Chapitre 9

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Quand Elanne se réveilla, elle sentit un profond mal de crâne la traverser. Elle retint un cri de douleur. La jeune elfe ne parvenait même pas à ouvrit les yeux, elle ne savait donc pas où elle se trouvait. Elle sentait seulement qu’elle était allongée quelque part, mais où ?

Tout semblait dériver, elle ne se rappelait de rien. Elle se sentait oppressée dans la chaleur de la pièce.

En effet, Elanne avait un secret. Un secret qu’elle n’avait encore jamais révélé à personne, même pas à ses parents adoptifs. Cela remontait à très longtemps. Pour être plus précis, au jour où elle avait été enfermée dans une malle par sa vraie mère, neuf ans plus tôt.

Elle avait alors éprouvé un énorme sentiment de solitude, dans cette malle. Elle avait été seule, sans personne pour la rassurer, enfermée dans cette malle étroite, sans savoir ce qui se passait à l’extérieur.

Bien qu’elle n’avait que trois ans à ce moment-là, Elanne s’en souvenait parfaitement. Elle se souvenait des cris à l’extérieurs, des hurlements bestiaux, du bruit des corps qui s’étalaient sur le sol dans un fracas métallique.

Elle s’était tout à coup sentie très mal, ayant l’impression que les parois se refermaient sur elle pour finalement l’engloutir, loin des cris et des atrocités du combat. Oui, elle avait eu l’impression de ne jamais pouvoir sortir, de rester enfermée pour toujours, loin de la lumière et des prairies verdoyantes qu’elle n’avait encore qu’entraperçu lors de son voyage.

Elanne était devenue, à ce moment précis, claustrophobe. Bien sûr, à l’époque, elle ne savait pas ce que ce mot signifiait mais elle l’avait compris. Elle savait qu’elle aurait toujours peur des espaces clos, sans fenêtre pour voir le paysage, sans savoir ce qui se passait à l’extérieur. Et elle avait raison, cette peut l’avait hantée pendant de nombreuses années.

Comme la fois où elle était entrée dans les souterrains lors d’une attaque de Garocs, le jour où elle n’avait plus jamais revu le jeune demi-Garoc. Elle était alors avec sa mère adoptive et le même scénario s’était répété. Elle avait eu peur de ne jamais revoir la surface, la lumière. Et surtout, elle entendait les grognements des Garocs, loin des cris des soldats qui combattaient et hurlaient leurs ordres. Mais surtout, elle s’inquiétait pour son père adoptif, elle ne voulait pas le perdre lui aussi.

Il avait été impossible de lui faire croire qu’il était son vrai père et qu’Amerline était sa vraie mère car Elanne se souvenait très bien de ses parents biologiques. En effet, la jeune elfe était dotée d’une excellente mémoire. Son souvenir le plus ancien datait du jour où elle avait perdu ses parents, le jour où elle était devenue claustrophobe, son secret très lourdement gardé.

Elanne se décida enfin à ouvrir les yeux, malgré la douleur. Elle ne supportait plus de rester ainsi sans savoir ce qui se passait.

Elle se rendit alors compte qu’elle se trouvait sur le canapé de sa maison. Amerline était assise à ses côtés tandis qu’une infirmière lui tamponnait le front avec un bout de tissus imbibé d’eau. La jeune elfe se sentit rassurée. Elle savait qu’elle ne risquait rien chez elle.

Elle chercha ensuite son père adoptif du regard et le vit, à quelques mètres d’elle, discuter avec Grëals.

À cette vision, les souvenirs revenaient dans l’esprit d’Elanne. Sa ruse pour faire sortir Erlun de l’hôpital, sa conversation avec lui interrompue par Grëals puis quand ils sont allés parler dans sa maison…

C’est alors qu’Elanne se souvint du plus important à ses yeux : la prophétie ! Oui, elle se souvenait maintenant très clairement de ce que Grëals et son père adoptif lui avaient expliqué puis elle se rappela avec une grimace son évanouissement.

Elle fit une première tentative pour se lever, sans succès. Prenant sur elle, elle réessaya, mais elle n’y arriva pas non plus. Au lieu d’abandonner, elle décida de se redresser en position assise, chose qu’elle parvint à réaliser. Ensuite, elle se concentra sur sa respiration et se leva d’un bond. Elle avait réussi ! Elle sentit néanmoins ses jambes flageoler et lutta pour ne pas tomber.

Quand elle fut stabilisée, elle sourit à Amerline. Celle-ci la regardait fièrement. Elle n’avait rien entrepris pour l’aider à se lever car elle savait qu’elle y arriverait. Elle connaissait le mental guerrier de sa fille adoptive.

Elanne remercia l’infirmière puis alla voir Erlun et Grëals en leur demandant :

« Si vous pensez que j’ai un lien avec la prophétie, que voulez-vous de moi ?

  • Nous étions en train d’en discuter, expliqua Erlun. »

Grëals releva le menton et plissa les yeux puis contredit Erlun sèchement :

« Nous avions fini d’en discuter.

  • Et quelle est l’issue de votre discussion ? s’impatienta Elanne. »

Erlun hésita, il était assez embarrassé pour répondre à sa fille adoptive. Il commença :

« Et bien… En fait nous…Heu, nous…

  • Nous n’avons pas de temps pour les bafouillages, le coupa sèchement Grëals. »

Puis il se tourna vers Elanne :

« Nous avons décidé que tu partiras avec moi pour trouver le Drac et libérer les Lines. »

Tout tourbillonna dans la tête d’Elanne mais elle lutta pour ne pas s’évanouir une nouvelle fois. Elle resta droite et afficha une expression impassible, malgré son désarroi.

Amerline protesta :

« Mais elle est trop jeune ! Elle vient d’avoir douze ans !

  • Je sais ma chérie, la calma Erlun, mais c’est la seule solution. Grëals est déterminé et il ne lâchera pas l’affaire.
  • Il faut au moins demander à Elanne si elle est d’accord ! »

Tout le monde se tourna vers la jeune elfe. Celle-ci réfléchit le plus vite qu’elle put. Si elle acceptait, sa quête serait sûrement périlleuse et elle risquerait de mourir plusieurs fois, d’autant plus qu’elle ne faisait pas confiance à Grëals. Mais si elle refusait, elle serait clouée ici et les Garocs finiraient tôt ou tard par détruire Shanima et le monde ne serait que chaos. De plus, elle rêvait d’aventures, son choix était donc fait.

Elle annonça :

« J’accepte. »

Voyant le regard incrédule de sa mère adoptive, elle poursuivit :

« J’accepte de partir, de voyager. Je veux trouver un moyen de sauver les Lines et surtout, je veux venger mes parents ! Les Garocs et les Gogems doivent payer pour leurs actes, et je tâcherai de le leur faire comprendre ! Le voyage sera périlleux, certes, mais je ne me plaindrais pas car chaque jour me rapprochera un peu plus de mon but. Je trouverai le Drac et ensemble, nous triompherons ! »

Erlun resta bouche bée et Amerline ne put retenir des larmes. Ces larmes étaient un mélange de tristesse de voir sa fille adoptive, qu’elle avait élevée et vue grandir, partir. Mais elles représentaient surtout de la fierté. Ce qu’Elanne venait de dire était si fort, si touchant, qu’elle ne pouvait qu’acquiescer face à la justesse de chacun de ses mots.

Le seul qui n’affichait pas d’émotions, à part un petit sourire satisfait, était Grëals. Il annonça donc :

« Bien. Elanne et moi partirons donc demain, à l’aube. Elle a l’après-midi pour se préparer et la nuit pour se reposer. Quant à moi, je vais trouver un lieu pour dormir ce soir. »

Et il s’en fut, sans un regard pour Erlun, Amerline et Elanne.

Celle-ci ironisa d’ailleurs :

« Sympathique… »

Puis Amerline ferma la porte de la maison.

Elanne décida d’aller se préparer. Elle grimpa donc l’escalier qui la menait au premier étage et entra dans sa chambre.

La jeune elfe savait qu’il ne fallait emporter que le strict minimum. C’est pourquoi elle prit un sac à dos en tissus dans lequel elle mit une tunique, un pantalon et des sous-vêtements de rechange. Elle ajouta aussi une couverture chaude. Elle posa le sac à côté de son lit, il serait prêt pour le lendemain. Elle enleva sa ceinture, sur laquelle était accrochée la bourse qui contenait l’amulette étrange. Elle y ajouta une boussole et un petit couteau puis elle la referma. Elle accrocha ensuite à sa ceinture une gourde d’eau, qu’elle remplirait juste avant de partir. Elle n’ajouta pas de provisions car Erlun lui avait dit que c’était Grëals qui devait s’en charger. Elle posa donc sa ceinture à côté de son sac à dos puis ôta son carquois de son dos pour y ajouter d’autres flèches. Ainsi, il serait rempli. Elle le posa ensuite à côté du reste et prit son arc. Elle s’assura que la ficelle était tendue puis elle le déposa vers son carquois. Après s’être refait la liste des choses utiles, Elanne hocha la tête. Elle était fin prête !

Elle sortit de sa chambre et descendit l’escalier pour rejoindre ses parents. Amerline lui demanda :

« Tu n’es pas trop stressée en vue de ton départ ?

  • Non, ne t’inquiètes pas, je vais bien. »

Amerline ne put s’empêcher de la regarder d’un air inquiet, chose qu’Elanne comprenait. Un éclair traversa alors son esprit et elle promit à ses parents adoptifs :

« Je vous écrirai au cours de mon voyage toutes les semaines, comme ça vous aurez de mes nouvelles.

  • Excellente idée, approuva Erlun, malgré son inquiétude. »

Elanne remarqua que c’était une des rares fois où son père adoptif montrait sa peur.

Avant que quelqu’un ne dise quoi que ce soit, elle remonta dans sa chambre pour ajouter du papier dans son sac à dos et un crayon dans sa bourse.

Quand ce fut chose faite, elle retourna voir Erlun et Amerline. La soirée se déroula normalement. Pour dîner, Amerline avait préparé le plat préféré d’Elanne, du trapiz accompagné de feltins. Le tout mijoté dans une sauce au thym.

Le trapiz était un petit animal dodu aux grandes oreilles que l’on ne trouvait qu’à Shabila et les feltins étaient des féculents blancs en forme d’étoiles.

Ce plat était typique de Shabila, la forêt natale d’Elanne, et c’était pour cela que la jeune elfe l’aimait tant. Elle savoura donc ce dîner en compagnie de ses parents adoptifs, qu’elle ne reverrait pas dans un long moment, elle le savait.

Quand ils eurent fini de manger, Elanne alla se coucher, l’esprit encore chamboulé par cette journée mouvementée. Tout était allé si vite !

Finalement, Elanne ferma les yeux, bercée par le mouvement des arbres qui se balançaient avec le vent, derrière sa fenêtre, qu’elle n’avait même pas pris la peine de fermer.

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