Chapitre 10
Elanne fut réveillée par les premiers rayons du soleil. Elle se leva d’un bond malgré sa fatigue. Il fallait qu’elle fasse bonne impression pour son départ !
Tout en mettant son sac à dos sur ses épaules, elle jeta un coup d’œil à travers sa fenêtre. Le soleil qui se levait teintait les nuages d’un jaune rosé magnifique, on aurait dit de la barbe à papa. Elanne sourit. Au mois, il ferait beau lorsqu’elle partirait.
La jeune elfe accrocha ensuite sa ceinture autour de son pantalon, qu’elle n’avait pas quitté pour dormir. Elle passa son carquois derrière son dos, ainsi que son arc puis sortit de sa chambre.
Elle descendit lentement l’escalier de sa maison pour ne pas faire de bruit, ses parents adoptifs dormaient sûrement. Elle prit le temps de leur écrire un petit mot sur un papier qui trainait sur la table.
Coucou, c’est Elanne.
À l’heure où j’écris, vous dormez et je m’apprête à partir avec Grëals. Je suis désolée de ne pas vous avoir réveillés, les adieux auraient été trop longs. J’espère que vous comprendrez.
Sachez que vous aime de tout mon cœur, merci pour ces bons moments partagés avec vous.
J’espère vous revoir un jour.
Elle alla le déposer sous la porte de leur chambre pour qu’ils le voient à leur réveil.
Elle se dirigea ensuite vers le robinet de sa maison pour remplir sa gourde et, quand ce fut fait, elle sortit sans se retourner, l’aventure lui tendait les bras.
Elle dévala en courant la descente qui séparait sa maison de l’entrée du village, c’était le point de rendez-vous que Grëals lui avait donné. Elle respira les senteurs de pins de la forêt elfique et regarda une dernière fois son village avant de s’avancer vers Grëals et de lui demander :
« Où allons-nous ? »
Celui-ci, accoudé contre le tronc d’un arbre, n’avait même pas prêté attention à Elanne lorsqu’elle était arrivée. Il regardait attentivement une sorte de grimoire aux épaisses reliures.
Elanne s’approcha pour vor ce qu’il regardait mais il lui referma le livre au nez et sortit un plan du monde d’Endoy de son sac, tout en rangeant le grimoire. Il déplia ensuite le plan et le montra à Elanne.
Il lui expliqua :
« Nous allons nous rendre à Dracanord, la cité des Dracs mâles, pour essayer de trouver le deuxième élu. »
Il fit une pause et montra du doigt la cité sur le plan. Il parcourut ensuite une partie du plan avec son doigt pour montrer un itinéraire à Elanne.
« Nous passerons par le fleuve Lorjah en bateau et nous le longerons. »
Suite aux mots de Grëals, Elanne se sentit mal à l’aise pour deux raisons.
La première était qu’elle ne savait pas nager. Coincée à Shanima, elle n’avait jamais pu approcher une étendue d’eau ne serait-ce que pour apprendre à nager dedans. S’ils venaient à tomber de l’embarcation, elle ne pourrait pas rejoindre l’autre rive du fleuve.
La deuxième raison était que le fleuve Lorjah lui rappelait des mauvais souvenirs. C’était justement en longeant ce fleuve, mais dans le sens inverse, que ses parents avaient péri, tués par des Garocs.
Malgré ses réticences, Elanne serra les dents et garda une expression neutre. Elle répondit ensuite à Grëals :
« C’est entendu. Quand allons-nous partir ?
- Si le temps le veut bien, maintenant. »
Sur ses mots, Grëals fit signe à Elanne de le suivre, la jeune elfe s’engagea donc sur le sentier qui quittait définitivement Shanima avec lui.
Ils marchèrent pendant une bonne demi-heure pour enfin arriver à la frontière de l’épaisse forêt elfique. Au cours de leur marche, Elanne n’avait cessé de regarder les arbres, les rochers et les rares maisons de la forêt qui l’avait vue grandir. Un brin de nostalgie l’avait envahie, alors que sa quête n’avait même pas réellement commencé. Elle avait ensuite secoué la tête. Elle ne renoncerait pas, l’aventure était son rêve. C’était sur cette pensée qu’elle était sortie de la forêt, bien décidée à en découdre.
Quand ils furent sortis, Elanne contempla le monde extérieur. Elle trouvait étrange l’absence de la cime des arbres dans le ciel. Il paraissait étrangement vide. Au loin, elle vit une étendue noire s’étendant sur des kilomètres de longueur. Elle comprit bien vite qu’il s’agissait de la Garone, la terrible forêt calcinée des Garocs.
Elle réprima un frisson puis se laissa conduire par Grëals le long des champs et des prés. De temps en temps, ils apercevaient quelques villages.
Ils arrivèrent au bout de deux bonnes heures de marche devant une bifurcation sur le chemin. Deux panneaux étaient accrochés sur un piquet. L’un d’eux indiquait « Cumon, village d’embarcations traditionnelles du fleuve Lorjah » et sur l’autre il était écrit « Buergunh, village des plaines ».
Elanne pensa d’abord qu’ils allaient aller à l’Est, vers le village d’embarcations, mais à son grand étonnement, Grëals prit vers l’Ouest en expliquant à l’elfe :
« Je dois aller voir quelqu’un. »
Elanne s’apprêta à le suivre quand il lui annonça brusquement :
« J’y vais seul. Toi, vas à Cumon pour réserver une embarcation qui partira cet après-midi. Nous serons plus efficaces ainsi. »
Elanne hocha la tête tout en pensant que Grëals avait de drôles de manières. Elle emprunta donc le sentier à l’Est, tandis que Grëals disparaissait au loin, à l’Ouest.
La jeune elfe marcha donc pendant un quart d’heure avant d’arriver à Cumon.
Quand elle se présenta aux portes du village, la personne qui était de garde lui demanda :
« Qui es-tu, pourquoi veux-tu entrer ? »
Avant qu’Elanne ne puisse répondre, il remarqua subitement ses oreilles elfiques et lui demanda :
« Et surtout, qu’est-ce qu’une elfe vient faire dans un village des plaines ?
- Je suis en voyage et je voudrais entrer pour réserver une embarcation, s’il vous plait.
- Je ne te laisserai pas entrer tant que tu n’auras pas répondu à ma première question, qui es-tu ?
- Je ne vous fais pas assez confiance pour vous répondre. Je voudrais tout d’abord savoir si vous pactisez avec les Gogems. Tout devient dangereux en ces temps sombres, aussi je me méfie beaucoup. »
L’homme parut surpris. Il ne s’attendait pas à ce qu’une jeune elfe prononce de tels mots. Il était vrai qu’Elanne, malgré son jeune âge, possédait une grande sagesse.
Le garde lui répondit après une courte réflexion :
« Notre village est indépendant et si des Garocs s’y aventurent pour nous demander de s’allier avec eux, nous leur répondons que leurs paroles ne valent rien et qu’il vaudrait mieux pour eux de retourner voir leurs stupides maîtres Gogems pour leur annoncer qu’ils sont seuls et que jamais nous ne les aiderons. Généralement ils comprennent vite et s’en font. Ils ne nous tuent pas car quelques mois plus tard, ils reviennent en offrant encore plus de biens en échange de notre aide. Le scénario se répète et nous les chassons. Mais le jour où ils comprendront que nous n’accepterons jamais, ils viendront piller notre village. C’est pourquoi moi aussi je me méfie des étrangers. Mais toi, jeune elfe, tu me sembles loyale envers les peuples libres d’Endoy. C’est pourquoi je te fais confiance. Ai-je raison ? Telle est la question. Mais quoi qu’il en soit, je te laisserai entrer si tu me dis simplement ton nom et ton prénom. »
Elanne avait attentivement écouté le discours de l’homme. Elle en avait profité pour l’observer. Il devait approcher de la cinquantaine. Ses cheveux étaient noirs, tout comme sa barbe assez mal rasée. Il était de corpulence plutôt normale et il était assez petit pour un adulte.
Elle lui répondit avec le plus de dignité possible :
« Je suis Elanne Ta’Ilon, fille d’Olbion Ta’Ilon. Je viens de Shanima malgré mes origines de Shabila. »
L’homme pencha légèrement la tête puis il sortit un trousseau de clés de sa poche et ouvrit la porte du village. Elanne hocha la tête en signe de remercîment tout en regardant l’homme d’un regard gratifiant.
Avant d’entrer, elle lui demanda :
« Si je puis me permettre, pourriez-vous me donner votre nom. Je vous ai donné le mien, ce serait donc plus équitable.
- Bien sûr, répondit l’homme en se retenant de rire suite aux propos d’Elanne, je me nomme Murdan. Entre maintenant. »
Elanne lui sourit une seconde fois et s’engagea entre les deux épaisses portes du village. Murdan la suivit.
La jeune elfe observa attentivement les habitations du village, qui étaient pour la plupart construites en bois. Plusieurs personnes vivaient dans une même construction, chacun ayant un étage pour lui. Les routes étaient pavées de gris et de noir. Elanne trouva cela un peu triste et terne. Mais en réfléchissant, elle remarqua que tout le village n’avait rien de joyeux. Le bois des maisons était peint en noir, ce qui donnait l’impression de vivre dans l’obscurité. De plus, elle ne remarqua ni place publique où l’on pouvait venir se rassembler pour aller danser, chanter et s’amuser, comme dans son village à Shanima. Elle comprit bien vite que la vie de ses habitants devait être semée d’horreur et de crainte s’ils n’avaient même plus le cœur à s’amuser. Elanne ne vit d’ailleurs presque pas de passants mais elle apercevait beaucoup d’habitants à travers les fenêtres de leurs maisons. Cette triste vue faisait mal au cœur de la jeune elfe qui n’avait jamais connu une telle situation.
Elle décida donc de se concentrer sur Murdan qui était resté sans bouger à côté d’elle pendant qu’elle observait les lieux. Elle lui demanda :
« Pouvez-vous me conduire aux embarcations pour aller sur le fleuve Lorjah ?
- Bien sûr. Je t’aurais bien proposé de visiter le village il y a quelques années mais comme tu l’as remarqué, il n’y a plus rien à voir, plus rien de distrayant. Nous sommes plongés dans la terreur et la tristesse.
- J’en suis désolée pour vous. »
Murdan lui fit un signe de tête pour la remercier puis il lui intima :
« Allons-y. »
Il s’engagea alors sur le sentier pavé de noir et de gris et Elanne le suivit. Ils traversèrent le village qui ne respirait que la crainte et, comme Murdan l’avait prédit, Elanne remarqua qu’il n’y avait rien d’amusant ou de distrayant. Elle regarda donc droit devant elle, vers le fleuve Lorjah.
Ils arrivèrent bientôt sur la rive du fleuve, où Elanne put voir des bateaux amarrés à une passerelle en bois, elle aussi peinte en noir. Murdan monta sur la passerelle et elle le suivit. Un large choix de bateaux s’étendait face à elle. Murdan lui demanda :
« Lequel veux-tu réserver ?
- Heu, je ne sais pas trop. Il en faudrait un pour moi et mon compagnon de voyage, sachant qu’il est adulte. Nous voulons remonter le fleuve Lorjah.
- Bien, alors celui-ci pourrait convenir. »
Sur ses mots, il montra un bateau d’envergure moyenne, qui contenait deux bancs et deux rames. Son bois n’était pas peint en noir, contrairement aux autres. Murdan lui fit un signe de tête pour l’inviter à monter dedans. Elle s’engagea donc sur le bateau, il lui semblait stable. À vrai dire, elle n’avait jamais navigué mais cette embarcation lui convenait.
Elle se tourna donc vers Murdan et lui annonça :
« Je le prends.
- Bien, je vais te le réserver auprès du gérant de ces embarcations.
- Merci, je dois m’en aller maintenant, mon compagnon m’attend. À tout à l’heure peut-être. »
Ella remonta sur la passerelle et lui fit un signe de tête, celui-ci l’imita puis elle retourna le long des ruelles pavées du village. Elle sortit sans encombres puis elle reprit le sentier qui l’avait menée à Cumon dans le sens inverse, jusqu’à la bifurcation où était planté le panneau. Grëals n’était pas encore arrivé.
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