Le charbon de Gaïa
Ce n'est que le lendemain matin que nous arrivons enfin au royaume de la terre. L'aigle d'Éoline se pose gracieusement sur le sol, mais aussitôt, des hommes en uniformes verts nous encerclent. L'un d'eux nous demande :
- Qui êtes-vous et que venez-vous faire là ?
- Je suis Éoline, la gardienne de la cité de l'air. Et voici mon amie Oriane, la reine de l'eau. Nous devons voir le roi de la terre Adam au plus vite !
- C'est à lui de décider s'il est disposé à vous recevoir ou non. En attendant, nous vous prierons de bien vouloir nous suivre sans aucune résistance.
J'échange un regard avec mon amie, qui hoche la tête en m'adressant un sourire. Nous descendons du dos de son animal et nous approchons de l'homme, qui déclare :
- Je suis le capitaine de l'armée de la terre. Je vais vous conduire au château de notre roi, mais vous ne le verrez que s'il l'accepte.
- C'est entendu, dit la jeune femme à la longue chevelure bouclée.
Les hommes nous encerclent, pendant que leur capitaine marche en tête. Nous nous dirigeons ainsi jusqu'à une charrette attelée à un cheval. Le supérieur militaire nous invite alors à y monter :
- Installez-vous. Le château de notre roi est à plusieurs kilomètres d'ici, au centre du pays. Il sera plus facile et plus rapide d'y aller à cheval.
- Et mon aigle ? demande Éoline.
- Il n'a qu'à nous suivre à pied. Et qu'il ne montre aucun signe d'hostilité sans quoi mes homme seront contraints de l'abattre sur le champ !
Je comprends leur hostilité vis-à-vis de nous. Le royaume de la terre était l'allié du pays de l'eau durant la guerre. Nos pays étaient donc ennemis il y a peu. C'est déjà aimable de leur part d'accepter de nous conduire jusqu'à leur souverain. Ils ne l'auraient sans doute pas fait si je n'étais pas l'épouse du roi de l'eau.
Nous montons dans la charrette et nous y installons aussi confortablement que possible. Les hommes du capitaine montent sur des chevaux au pelage brun et lancent leurs montures au trot. Nous traversons d'abord un vaste terrain rocheux, puis un canyon. Une fois sortis de ce dernier, nous nous trouvons sur une route sableuse bordée de grands champs de blé, de maïs et de fleurs. Nous pouvons voir des paysans y travailler.
Le royaume de la terre se trouvant dans l'émisphère sud, il est encore en plein été. Le soleil brille dans le ciel et je finis par ôter ma cape qui me donne trop chaud. Une fois tous ces champs dépassés, nous aperçevons un grand château en pierre sculptées, entouré de vergers et de jardins où volent des papillons. Ce paysage est splendide !
La charrette s'arrête devant l'imposante bâtisse et le capitaine de l'armée descend de selle pour aller parler aux deux gardes qui surveillent la porte d'entrée. Ces derniers ouvrent ensuite les battants en bronze. Mon amie et moi desendons de la charrette pour suivre le militaire à l'intérieur du château.
Il y fait frais. Les murs et le plafond sont ornés de jolies sculptures en pierre représentant des arbres et des fleurs. Nous montons les marches d'un grand escalier et traversons un couloir au bout duquel se trouvent deux grandes portes en bronze. Le capitaine les ouvre et nous entrons dans une grande salle au bout de laquelle, sur une estrade en pierre, se trouve le trône en bronze du roi de la terre. L'imposant siège est orné d'émeraudes et le monarque y est assis, en pleine conversation avec un homme.
Il tourne la tête vers nous en nous entendant entrer et son capitaine s'agenouille devant lui pour lui adresser la parole :
- Bonjour, Votre Majesté. Excusez-moi de vous déranger, mais la gardienne de la cité de l'air et la reine de l'eau sont là et souhaitent s'entretenir avec vous.
Le grand homme brun pose ses yeux noisette sur nous et nous observe pendant un court instant, avant de dire à son soldat :
- C'est bon, capitaine Georges. Vous pouvez vous retirer.
L'homme se relève et quitte la pièce. Le roi de la terre reporte alors son attention sur nous. Il nous adresse, sur un ton calme et courtois :
- Bonjour, Mesdames. Asseyez-vous, je vous en prie, dit-il en nous désignant deux tabourets installés au pied de l'estrade. Vous devez être fatiguées par votre long voyage.
Nous prenons place sur les sièges désignés, puis le monarque continue :
- Que me vaut l'honneur de votre visite ?
J'échange un regard avec Éoline, avant de répondre :
- Nous avons besoin de votre aide. Le roi de l'eau Kaï est au plus mal. Il ne lui reste plus que cinq jours à vivre !
- Comment ? ! s'exclame-t-il, inquiet.
- C'est de ma faute ! Je lui ai fait mangé une pêche qui a été offerte à l'un de mes ancêtres par le démon du feu. Si vous saviez à quel point je regrette, mais tout ce qui importe pour l'instant, c'est de le sauver !
- Vous avez dit que vous lui avez donné à manger une pêche du démon du feu ?
- Oui, c'est cela.
Il ferme les yeux. Un silence pesant s'installe. Il dure quelques secondes. Ensuite, le roi de la terre nous dit :
- Je vais vous aider parce que Kaï est mon meilleur ami et que je ne supporterai pas qu'il lui arrive malheur. Suivez-moi.
Sur ces mots, il se lève et quitte la salle. Nous lui emboitons le pas. Il traverse le couloir, descend l'escalier principal et se dirige vers une grande porte cachée sous l'escalier. Il sort de sa ceinture un trousseau de clés et introduit l'une d'elles dans la serrure. Une fois la porte ouverte, il descend les escaliers qui se trouvent juste derrière. Nous le suivons et descendons profondément sous terre.
Au pied de ces escaliers se trouve un long tunnel que nous empruntons et au bout de ce dernier se situe une immense salle. Je n'ai jamais vu une pièce aux proportions aussi imposantes ! Elle est pleine de grandes et larges étagères sur lesquelles reposent des centaines de milliers de livres et de parchemins. Le roi de la terre Adam déclare :
- C'est ici que se trouve toute la mémoire de notre monde. Nous, habitants du royaume de la terre, sommes les gardiens de l'histoire de l'humanité. Nous consigons tous les faits historiques et autres informations importantes sur des documents que nous regroupons ici et je sais qu'il y a parmi eux des renseignements concernant cette pêche maudite.
Il avance entre les étagères, cherchant le document qui l'intéresse. Quelques minutes plus tard, il revient vers nous avec un parchemin qu'il déroule. Il le pose sur une table en pierre, à la vue de tous, et nous explique :
- Je me souvenais avoir lu quelque chose dessus, mais c'était il y a bien longtemps. Laissez-moi vous raconter l'histoire de cette pêche. Il y a bien longtemps de cela, le premier empereur du feu à avoir connu la guerre affrontait sans relâche le royaume de l'eau et le nôtre depuis de nombreuses années déjà. ll se dit alors que s'il éliminait le puissant allié que nous représentions pour le roi de l'eau, il gagnerait la guerre à coup sûr. Il demanda alors au démon du feu de lui offrir un moyen d'éliminer facilement son ennemi. L'entité donna à l'empereur du feu une graine qu'il lui demanda de planter dans les Abîmes, un territoire de désolation empli de volcans. Votre ancêtre s'exécuta et un arbre poussa dans ces terres arides : un pêcher aux fruits dorés et à la chair d'un rouge écarlate, qui a le don de brûler un individu de l'intérieur une fois ingérée. Comme vous l'avez dit, elle tue en seulement une semaine. L'empereur envoya un message à mon ancêtre, lui disant qu'il souhaitait instaurer la paix entre nos deux pays et qu'il lui offrait ses fruits préférés en gage de sa bonne volonté. L'un des gardes du roi de la terre s'est alors proposé de manger les fruits en premier, pour s'assurer qu'ils n'étaient pas empoisonnés, mais aucun symptome ne s'est déclaré dans les heures suivantes alors le roi a accepté de gouter à l'une de ces pêches. Seulement, ce n'est que le lendemain que le garde a commencé à se sentir mal. Le roi n'a pas tardé à tomber malade, lui aussi et a immédiatement compris que les pêches en étaient la cause. Plusieurs médecins l'ont examiné, mais aucun d'eux n'a su trouver de remède à son mal, alors le monarque s'est adressé à son dernier espoir : Gaïa, l'esprit de la Terre. Cette dernière lui a fourni un charbon aux qualités exceptionnelles et spécialement conçu pour combattre les effets de ces pêches maudites. Mon ancêtre et son garde ont aussitôt été sortis d'affaire et ce charbon, nous l'avons encore. Ma famille le conserve précieusement depuis que Gaïa nous l'a offert.
- Où est-il ? demandé-je précipitamment.
- Je ne vous le donnerai qu'à une seule condition . . .
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