisait. Oui, il le savait, il le voyait à travers ses voyages. C’étaient toujours les mêmes monstres qui le provoquaient. Les Garocs et leurs perfides maitres, les Gogems.

Mais le voyageur finit par se détourner. Il avait un but, et il l’atteindrait.

Il se dirigea alors un peu plus vers le Sud-Ouest, là où il connaissait l’emplacement d’un petit village du pays de Lornenne.

Quand il arriva à l’entrée, il fut glacialement accueilli. Des arbalètes se pointèrent sur lui et une voix hostile résonna :

« Qui es-tu, étranger, et que fais-tu par ici ?

  • Doucement l’ami, répondit l’homme encapuchonné, je viens en paix. »

Il savait que par ces temps sombres, les habitants des villages se montraient beaucoup plus agressifs et prudents vis-à-vis des étrangers.

« Mais la paix existe-t-elle seulement en ce monde ? continua l’autre homme, sûrement une sentinelle.

  • Elle existe dans nos cœurs, finit par lâcher le voyageur. »

Ces paroles semblèrent avoir un sens pour la sentinelle, qui ouvrit les portes du village.

C’était deux lourdes portes en pierres, mais qui n’avaient rien à voir avec celles des villes que le voyageur avait visitées. En vérité, il se doutait qu’elles ne pourraient pas tenir le coup lors d’un assaut de Garocs, mais se garda bien de le faire remarquer.

Il aperçut le visage de la sentinelle, qui lui demanda :

« Alors, qu’est-ce qui t’amène par ici ?

  • Je suis venu demander mon chemin et rendre visite à un vieil ami, du nom de Lornh. Il vit à côté de la place publique du village. D’autres questions ? »

La sentinelle trouva l’homme quelque peu insolent à le faire passer pour quelqu’un qui se mêle des affaires des autres, mais il ne s’enflamma pas, et répondit d’un ton posé :

« Très bien, alors allez-y, je ne vous dérangerai pas plus longtemps. »

Puis il regagna son poste près de la porte, qui était en train de se fermer.

Le voyageur, lui, partit en direction du centre du village, là où l’on pouvait admirer la place publique.

Elle n’était pas très grande, mais attirait le regard. On apercevait sur les bords de belles mosaïques faites sur le sol en fins carreaux, et au centre, on voyait une statue représentant des humains revenant du fleuve avec des filets pleins à craquer de poissons.

En effet, la particularité du peuple du pays de Lornenne était qu’ils vivaient près des fleuves et qu’ils avaient l’habitude de l’eau. Ils étaient donc de bons pêcheurs et des nageurs très expérimentés. Les enfants apprenaient très tôt à se débrouiller dans l’eau et adoraient jouer dans les rivières qui ondoyaient dans tout le pays, à l’inverse de leurs confrères, d’autre humains, qui vivaient au pays Faline, dans les montagnes, là où le peuple était habitué aux mines et aux endroits sombres.

L’étranger arriva devant la maison du dit Lornh et frappa trois coups à la porte.

Il entendit des bruits de pas précipités puis l’ombre d’un ventre apparut et il distingua enfin la tête de son ami.

Lornh était un homme corpulent, pour ne pas dire obèse, et il portait une paire de lunettes carrées. Il avait des cheveux grisonnants et une petite barbe blanche, mais pas de moustache. Il approchait de la soixantaine.

Il fit entrer le voyageur et l’accueillit chaleureusement.

« Que cela fait longtemps que l’on ne s’était pas vus, mon cher…

  • Ne prononce pas mon nom ici, ça me rends nerveux, le coupa soudain son invité.
  • D’accord, d’accord, mais qu’est-ce qu’y t’amènes donc ici, je ne pensais pas te revoir avant ma mort.
  • Je vais te le dire tout de suite, mais il faut que tu me jure que tu ne le diras à personne, j’ai beaucoup d’ennemis.
  • Oui, tout ce que tu voudras.
  • Bon, écoute moi bien. Je suis ici pour la prophétie.
  • Celle à laquelle je pense ? lui demanda Lornh.
  • En effet. Et donc, j’aimerais que tu m’indique le chemin le plus court pour rejoindre Shanima. Je sais que tu connais toutes les routes du Sud.
  • Oui, effectivement. Bon, alors, un conseil, ne longe pas trop les montagnes car c’est là que des Garocs solitaires rôdent le plus et tu pourrais facilement te faire attaquer. Prends plutôt la route qui serpente entre les deux cités Dracs, c’est celle-là la plus sûre, et c’est aussi la moins longue sans compter celle des montagnes.
  • Merci beaucoup, mais n’oublie pas, Lornh, cela reste entre nous. »

Sur ses mots, il lui jeta un regard appuyé, ouvrit la porte, puis sortit et la referma, disparaissant de la vue de Lornh.

Il laissa ensuite le village derrière-lui et poursuivit sa route. Il arriva à un embranchement de trois chemins. L’un partait vers les montagnes, l’autre serpentait au loin vers ce qui lui semblait être les cités des Dracs, et la troisième se perdait dans les plaines.

Sans aucune hésitation, il prit la route des montagnes.

Le voyageur marcha pendant des jours dans les montagnes, il ne fit aucune rencontre hostile jusqu’à un matin ou il croisa la route d’un groupe de Garocs. À leur vue, il se réfugia derrière un talus et bloqua sa respiration.

Les Garocs marchaient sans se soucier de rien quand l’un d’entre eux leva une oreille, puis l’autre. Il scruta attentivement l’horizon et plissa ses petits yeux jaunes et globuleux, ses compagnons l’imitèrent. L’un d’eux regarda dans la direction du voyageur et se mit à grogner. Les autres braquèrent eux aussi leur regard sur le talus si bien qu’ils avancèrent en groupe jusqu’à la cachette du voyageur. Celui-ci murmura entre ses dents :

« Bon, ils ne me laissent pas le choix. »

Il dégaina ensuite une arbalète, qui était rangée dans son dos. Il ne s’en séparait jamais, cette arbalète lui avait servi maintes fois par le passé et jamais il ne lui était venu à l’idée de la remplacer.

Il visa donc avec son arbalète et décocha un premier carreau en appuyant sur la gâchette dans un bruit de détonation. Le carreau atterrit pile poil là où le voyageur l’aurait souhaité, c’est-à-dire dans la gorge du Garoc. Cela le tua instantanément. Les trois Garocs restants, non pas déstabilisés d’avoir perdu leur camarade, avancèrent encore plus rapidement vers le voyageur, leurs crocs laissant place à des babines dégoulinantes de bave.

Le voyageur décocha un nouveau carreau, celui-ci manqua malheureusement sa cible et vint se planter dans l’œil d’un Garoc, ce qui ne fit qu’attiser sa colère. Il se jeta par-dessus le talus, espérant atterrir sur le voyageur.

Mais celui-ci ne lui en laissa pas le temps, il se décala et le Garoc se retrouva face contre terre, le voyageur l’acheva à l’aide d’un petit poignard accroché à sa ceinture. Les deux Garocs restants se regardèrent puis chacun partit d’un côté du talus pour pouvoir encercler le voyageur plus facilement.

Malheureusement pour les créatures, l’homme avait plus d’un tour dans son sac. Il ramassa une petite pierre qui trainait sur le sol et la lança de toutes ses forces sur un arbre en face de lui. L’un des Garocs, déconcentré, tourna la tête dans la direction du bruit et le voyageur put donc l’achever en lui tirant dessus.

Le dernier Garoc, voyant qu’il était seul, entreprit de s’enfuir mais le voyageur ne lui en laissa pas le temps. Il lui tira dans la jambe, la créature tomba sous le choc. Le voyageur put donc se placer à côté de lui et le menacer de la lame de son poignard :

« Y-a-t-il d’autres troupes de Garocs dans ces montagnes ? »

La créature esquissa un rictus et garda la bouche close, il ne parlerait pas. Alors le voyageur enfonça la lame dans son gosier, laissant apparaitre une petite entaille sur la gorge du Garoc.

« Réponds ! continua l’homme.

  • Il… n’y en a pas…Les troupes se préparent pour l’assaut de Shanima de ce soir.
  • Bien. »

Le voyageur trancha ensuite la gorge du Garoc en murmurant comme pour lui-même :

« Navré mais il ne faut pas de témoin. »

Il se remit en marche en pensant qu’il serait sans doute trop tard pour aider les elfes lors de l’attaque. Il arriverait certainement à Shanima le lendemain.

Après toute une nuit de marche dans les montagnes, le voyageur s’arrêta à la lisière d’un petit bois et en profita pour manger et pour fumer une pipe d’eroufh, un tabac très répandu dans les montagnes. Le voyageur avait pu en cueillir lors de son voyage.

Puis il marcha pendant les dernières heures qui le séparaient de son but et, en fin de matinée, il put apercevoir un bois au loin. Un bois reconnaissable entre tous, Shanima.

Le voyageur sourit. Il avait atteint son but, à lui de jouer maintenant.

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