Perdue [ Chapitre 1 ]
Des troncs, des troncs et toujours des troncs.
Elle ne voyait que cela depuis des heures désormais. Les même arbres, les mêmes rochers, les mêmes éléments flous et sombres qu'elle arrivait à peine à reconnaître, ses yeux s'étant quelque peu habitués à la noirceur de la nuit et la mince lumière de la lune dissimulée par les feuillages. Elle avait vraiment l'impression de ne pas avancer, peu importe à quel point elle avance, ce sentiment de passer inlassablement au même endroit encore et encore la décourageait un peu plus à chaque instant.
Elle se sentait fatiguée. Ses jambes la faisait souffrir à force de marcher sans s'arrêter, sa tête lui faisait mal à force de s'en faire, son cœur battait à tout rompre. Cet endroit lui faisait peur, elle ignorait pour quoi elle était dans cette forêt, elle ne voulait pas penser à ce qui avait bien pu l’entraîner ici et hors du confort de son lit à la maison. Elle avait l'impression que plus elle passait du temps perdue dans cet endroit, plus il devenait sombre et oppressant. Le jour ne devrait il pas déjà être levé ? Elle avait la sensation d'avoir passer des heures ici, mais sans moyen exact pour savoir, elle aurait pu tout aussi bien s'être réveillée il y a moins de dix minutes. La perspective seule d'être en train de perdre le court du temps la terrifiait.
Elle avait remarqué qu'il n y avait pas de bruit dans cette forêt.
Ce n'était pas la première chose qu'elle avait pu réaliser en se réveillant, elle avait d'autres préoccupations, mais maintenant qu'elle s'asseyait sur l'herbe, épuisée par sa longue marche, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à à quel point cet endroit était silencieux. Elle avait souvent été dans des forêts. Même de nuit il demeure que ce sont des lieux pleins de vie. Les bruits de pas des animaux nocturne, le chant des criquets, les roucoulements des hiboux. Il y avait toujours au moins quelque chose. Mais ici le silence était si pesant, qu'elle n'osait même plus le briser une fois qu'elle s'était arrêté de marcher et n'entendait plus ses propres bruits de pas. Elle avait cette sensation étrange, ce poids qui lui donnait l'impression que le son de sa voix ne devait pas sortir. Qu'il ne devrait jamais ressortir. Que si elle venait à ne prononcer ne serait ce qu'un mot, elle le regretterait amèrement. Et c'est cette sensation, celle de ne pas savoir ce qui l'attend dans l'obscurité. Qui fini par la paralyser.
Assise sur le sol, les mains sur ses genoux, elle ne savait pas quoi faire. Son regard s'était posé sur le sol sous ses pieds, faute de courage à l'idée d'essayer de garder un œil sur un possible danger qui pourrait surgir d'entre les arbres. La douleur se mêlait à son angoisse grandissante.
Elle était si fatiguée.
Elle ne sut pas combien de temps elle mit avant de bouger. Une minute ? Une heure ? Dix ?Elle n'en savait rien. Mais doucement, elle vint mettre ses mains sur ses yeux fermés en se couchant sur l'herbe, essayant de se rassurer en se disant que les troncs d'arbres la dissimulait un peu de ce que son esprit imaginait comme créatures cachées dans les ombres.
Dans cette position, sa respiration se calmait un peu. Les yeux fermés, il était tellement plus facile d'ignorer la forêt dans laquelle elle était. Il était plus facile d'ignorer les picotements des brins d'herbe, il était plus facile d'ignorer le froid dont sa robe de chambre ne la protégeait que trop légèrement. Elle n'avait plus d'énergie, elle ignorait pourquoi, mais elle avait l'impression que même si elle voulait se relever, réfléchir à ce qui l'amenait ici, et tenter de continuer de marcher, elle ne pourrait pas. Elle était épuisée.
Elle avait l'impression de flotter.
Les sensations venant du monde autours d'elle disparaissaient progressivement. Ça ne la fit pas paniquer un seul instant, si elle pouvait s'endormir et se réveiller à nouveau chez elle, elle en serait très heureuse. Elle pourrait se dire que tout ceci n'était qu'un cauchemar, que ça n'était jamais arrivé et qu'elle pouvait oublier cet endroit, oublier cette expérience.
Mais il était dur de ne pas remarquer que quelque chose clochait. L'impression de ne plus avoir de prise avec le sol, que plus rien ne se trouvait autours d'elle. « Est ce que c'est vraiment normal ? »,cette pensée s'était faufilée dans son esprit fatigué. La jeune fille trouva en elle une énergie qu'elle ne pensait pas avoir à cet instant précis, pour doucement, lentement, écarter les doigts qui dissimulaient ses yeux, et légèrement les ouvrir.
Le noir. Le noir complet. Il n'y a pas d'arbres, il n'y a pas de feuilles. Elle cligna doucement des yeux, mais rien ne changea. Il n'y avait rien.
L'envie de les refermer s'imposait dans son esprit. Quelle importance au final ? Tout irait bien, elle allait se réveiller de ce cauchemar très bientôt, A quoi bon résister beaucoup plus longtemps. Elle avait déjà décidé d'abandonner.
Mais avant d'avoir eu la chance de refermer les yeux, elle cru entendre quelque chose. Quelque chose au dessus d'elle. Ce n'était pas l'un des sons typiques de la forêt, non, même dans le flou elle arrivait bien à reconnaître une voix. Mais elle n'avait aucune idée d'à qui elle pouvait bien appartenir. La voix était trop éloignée pour qu'elle puisse comprendre ce qu'elle disait. Mais le son qui s'était imposé dans le silence complet qui l'entourait la poussa à lutter un peu plus contre le sommeil.
Elle releva doucement la tête.
Loin au dessus se trouver une petite lumière. Elle l'observa pendant une petite seconde sans trop visiblement réagir à son existence. Que pouvait elle bien en faire ? Elle n'avait pas la force d'aller jusqu'à elle. Mais elle l'entendit crier à nouveau, un peu plus fort, un peu plus clairement. Cette lumière. Elle était en train de l'appeler. Elle le réalisait. Plus elle l'observait, plus elle grandissait.
La jeune fille puisa dans le peu d'énergie qui lui restait. A cet instant ce n'était pas juste de la fatigue, elle avait l'impression que même l'air autours d'elle luttait pour la maintenir en place, la faire sombrer, l'encourager à ignorer cette lumière pour retourner dormir. Et si ça n'avait pas été pour les appels continuels de la lumière, elle l'aurait très probablement fait. Mais elle ne pouvait pas juste l'ignorer, elle devait lui répondre. Alors elle releva doucement la main, la tendant vers la lumière. Elle ne savait pas pendant combien de temps elle réussirait à rester ainsi, son bras était lourd, il était faible, elle avait la sensation qu'on lui tirait la manche pour la pousser à le baisser. Pendant une seconde elle cru même entendre de légers chuchotements à son oreille, des bruits l'encourageant à s'endormir. Et entre les chuchotements et les appels de la lumière qui grandissait encore, elle n'avait pas beaucoup moins sommeil.
Ses yeux commencèrent doucement à se fermer à nouveau, elle n'avait plus la force, elle laissa peu importe ce qui venait de l'enlacer l’entraîner vers le bas. Et sa main tendue vers la lueur se baissa doucement.
Elle ferma enfin les yeux.
Et avant que sa conscience ne l'abandonne enfin, elle sentit quelque chose attraper sa main. Ce n'était pas semblable à la prise du vide qui l’entraînait vers le fond. Non, non, c'était vrai, c'était réel. C'était la main de quelqu'un d'autre qui venait d'attraper la sienne, l'amenant loin des profondeurs étouffantes de l'obscurité. Et alors qu'elle eu l'impression de doucement retrouver ses forces, elle put enfin comprendre ce qu'elle lui disait.
« Je te tiens. »
[ …...... ]
Elle rouvrit doucement les yeux.
Dès son réveil. Elle avait put constater qu'elle était revenue dans sa chambre, mais bizarrement elle avait mit un instant à assimiler cette information. Elle se sentait si fatiguée, autant mentalement que physiquement. Ça devait être à cause de ce cauchemar étrange qu'elle venait d'avoir. Mais elle n'arrivait pas vraiment à se souvenir de ce qu'il s'était passé, c'est bien que ça ne devait pas être trop important. Elle se frotta légèrement les yeux en se redressant, elle sentit que quelque chose qui était posé sur son torse venait de tomber. C'était si léger qu'elle n'avait même pas réalisé que c'était là. Curieuse, elle tourna son regard vers le petit objet. Voyant ainsi, confondu dans ses draps blancs, une petite pierre blanche et lumineuse. Elle n'était pas bien grosse, même la lumière qu'elle émettait était faible, elle n'avait aucune idée d'où ça venait ou de ce que cet étrange petit objet pouvait bien être. Et malgré cela, elle ressentait un certain confort à la vue de cette petite pierre. C'était peut être juste un cadeau de sa mère qui ne voulait pas la réveiller. Ça serait bien son genre.
Elle l'observa pendant encore plusieurs secondes, avant de doucement venir la prendre dans sa main et la regarder. Elle avait une sensation étrange en la fixant. Elle ne savait pas ce que ça pouvait bien être, mais elle avait l'impression que ce petit caillou avait une importance pour elle, que c'était quelque chose qu'elle devrait garder à ses cotés. Et avec ce sentiment de confort dont elle ignorait l'origine, se mêlait un profond sentiment de gratitude.
« Merci » elle ne savait pas pourquoi ce mot revenait dans son esprit. Mais elle n'avait pas la force de remettre en question ce qu'elle ressentait à cet instant précis. Serrant la pierre contre elle, elle se recoucha, et le regard porté vers le plafond familier de sa chambre, elle ne mit pas bien longtemps avant de pouvoir se rendormir. Avec l'étrange certitude, que ce cauchemar ne lui reviendrait pas.
Et elle avait raison.
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