Patinage sur glace
Je descends l'escalier de glace et quitte le château. Les jardins de ce dernier consistent en une simple étendue de neige surmontée de quelques pins et buissons de houx. L'entrée en est délimitée par deux fontaines gelées. Je traverse l'endroit pour me rendre jusqu'au lac où m'attend le roi de l'eau. Il se tient debout sur la glace, muni d'étranges chaussures en argent dotées chacune d'une lame métallique.
Je lève un sourcil, étonnée. Il s'approche de moi en glissant avec grâce et habileté. Il me tend ensuite une paire de chaussures identiques aux siennes. Je lui demande :
- Qu'est-ce que vous avez encore là ?
- Ce sont des patins. Ils permettent de se déplacer sur la glace. Laissez-moi vous aider à les enfiler.
Il s'agenouille et m'ôte ma botte droite pour la remplacer par un patin. Il fait de même avec la gauche.
Il se relève ensuite et me tend sa main gantée de blanc. Je la prends et pose un pied sur le lac gelé, puis l'autre. Marcher avec ces drôles de chaussures n'est clairement pas aisé. Je ne les trouve pas confortables du tout, mais je continue à avancer, désireuse de pouvoir me déplacer avec autant de grâce que vient de le faire mon époux.
Seulement, je glisse et perds l'équilibre. Heureusement que Kaï est là pour m'empêcher de tomber en lâchant une de mes mains pour la passer autour de ma taille. Il m'aide à me redresser, tandis que je lui demande :
- Comment faites-vous pour vous déplacer avec autant d'aisance ? La surface est si glissante !
- Je suis tombé de nombreuses fois avant de réussir, vous savez ? Il faut du temps et de la pratique pour maitriser le patinage sur glace, mais je sais que vous pouvez y arriver.
- Ah, et comment le savez-vous ?
- Tout simplement parce que je crois en vous, dit-il en me regardant droit dans les yeux en souriant avec douceur.
Je lui rends inconsciemment son sourire, puis il poursuit :
- Vous ne devez pas soulever vos pieds comme vous le faites lorsque vous marchez sur un sol ordianire. Vous devez les faire glisser vers l'avant, comme ceci.
Il joint l'acte à la parole et avance doucement sur le lac gelé, sans lâcher ma main. Je m'aggripe à son bras tandis qu'il m'entraine derrière lui. Il s'arrête ensuite et me dit :
- C'est à votre tour.
Je l'imite du mieux que je peux, sans le lâcher, par crainte de tomber. Mes mouvements sont assez tendus et crispés. Mon époux le remarque et me conseille, sur un ton calme et doux :
- Détendez-vous. Vos mouvements doivent être fluides et naturels.
- C'est plus facile à dire qu'à faire. Je vous rappelle que je n'ai pas l'habitude de déambuler ainsi sur la glace.
- Je sais bien, mais vous y prendrez vite habitude, comme vous l'avez fait pour tout le reste.
- Si vous le dites . . .
Je n'ajoute rien pour me concentrer entièrement sur ce que je fais. Je constate bientôt que le roi de l'eau a raison : plus le temps passe et plus mes mouvements sont fluides et précis. Dix minutes plus tard, je dis à Kaï :
- C'est bon, vous pouvez me lâcher.
- Vous en êtes sûre ?
- Oui, je peux le faire seule, maintenant.
- D'accord. N'oubliez pas de toujours rester légèrement penché en avant.
- Oui, oui, c'est bon.
Il s'écarte doucement de moi. Je continue ma progression seule, doucement, mais sûrement. Je suis ravie et fière de constater que je me débrouille bien. Finalement, je crois que j'aime bien cette activité . . .
C'est au moment où cette pensée me traverse l'esprit que j'arrive au niveau d'un virage. Je l'emprunte avec aussurance, mais ne maitrise apparemment pas encore les changements de direcion car je perds l'équilibre en essayant de tourner à gauche et m'affale de tout mon long sur la surface dure et froide du lac gelé.
En voyant ma chute, mon époux se précipite vers moi et me demande d'un air inquiet :
- Est-ce que ça va ? Vous ne vous êtes pas fait mal ?
- Non, ça va, répondé-je en essayant de me relever.
Cependant, avec ces patins, la tâche n'est pas aisée et il me faut l'aide de mon compagnon pour me remettre sur mes deux pieds. Je soupire et déclare :
- Finalement, je crois que je n'aime pas cette activité . . .
Il éclate de rire et rétorque :
- Si vous n'aimez pas tout ce qui ne vous réussit pas du premier coup, il doit y avoir beaucoup de choses que vous n'appréciez pas.
- C'est effectivement le cas.
- Voilà qui est dommage. Vous êtes sûre de ne pas vouloir réessayer ?
- Non, j'en ai assez . . .
- Ah, je vois. Moi qui pensais que vous étiez courageuse et persévérante, je suis déçu de constater que vous n'êtes qu'une lâche et une faible, lance-t-il dédaigneusement.
En disant ces mots, il tourne lentement les talons. Vexée par sa remarque, je lui lance sur un ton de défi :
- Moi ? ! Une lâche et une faible ? ! C'est ce que vous verrez !
L'espace d'un instant, il me semble voir un sourire malicieux se dessiner sur son visage, mais j'ignore cela et recommence à patiner. Cependant, sous l'effet de la colère, mes mouvements sont assez brusques, ce qui me fait à nouveau perdre l'équilibre. Je tombe au sol et frappe du poing la glace, agacée. Ma rage est telle que je laisse échapper une puissante flamme de mon poing. Le roi de l'eau s'adresse alors à moi en ces termes :
- Calmez-vous, Oriane. La brutalité ne vous permettra jamais de maitriser le patinage.
Je lâche un soupir d'agacement et tente de me relever tant bien que mal. Kaï s'approche de moi pour me proposer son aide, mais je l'arrête aussitôt en lui disant :
- Non ! Restez où vous êtes. Je dois y arriver seule.
Il me faut plusieurs secondes d'efforts, mais je parviens enfin à me remettre debout. Une fois que c'est fait, je me tourne vers mon époux, un sourire triomphal sur le visage, mais c'est à ce moment précis que nous entendons des craquements. Je baisse les yeux et constate avec horreur que la glace est en train de se fissurer sous mes pieds !
J'ai un mouvement de recul instinctif, mais ce n'est pas le bon réflexe : la couche de glace cède sous mon poids et je me sens tomber dans l'eau frigorifiée du lac.
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