Chapitre 31 : La disciple du Mahatma

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Avancer. C’est ce que Gwendoline essaie de faire.

Jour après jour, armée de ses livres de développement personnel et des enseignements reçus lors de ses stages de méditation, elle se sent plus forte et puissante. La tête remplie de ses citations favorites, elle se lève chaque matin avec l’espoir de devenir une meilleure personne que la veille.

Et même si elle tombe sans cesse, elle se relève toujours, volontaire, déterminée et courageuse, prête à conquérir le monde. Elle veut y arriver. Elle ne sait pas comment, mais elle sait pourquoi : offrir une vie meilleure à sa fille. Changer de vie, voilà son objectif.

Alors la jeune femme suit son plan pour l’atteindre : continuer sa thérapie avec Véronique, multiplier les séances photos, se lever aux aurores pour méditer et demander à Dieu de l’aider.

Elle sait qu’elle va y arriver. Elle connait son pouvoir créateur, celui de ses pensées et laisse son âme la guider. Elle a confiance en la vie et en son destin.

Cela n’a pas toujours été le cas.

Cette capacité à croire en elle et à rêver, elle ne l’a pas toujours eue, loin de là.

Elle se souvient qu’enfant, elle avait appris à ne pas trop laisser son imagination s’enflammer :

— Je veux, je veux, mais on n’a pas toujours ce qu’on veut dans la vie ! lui avait crié sa mère, lorsque Gwendoline lui faisait part de ses souhaits pour « quand elle sera grande ».

Avec cette façon brutale de la sermonner, sa mère avait l’habitude de tuer dans l’œuf toutes les velléités que sa fille avait l’habitude d’exprimer. Au bout d’un certain temps, comprenant que ses désirs ne pourraient jamais devenir réalité, Gwendoline avait cadenassé ses pensées pour correspondre à ce que l’on attendait d’elle. Ses parents lui avait fait comprendre qu’il valait mieux ne rien attendre de la vie. Quand on n’attend rien, on ne risque pas d’être déçu, lui répétait-on à loisir. Ne plus espérer, ne plus rêver, voilà ce qui l’attendait pour le restant de ses jours.

Gwendoline s’y était, un temps, résignée, avant de changer son fusil d’épaule, au commencement de sa vie d’adulte. Libérée du joug de ses parents, la jeune femme avait alors commencé à reprendre sa vie en main, par petits bouts. Elle s’était autorisée à rêver à nouveau.

Et des rêves, à présent, elle en a beaucoup. Certes, elle rêve du prince charmant, mais pas uniquement. Elle rêve de déménager pour partir vivre au bord de l’océan, en Bretagne et s’imagine souvent en train de marcher sur le sentier des Douaniers, respirant le bon air iodé et savourant la beauté des paysages grandioses. Elle veut une maison avec vue sur la mer, piscine et une immense suite parentale, avec un dressing de la taille d’un magasin et une salle de bain immaculée.

Et puis, elle rêve de casser les codes : faire la couverture de magazines en tant que modèle photo atypique, avec ses cheveux gris et ses tatouages. Voir son visage en tête de gondole dans les kiosques, en quatre par trois dans la rue, ou dans un spot de publicité. Être une femme inspirante pour toutes celles qui ne rentrent pas dans les cases des standards féminins actuels. Elle a envie de faire bouger les choses, de repousser les limites, de participer à l’évolution de cette époque dans laquelle elle se reconnait si peu.

« Sois le changement que tu veux voir en ce monde » disait Gandhi. A son niveau, à sa hauteur, avec ses moyens d’expression et sa créativité.

Elle sait que c’est son rôle, qu’elle est faite pour cela. Son âme le lui a murmuré dans le silence de la nuit.

Mais à deux heures du matin passées, elle se garde bien de partager cette vision trop idyllique à Erwann, de peur de l’effrayer par son enthousiasme débordant. Son côté extraverti a tendance à être un frein dans une relation. Les hommes ont peur des femmes fortes, lui a-t-on enseigné, car elles leur feraient de l’ombre.

Il est vrai qu’Erwann a l’air différent des autres. De par son métier, il est celui qui est derrière l’objectif et la star, celle qu’il met en valeur, est toujours la personne qui est dans la lumière, en face de lui. Il ne doit pas avoir un ego trop démesuré pour aimer cette situation et ne pas ressentir le besoin de se mettre en avant.

Gwendoline le trouve réservé mais elle apprécie ce trait de caractère. Ne dit-on pas que les contraires s’attirent ? Ne serait-ce pas là le succès d’une relation qui fonctionne ? Lorsque les deux personnes s’apportent mutuellement, grâce à leur complémentarité. Elle imagine que cela pourrait être la clef d’une relation heureuse. Avec deux êtres, ayant une personnalité aux antipodes l’une de l’autre, mais qui se rejoignent dans leur mode de vie, il y aurait matière à trouver un juste milieu… Ce juste milieu bienaimé des traditions orientales, ce yin et ce yang, cet équilibre tant recherché.

Elle a hâte de le découvrir davantage, d’apprendre à le connaître. Mais se rappelle aussi que la patience est un atout. Le temps est son allié.

Ne pas mettre la charrue avant les bœufs, comme à son habitude.

Laisser les choses se faire, en douceur.

Elle en est là de ses observations lorsqu’ils arrivent sur le parking où elle a garé son véhicule en fin d’après-midi. Le moment de se séparer est finalement arrivé. Un silence chargé de leurs pensées non partagées a pris place dans l’habitacle, où l’air semble s’être raréfié.

Une légère tension s’installe entre eux.

Elle fouille dans son sac à la recherche de ses clefs, puis, calmement se tourne vers lui pour le remercier de cette merveilleuse soirée. Il la dévisage de son regard pénétrant et détache sa ceinture.

— Je t’ouvre, lui annonce-t-il en hochant la tête avant de descendre et de faire le tour du véhicule pour atteindre sa portière.

A nouveau, il l’aide à descendre, tant pour prendre soin d’elle que pour profiter encore un peu de sa proximité. Puis, la regarde déverrouiller sa voiture.

La modèle vient de comprendre.

Il attend qu’elle soit en sécurité à l’intérieur pour partir.

Elle s’installe à la place du conducteur tandis qu’il vient s’accouder à sa portière ouverte. Il se penche un peu et lui glisse à l’oreille :

— Envoie-moi un SMS quand tu es arrivée chez toi. Cela me rassurera.

Tout en mettant le contact, elle hoche la tête, rouge comme une pivoine. Elle a soudain si chaud. Sa voix, c’est sa voix, qui l’émoustille ainsi. Une voix grave et chaude, une voix à la fois forte, posée et claire. Il énonce. Il promet. Il s’impose.

D’une main, il referme sa portière en douceur et s’éloigne très lentement en lui faisant un signe de tête, comme pour lui signifier qu’il a fini de veiller sur elle.

Pour ce soir, en tout cas.

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