part.1

3 minutes de lecture

Assise sur ma chaise à roulette, face mon énorme ordinateur plus du dernier siècle que du dernier cri, je retranscris, l'un après l’autre, les dossiers que mon patron m’apporte par piles tous les matins, me gratifiant par la même occasion de son sourire inexistant. Des dossiers volumineux qui semblent s’être cumulés depuis au moins une bonne dizaine d’année avant ma venue au monde. Raison pour laquelle je reste posée sur ma chaise du matin jusqu’au soir avec, pour seul compagnie, mon fessier endolori.

Du haut de mes vingt-sept ans, je ne suis plus aussi social qu’avant. Avec le temps et l’âge, mes seules sorties consistent à faire un minimum d’emplettes et me rendre à l’abattoir, pour retrouver cette appareille électronique qui me renvoi chaque mot que je pianote à l’écran. Ces mêmes mots que moi-même reprend des papiers étalés sous mes yeux.

J’ai toujours eu la sensation de ne pas avoir ma place dans ce monde. Constamment cette impression qu’il me manquait ce petit je-ne-sais-quoi pour aiguayer ma vie. Une relation simple ne m'a jamais suffi et une amitié m’ennuie très facilement. Comme si l’amour que j’offrais au monde était à sens unique. Possible que le manque d’affection de mes parents ait joué un rôle sur mes relations présentes, alors que mes séparations m'ont brisées un peu plus à chaque fois. C’est pourquoi j’ai cessé de récidiver. Je fuis plus que possible tout contact humain, qu’il soit physique ou juste psychologique. Et ce, avec n’importe quel individu.

Tout être humain aime, ou cherche à être aimé. Enfin, presque tous ! Une majorité qui élabore jusqu’au plus prétentieux des prétextes, afin de contenter leurs désirs ou satisfaire leurs besoins d’exister. Et où ça ne déroge pas à la règle, c’est que ça s’entame toujours par une poignée de main ou une simple petite tape amicale sur l’épaule. Autant dire que pour ma part, même de ça je m’en éloigne. Je reste seule derrière mon bureau, en attendant les bras de la grande faucheuse ou, par chance, participer à l’apocalypse. Qui sait, c’est peut-être là ma vraie place ! Attendre que n’advienne l’inattendu et finir par rejoindre une horde de zombies affamée de cervelles ramollies.

Bon, OK, j’avoue ! ce n’est qu’une envie passagère qui me prend souvent dans la journée. Très souvent ! Quoi qu’il en soit, pour le moment, je reste à ma place sur le côté gauche de la pièce sans vitre qui renferme ce bien sympathique directeur aussi aimable qu’un portail de cimetière. Un bon type qui ne pense qu’à sa petite personne et qui enchaine conquête sur conquête sur et sous son bureau, piochée au hasard au sein du personnel féminin qui garnit les étages. Nul doute que son mobilier a déjà dû supporter la moitié de ces femmes qui me servent de collègues. Heureusement que je sais le remettre en place. Et évidemment, le fait que ce soit moi qui réponde aux cinquante appels que son épouse passe chaque jour, m’aide à ne pas passer à la casserole.

En cette soirée d’automne, tandis que les feuilles sèches virevoltent au gré du vent avant de trouver une certaine stabilité sur la chaussée de la ville, je rentre chez moi et allume le téléviseur qui diffuse les informations du jour. Une série de meurtre s’étant produit non loin de mon bureau est à l’honneur, alors que les autorités n’ont pas pu mettre la main sur l’assassin. Au dire du journal télévisé, il n’y a pas le plus infime suspect à qui attribuer ces huit homicides. Qu’importe ! Cela échauffe mes sens et je sens comme des papillons qui s’agitent dans mon bas-ventre. Une sensation plus éprouvée depuis des lustres. Et bien sûr, une envie de plaire me prend au dépourvu et me met de si belles idées en tête, que je n’en dors pas de la nuit.

Au petit matin, je pars retrouver mon bureau, ou ma potence plutôt, tout en rêvassant encore à cette soudaine bouffée de chaleur de la veille. Puis, alors que se déroule la pause de midi, je retourne chez moi et me pare d’une minijupe noire, d’un top à brettelles en dentelle, enjolivé d’une veste en cuir tout aussi noir que le reste, jusqu’à ma paire de bottine à talon haut. J'attrape mon sac à main et retourne sur mon lieu de besogne, pour retrouver l’assise inconfortable faisant face à cet écran plus vieux que mon grand-père, aussi large que profond, tout comme ma grand-mère. Dans un dernier élan, j’attache mes long cheveux caramel en un chignon décoiffé, puis attends que l’élu ne morde à pleine dent à l’hameçons.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire LEXY02 A. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0