Chapitre 53 : L’imbécile heureux

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Erwann est en train de vérifier la cuisson du plat au four lorsque sa fille entre dans la cuisine, en tenue de surf, les cheveux encore trempés.

— On mange ? Je meurs de faim ! dit-elle en déposant un baiser bruyant sur la joue de son père.

— C’est presque prêt. Mais tu m’enlèves ta tenue de pingouin s’il te plaît et tu mets un pantalon sec car la dernière fois, le tissu de la chaise a mis deux jours pour sécher. Et il y a encore une grosse trace d’humidité dessus laissée par tes fesses mouillées.

— Okay, okay, c’est bon, je mets un jog et j’arrive.

Manon-Tiphaine s’éclipse dans la salle du bain du bas, attenante à la cuisine, et enfile un pantalon de survêtement et un pull avant de jeter sa combinaison humide dans la baignoire.

Elle y ajoute une bonne quantité d’eau claire pour que le sel de la mer se dissolve avant de la mettre à la machine. Babette, leur femme de ménage, y tient beaucoup et n’hésite pas à sermonner gentiment l’adolescente qui est parfois tête en l’air.

Lorsque cette dernière revient dans la cuisine, délicieusement parfumée par les effluves du repas du soir, son père est plongé dans la lecture d’un livre qu’elle découvre pour la première fois.

— "Le crépuscule et l’aube", de Ken Follett, lit-elle par-dessus son épaule. Ah cool, tu me le passeras quand tu l’auras fini s’il te plaît. J’avais beaucoup aimé "Les Piliers de la Terre" de cet auteur. En plus, je n’ai presque plus rien à lire sur Scribay. J’attends les nouveaux chapitres du tome un de "La chair et l’acier", de "Dès-illusions" et d' "Évie" . Je suis en manque de lecture actuellement.

— Ok, je te le passerai quand je l’aurai terminé, promet-il avant de retourner à son roman, complètement captivé.

— Tu veux que je fasse quelque chose en attendant que la cuisson soit terminée ?

— Hum… tu peux mettre la table ma puce, s’il te plaît ?

— Ok, Pa’.

Tandis que la jeune surfeuse s’affaire à agencer les assiettes et les couverts correctement, son père retourne à sa lecture, happé par son bouquin. Elle met les verres, la carafe d’eau et le sopalin, en veillant à laisser de la place pour poser le plat. Lorsque le timer retentit, Manon-Tiphaine s’équipe de maniques et sort les lasagnes du four. Elle les place au centre de la table, puis commence à découper deux belles parts égales qu’elle dépose délicatement dans leurs assiettes. Elle lave ensuite une grosse poignée de tomates cerise et quelques feuilles de salade iceberg qu’elle passe à l’essoreuse. Lorsque le tout garnit joliment chaque assiette, elle informe son père que le repas est servi. Ce dernier, toujours aussi accaparé par son intrigue prenante, ne réagit pas.

— À table !

Sa voix haut perchée le fait sursauter.

— Bien, bien, pas la peine de crier, je ne suis pas sourd, plaisante-t-il, avant de la remercier d’avoir mis la table et fait le service.

Le repas, préparé par Erwann, est si bon que le père et la fille savourent leur diner dans un silence de cathédrale, seulement interrompu par le bruit des couverts cliquetant contre la porcelaine de leurs assiettes.

— Qu’est-ce qui te rend si souriant Pa’ ? demande Manon-Tiphaine, la bouche pleine, en dévorant les lasagnes faites maison.

— Moi ? Tu me trouves souriant ?

— Tu as carrément l’air d’un imbécile heureux…

— Charmant !

— Mais c’est vrai, je ne t’ai jamais vu comme ça.

— Un peu d’autres lasagnes, ma puce ? Elles sont vraiment délicieuses.

— Ne change pas de sujet.

— Tu veux finir la salade ? demande-t-il en lui montrant le récipient presque vide.

— Tu le fais exprès, en fait… J’ai tout ce qu’il faut dans mon assiette, Pa’. Dis-moi, est-ce que par un grand miracle tu aurais rencontré quelqu’un ?

— Tu sais, ma chérie, je rencontre des gens tous les jours. Dans mon métier, c’est assez courant… dit-il en se resservant de l’eau.

Erwann a peut-être été un peu trop généreux sur le sel au cours de la préparation de la recette car il a soudainement très soif. Mais en descendant presque l’intégralité de son verre, il s’aperçoit que sa gorge sèche est plutôt liée aux questions de sa fille, qui le mettent mal à l’aise.

— J’y crois pas, t’as rencontré une … femme ?

— Plein. Et je les ai même photographiées, rétorque-t-il du tac au tac.

— Pourquoi tu ne veux pas m’en parler... chouine-t-elle. Moi, je te dis des choses. Bon pas tout, c’est vrai, mais t’es mon père, j’ai pas envie de tout te raconter. Je garde mon petit jardin secret.

— Et bien peut-être que pour moi, c’est pareil et que je n’ai pas envie de tout te dire… surtout si pour le moment il n’y a rien d’intéressant à raconter… je préfère attendre d’être sûr.

— Donc, tu es sur une piste… J’espère qu’elle est plus jolie que la nana que j’ai vue avec Quentin la semaine dernière, ajoute-t-elle, goguenarde.

— Ah bon, Quentin a une copine ? s’étonne Erwann. Il ne m’en a pas parlé.

— Une copine, tu plaisantes ? Une tigresse oui ! Elle avait des ongles aussi longs et pointus qu’une sorcière de télé-réalité. On aurait pu s’en servir comme support pour faire griller des marshmallows.

À l’évocation de ce souvenir récent lui rappelant Gwendoline, Erwann sourit à nouveau.

— Tu recommences ! s’exclame l’adolescente, en le désignant de sa fourchette.

— Quoi donc ?

— À sourire bêtement.

— Mais non…… Mais enfin ! Manon, qu’est-ce que tu fais ? s’exclame-t-il soudain.

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